Frédéric Payet quitte la FFAB
Frédéric Payet, pratiquant de longue date d'Aïkido et de Budos, a décidé à son tour de quitter la FFAB. Il s'en explique.
à M. Serge Cruz, président de la LRAB.
Monsieur.
Le 30 octobre, vous avez bien voulu me contacter par courriel pour me proposer de rejoindre la commission technique de la LRAB. Je vous ai répondu le lendemain me semble-t-il, vous informant de l’arrêt provisoire de mes activités en raison d’une récente opération chirurgicale, et ajoutant : « Je prendrai le temps de vous répondre plus précisément dès que j'aurai retrouvé une certaine condition physique. »
Le moment est venu puisque j’ai repris la pratique lundi 3 décembre. Un autre événement - incroyable concours de circonstances - me pousse à vous adresser ce courrier : la récente lettre ouverte rédigée par mon maître en Voies martiales, M. Jaff Raji.
Cette lettre me conduit à vous informer du fait que mon club, l’E.R.B., ne fera plus partie de la LRAB, et a fortiori de la FFAB, après la fin de la présente saison « sportive ». La question de ma participation à la commission technique me paraît donc être devenue obsolète.
Dans un document que j’avais rédigé à l’intention de mes élèves, il y a quelques années, j’écrivis ma conception de ce qu’est un élève en budô. M’inspirant des écrits de l’un de mes Professeurs, le très estimé Me Pascal Krieger, j’y notai qu’un élève était une personne faisant preuve d’ « esprit malléable » : jûnanshin. Un état d’esprit - et de corps - fait de patience, de confiance, d’humilité, de souplesse d’esprit et de disponibilité. Il serait intéressant, pensai-je, de considérer chaque terme et d’imaginer ce que serait leur contraire. Ainsi, l’impatient serait celui qui désire ardemment grade et port du hakama, méprise la répétition des mouvements de base ou estime qu’aider les débutants revient à « perdre du temps ». L’impatient, selon moi, devient vite un « félon » (au sens premier du terme) : une personne qui ne veut pas faire confiance à son professeur.
Dans un courrier que j’avais adressé à M. Pierre Grimaldi et au bureau de la FFAB, en juillet 2010, j’avais écrit : « Car les termes retenus par M. Sans montrent qu’il oublie certains aspects de l’identité des disciplines que nous pratiquons et enseignons. Notre club appartient volontiers à la FFAB et nous nous
plions à toutes les obligations réglementaires. Mais en budô, la loyauté de chaque pratiquant va avant tout à son professeur ou à son Maître, pas à des organisations administratives. »
Je ne serai pas un félon. Je resterai loyal à mes Maîtres et Professeurs.
Vous commettriez toutefois une erreur en pensant que ma décision serait subite, qu’elle résulterait d’une absence de discernement ou d’indépendance d’esprit.
Vous le vérifierez en lisant les larges extraits qui suivent, issus du « rapport technique » que j’ai rédigé pour l’assemblée générale de l’ERB, le 18 septembre 2012 :
« Malcolm Tiki Shewan n’était pas revenu à La Réunion depuis plus de dix ans. Le stage qu’il a animé cette année est un motif d’intense satisfaction [...].
Il est regrettable - mais pas surprenant - que les dirigeants des autres clubs ne se soient pas mobilisés pour étudier auprès de l’un des piliers de l’aikidô français et du iaidô européen. A cette occasion, je suis fier d’avoir tenu des positions en accord avec les principes de loyauté et de respect que l’on doit à un maître du budô.
