Le talent martial se transmet génétiquement
Le génie de Thomas Martin Einstein
Le génie d’Albert Einstein est universellement reconnu. Ce qui l’est moins, c’est que sa descendance a hérité de ses incroyables capacités intellectuelles. Raison pour laquelle, si le commun des mortels ne le sait pas toujours, les passionnés de physique suivent avidement les découvertes de l’arrière petit-fils, Thomas Martin, après celles du fils d’Albert, Hans Albert, et son petit-fils, Bernard Caesar. Les seules licences, maîtrises et doctorats valables ne sont d’ailleurs que ceux issus de l’association fondée par le fils d’Albert Einstein. De même, tout physicien sérieux se reconnaît au diplôme de docteur, chercheur, etc. écrit en allemand calligraphié et décerné par l’association fondée par Hans Albert.

Non ? Non.
Hans Albert fut un professeur d’ingénierie talentueux, Bernard Caesar fit quelques recherches notables, et Thomas Martin est médecin anesthésiste. Des carrières louables, mais rien qui ne fasse d’eux des autorités dans le monde de la physique, et pas un résultat qui marquera l’histoire de l’humanité. Leur vie n’en vaut pas moins, mais ils ne prétendent pas à des positions pour lesquelles ils ne sont pas qualifiées, ne sont pas suivis docilement par des millions de passionnés de physique, ni ne récoltent de millions en distribuant divers diplômes. En toute logique.
Soumission volontaire
Vous l’aurez compris, le cas de l’Aïkido avec la soumission volontaire d’une grande partie de ses pratiquants à une dynastie me paraît aussi illogique, anachronique et ridicule que si des physiciens attendaient encore validations et autorisations de la famille Einstein.
Il est vrai que le système iemoto a été adopté au Japon depuis quelques siècles par quelques traditions artistiques telles que le Noh ou la cérémonie du thé. Toutefois il n’a jamais fonctionné de la même manière pour les traditions martiales. Il était ainsi commun qu’un adepte ayant reçu la transmission d’une école développe son propre courant, ce qui explique les centaines de style de Kenjutsu qui cohabitaient par exemple.
En outre si certains styles furent transmis dans des familles, cela se faisait de deux façons :
- Soit le fils, suite à un entraînement extrêmement sévère était devenu capable de protéger l’école en répondant aux défis possibles.
- Soit un instructeur technique était mis en place jusqu’à ce qu’éventuellement un membre de la famille retrouve le niveau nécessaire pour enseigner.

Le vénérable Otake Risuke,
qui fut choisi pour prendre la direction technique du Katori Shinto ryu
en raison de sa virtuosité
Le système dynastique de l’Aïkikaï accepté par un grand nombre de pratiquants ne répond malheureusement pas à ces critères. Et les descendants de Ueshiba Moriheï n’ont, excepté leur sang, pas plus de compétences pour régner sur l’Aïkido mondial, que ceux d’Einstein pour diriger la physique à l’échelle de la planète.
La famille royale de l’Aïkido
Que certains souhaitent perpétuer un système féodal qui n’était pas même destiné aux arts martiaux ne me gêne pas. J’attends, toutefois de ceux qui en profitent une attitude humble, ouverte, et en retrait. Étant inutiles, être aimable est, comme pour la Reine d’Angleterre, la condition sine qua non de leur survie. Et le Doshu actuel, aimable et élégant, est ainsi apprécié de par le monde. J’ai même une véritable affection pour Moriteru Ueshiba dont j’ai régulièrement suivi les cours durant les trois premières années où j’ai habité au Japon.
C’est pourquoi j’ai été très étonné de voir la lettre de son fils Mitsuteru, parlant au nom de son arrière-grand-père, et jetant l’anathème sur tout groupe ou pratiquant d’Aïkido ayant intégré de la compétition.

