Christian Tissier ou le parcours d'un surdoué des tatamis
La France est aujourd'hui le pays comptant la plus large population de pratiquants d'Aïkido au monde. Du goût particulier des français pour le Japon à la compétence des senseïs qui enseignèrent dans l'hexagone tels que les maîtres Mochizuki, Abe, Nakazono, Nocquet, Noro ou Tamura, de nombreux facteurs expliquent ce phénomène. A cette liste prestigieuse de senseïs s'ajoute le nom de Christian Tissier qui est aujourd'hui l'un des plus célèbres experts de la discipline fondée par Moriheï Ueshiba. Retour sur le parcours brillant d'un surdoué des tatamis.
Un pratiquant précoce
Christian Tissier nait en 1951, l'année où l'Aïkido fait son apparition en France grâce à Mochizuki senseï. Il reçoit une éducation traditionnelle dans un établissement jésuite et débute l'Aïkido en 1962 à l'âge de onze ans. Sous la direction de Nakazono senseï qui l'initiera au kototama et à l'aspect spirituel de la discipline, il devient, six ans plus tard, 2ème dan à l'âge de dix-sept ans. Le bac en poche il n'a pas encore dix-huit ans quand il s'embarque pour le Japon où il compte passer six mois avant d'entamer des études supérieures. Il y restera huit ans et deviendra l'un des plus proches élèves du second Doshu et de Yamaguchi senseï.
Arrivée au Japon
La fin des années soixante est une époque où tout ce qui est lointain n'est plus inaccessible, un temps où la quête de soi est encore une motivation respectée. Baigné dans cette atmosphère Christian vivra son rêve jusqu'au bout. Après trois semaines de train et une traversée en bateau il débarque à l'Aïkikaï de Tokyo, centre mondial de l'Aïkido, avec pour seuls bagages sa naïveté et sa passion. Il a peu d'argent et beaucoup d'illusions.
Le Japon est un pays en pleine transition. Les baraques en bois y côtoient les gratte-ciels et le pays développe sa puissance économique à une vitesse folle. Tissier sera pleinement immergé dans ce paradoxe. Venu étudier un art traditionnel il se trouve nez à nez avec le bâtiment flambant neuf de l'Aïkikaï qui à l'époque domine tout le quartier de Wakamatsu-cho. Venu rencontrer le patriarche de l'Aïkido il étudiera sous la houlette de son successeur et de la nouvelle génération de maîtres de la discipline.
Obstacles
Il est difficile aujourd'hui d'imaginer ce que vivre au Japon pouvait signifier à l'époque et cela ne pourrait probablement correspondre aujourd'hui qu'à vivre sur la Lune tant le monde s'est rétréci. En 1970 la France n'est pas à 10 000 kilomètres mais à trois semaines. Les gens partageant votre culture sont extrêmement rares sans même parler de ceux qui parlent votre langue. La nourriture à laquelle vous êtes habitué n'est pas disponible et si elle l'est, elle coûte aussi cher qu'un repas dans un restaurant étoilé.
Malgré la modernité en marche, le Japon est encore un pays très fermé. Se déplacer, commander à manger, tout est un défi pour un jeune étranger ne parlant pas japonais, plus encore quand il n'a que quelques sous en poche. En effet, Christian n'a avec lui qu'une modeste somme amassée l'été en travaillant aux halles et comme déménageur. Il commence d'ailleurs son séjour au Japon en dormant sur un banc proche de l'Aïkikaï pendant une semaine.
Sans doute la jeunesse et l'enthousiasme expliquent en partie comment il supportera ces épreuves, en plus de l'intensité de ses longues heures quotidiennes de pratique. Mais il lui faudra surtout une grande force de caractère et une passion pour son art afin de surmonter les moments de solitude et les difficultés.
Christian emménage rapidement dans une pièce de deux tatamis et demi, environ 5m². Pratiquant du matin au soir avec tous les maîtres de l'Aïkikaï il est d'abord surpris et même déçu par ce qu'il voit et qui ne colle pas à ses références. Comprenant qu'il juge à l'aune de son expérience limitée, il se rend compte que six mois ne lui permettront pas même d'effleurer la discipline dans laquelle il est venu se perfectionner. Très vite d'ailleurs il prend conscience que ce n'est pas un perfectionnement mais une étude approfondie dont il a besoin.