Etant données les relations anciennes entre Me Shewan et Me Raji, la proximité entre les enseignements ne nous a pas surpris. Les trois stages que nous avons proposés en un an et demi constituent un approfondissement d’une étude du budô - et pas seulement de l’aikidô - amorcée depuis maintenant dix années. Mais cette progression pose problème puisqu’elle nous éloigne du niveau moyen constaté à La Réunion, notamment chez les cadres, tant sur le plan technique que sur celui des connaissances intellectuelles liées à la pratique des budô. Ce qui crée un décalage problématique dans la mesure où il n’est pas reconnu comme tel par ceux qui n’ont pas les connaissances ou la maturité nécessaires pour le reconnaître... Les atermoiements constatés en mars, lorsque j’ai diffusé l’affiche du 3e stage de ligue que j’ai animé cette année, témoignent d’une ignorance et d’une crispation regrettables. Ce nouvel épisode dans une longue série de maladresses et d’erreurs m’a conduit à suspendre toute relation technique avec une ligue en déliquescence ; ainsi, les stages que j’animerai l’année prochaine seront des stages « privés », le moins que je puisse faire étant de m’aligner sur le statut accordé à mes maîtres... Après plusieurs années, je ne peux que constater qu’il est inutile et même nuisible de tenter de collaborer avec l’équipe en place.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’une décision sans conséquence pour les pratiquants d’aikidô. Le CER étant le seul à pouvoir animer des stages de préparation aux passages de grades, une période indéfinie s’ouvre au cours de laquelle aucun élève de l’ERB ne pourra se présenter à un passage de grades UFA. C’est une décision qui devrait être acceptée avec sérénité par tout pratiquant de l’ERB puisque nos professeurs et nos maîtres n’arrêtent pas de rappeler qu’on ne pratique pas pour les grades et que ceux-ci ne doivent pas faire l’objet d’une quelconque demande de la part des élèves. »
Pendant le stage animé par Me Shewan, j’avais été agacé de recevoir un courriel de menaces à peine voilées de la part de la FFAB, courriel qui avait servi de base à un courrier officiel largement diffusé par la suite.
Je suis attristé, choqué et fâché par la façon dont les instances locales et nationales traitent mes Maîtres et Professeurs, des personnes de grande qualité : quel honneur d’avoir reçu chez moi Malcom Tiki Shewan et d’avoir tant appris de lui ; quel honneur aussi, et quel bonheur, de
recevoir tous les ans une personne aussi talentueuse et méritante que Jaff Raji ! Que de tels individus acceptent mes invitations et m’accordent de l’importance est source de joie.
Il est hors de question que je sois traité mieux qu’ils ne le furent et qu’ils ne le sont.
Je me permets une dernière remarque pour finir. Dans votre courriel du 30 octobre, vous m’écriviez : « Je n'ignore pas les tensions qui ont pu exister les années passées, mais je souhaite construire cette nouvelle olympiade sur de nouvelles bases où chacun a la place qu'il mérite au sein de la ligue ». Votre volonté de concorde vous honore même si je reste persuadé qu’elle sera inefficace (la teneur des messages échangés entre « cadres » de la ligue à la fin octobre, messages agressifs, pleins d’acrimonie et... de fautes d’orthographe... m’a conforté dans mon pessimisme). Mais je vous assure que vous vous trompez quand vous écrivez que vous « n’ignore[z] pas les tensions qui ont pu exister les années passées ». Il me suffit de lire la liste des membres de la commission technique pour y constater qu’aucun membre n’a plus d’expérience que moi en tant qu’enseignant et dirigeant de la LRAB, ma première participation à un comité directeur de la LRAB remontant à 1998 (le cas de M. Meunier excepté ; mais on m’a affirmé qu’il n’enseignait plus - ayant confié cette mission à M. Lafuteur - et qu’il ne pratiquait guère). Je suis toujours sidéré par tous les nouveaux venus qui, tirant leur (fausse) légitimité du fait qu’ils s’auto-proclament détenteurs de la mémoire collective, se permettent de porter de nombreux jugements sur des personnes qu’ils ne connaissent pas, personnes qui ont œuvré bien plus et depuis bien plus longtemps qu’eux.
Comme mes Professeurs et Maîtres, j’énonce mes avis et mes positions sur la place publique et je les justifie. Comme mes Professeurs et Maîtres, j’ai malheureusement été habitué à la calomnie, la diffamation et l’injure (j’ai par exemple reçu un courrier anonyme d’injures suite au courrier que j’avais adressé à Pierre Grimaldi).
Il est grand temps que cela cesse. Cordialement,
Frédéric Payet