Je pense que la compétition a de bons et de mauvais aspects. À mon sens les mauvais sont plus nombreux, et c’est pour cela que je ne l’encourage pas. Pour autant, il me semble impensable de dire :
« Si les concours ou la compétition sont introduits, ce n’est plus de l’Aïkido. »
Je laisserai ici la parole à Shimizu senseï, qui fut l’un des plus proches disciples du Fondateur :
Il y a aujourd'hui beaucoup de styles d'Aïkido. Jusqu'où peut-on considérer qu'il s'agit toujours d'Aïkido ?
On utilise souvent le terme Aïkido mais beaucoup de ce qui est désigné sous ce nom est très différent de ce que nous avons étudié auprès du Fondateur. Mais on ne peut dire pour autant qu'il ne s'agit pas d'Aïkido. C'est un point très délicat. (rires)
On ne peut pas simplement dire "Ce que je fais est de l'Aïkido, ce que font les autres n'en est pas".
La pratique change selon celui qui l'enseigne. Mais si celui qui le fait pense et déclare qu'il pratique l'Aïkido, je n'y vois pas d'inconvénients.
Chacun est libre d’avoir son opinion sur l’Aïkido. Être le bénéficiaire d’un système archaïque, anti-démocratique et népotique peut être considéré comme une chance par certains. J’attends toutefois d’eux qu’ils adoptent une attitude discrète, et aient la décence de se taire en récoltant les fruits de la création de leurs ancêtres. À ce titre, la lettre de Ueshiba Mitsuteru se posant en arbitre de ce qu’est l’Aïkido me semble déplacée et déplorable.

Shimizu Kenji, par Frédérick Carnet,
pour le livre Budoka no Kokoro
L’ouverture, fondement de l’Aïkido
Au-delà du Kendo ou du Judo, de nombreuses disciplines telles que le Kyudo ou le Iaïdo ont aussi intégré un système de compétition. Comme plusieurs courants d’Aïkido. C’est leur droit le plus total, et ces disciplines ne se sont pas reniées pour autant. Oui des courants se sont spécialisés dans la compétition, d’autres l’ont refusée tout net, la majeure partie adoptant une position mesurée et laissant ceux que cela intéresse s’y adonner.
L’Aïkido est une tradition vivante, en constante évolution, et n’appartient pas à une famille. Certes, les positions de Ueshiba Moriheï étaient claires. Mais il a aussi toujours conservé des liens avec Tomiki Kenji malgré le fait qu’il ait développé un système compétitif. En outre, si son message de bienveillance est universel, je me garderai bien de l’imiter à la lettre, tant certaines de ses positions et actions seraient considérées aujourd’hui comme celles d’un extrémiste. De la même façon que la majorité des croyants se gardent bien de suivre à la lettre les textes de la Bible ou du Coran.
Les descendants de Ueshiba Moriheï n’ont pas plus de compétences pour régner sur l’Aïkido mondial, que ceux d’Einstein pour diriger la physique à l’échelle de la planète.
La tentation est grande de chercher LA vérité. Mais certitudes et dogmes sont les ennemis du progrès. L’Aïkido appartient à l’humanité. Les aspirations qu’incarne la discipline ne sont pas propres à Ueshiba Moriheï et encore moins à ses descendants. Elles sont présentes dans la majorité des Budo, et existent depuis des siècles. Si nous devons avoir de la gratitude à Osenseï pour en avoir été un symbole, nous devons aussi nous garder de diviniser quiconque.
Maître Ueshiba était par de nombreux côtés révolutionnaire. J’oserai même avancer qu’il est très probable que vivant aujourd’hui, il aurait fait voler en éclat le système anti-démocratique, népotique et autoritaire des iemoto. L’Aïkido n’a pas plus besoin de rois et de régime patriarcal, mais d’un système de hiérarchie de compétences. Ce n’est qu’à ce prix qu’il aura une chance de survivre et porter son message d’ouverture dans le futur. L’alternative ? Imaginez où nous en serions en physique si les Einstein dirigeaient la discipline.

Léo Tamaki à Colmar, 1er et 2 février
Alain Graf-Colson est l’un des nombreux esprits libres qui, loin de s’inféoder à qui que ce soit, cherche sans aprioris. C’est avec plaisir que j’ai répondu à son invitation chez les Diables Rouges pour mon premier stage en Alsace.

Horaires
Samedi 1er, de 9h30 à 12h, et de 15h à 17h
Dimanche 2, de 9h30 à 12h
Lieu
Dojo Camille SEE
40 avenue de l’Europe
68000 Colmar
Tarifs
Stage complet 50€
2 cours 35€
1 cours 20€
Contact
07 81 20 72 96