Intégration
Tissier est d'abord accueilli avec curiosité. Chacun au Hombu, et le Doshu en particulier, se demande ce que peut bien venir faire ce jeune étranger. On le prend pour un fils de diplomate ou d'homme d'affaire alors que, comble de l'ironie, ses économies commencent à s'épuiser. Il vivotera en donnant des cours de français mais c'est surtout grâce au mannequinat qu'il surmontera ses difficultés matérielles. Jeune, l'allure fière et les yeux clairs, il n'aura aucun mal à trouver des emplois de modèle dans un Japon où les étrangers sont si rares. C'est d'ailleurs sans doute dans cet épisode qu'il faut trouver l'origine de l'aisance de Christian Tissier devant les caméras et sa compréhension du pouvoir de l'image.
Par la suite il décrochera un poste d'instituteur au lycée français de Tokyo qui lui permet d'obtenir un visa diplomatique tout en gagnant sa vie de façon régulière. Il finira enfin ses années au Japon à l'institut franco-japonais en tant qu'enseignant de français.
Durant tout ce temps Christian pratique intensivement. Très rapidement il sympathise avec les uchi-deshis, Endo, Suganuma, Toyoda et Yasuno. Surtout il se lie avec Moriteru Ueshiba, le jeune maître, waka senseï, qui a exactement le même âge que lui. Cela lui vaudra l'attention particulière du second Doshu, Kisshomaru. Tout en devenant l'un de ses principaux uke il devient aussi un des favoris de Yamaguchi senseï. Il est en outre nommé responsable de tout ce qui concerne les étrangers pratiquant au Hombu.
L'amitié de Christian Tissier avec les uchi-deshis de l'époque et surtout le troisième Doshu est importante car elle est sans doute à l'origine de la bienveillance de l'Aïkikaï envers la FFAAA, mais surtout elle explique l'attitude décomplexée de Christian Tissier. Si celui-ci ne manquera jamais de faire preuve de respect envers ses maîtres, on ne notera jamais non plus le complexe d'infériorité dont la plupart de ses pairs font preuve envers les experts japonais au seul vu de leur nationalité. Il a travaillé, sué et progressé avec eux, en même temps qu'eux. Il connaît leur langue, leur culture et ne les juge qu'à leur véritable valeur sans être aveuglé par l'aura de leurs origines. C'est un point fondamental qui lui permettra de parler d'égal à égal avec les autorités de l'Aïkido.
Kick-boxing
Durant ses années au Japon Christian Tissier rencontrera de nombreux pratiquants d'arts martiaux français aujourd'hui célèbres. Il forma avec plusieurs d'entre eux un groupe qui s'entraînait et confrontait leurs techniques. Il gardera de cette époque une vaste culture martiale mais surtout la capacité de faire face à tout type de technique, qualité particulièrement rare dans le monde de l'Aïkido.
Parallèlement à sa pratique de l'Aïkido Christian Tissier débute le Kick-boxing au Meïjiro gym, le haut-lieu des boxes pieds poings de l'archipel. Il s'y lie avec Toshio Fujiwara, le plus grand champion de l'époque, pour qui il garde aujourd'hui encore la plus grande admiration. Il ira jusqu'à faire quelques combats dans lesquels il pu donner libre cours à sa combattivité et son esprit de compétition tout en acquérant une signifiante expérience du combat pied-poings.
Il continuera d'ailleurs à mettre les gants avec les plus grands pendant plusieurs années, même lors de son retour en France. Il pratiquera ainsi avec Lavoratto et les membres de l'éuipe de France de Karaté, les frères Serfatti, Pierre Blot, Sadek Mazri, Georges Sziga, etc… Il s'entraînera aussi par la suite en boxe Thaïe sous la direction de Pud Pad Noy pendant trois ans. De ces années il conservera l'amitié et le respect de nombreux experts de disciplines pieds poings qui s'initieront sous sa direction à l'Aïkido.
La pratique des sports de combat influencera notablement l'Aïkido de Christian Tissier. On peut notamment y voir, conjointement à la pratique de Kisshomaru senseï, l'origine de sa très grande mobilité. Il y développera aussi sa confiance en soi. Mais si l'expérience acquise sur les rings est perceptible dans son travail, en revanche Tissier ne créera jamais de discipline bâtarde en mixant ses expériences. L'Aïkido restera l'essence de sa voie et ses autres pratiques ne viendront que nourrir sa recherche.
Principes et qualités
Une des choses que la pratique des sports de combats apportera sans doute à Christian Tissier est la compréhension de la différence entre ce qu'il appelle les "principes" et les "qualités". Les "qualités" qu'il décrit comme relevant principalement du domaine de l'inné, sont globalement liées aux capacités physiques, tandis que les "principes" qu'il décrit, sont du domaine de l'acquis, tels que la posture ou la maîtrise de la distance. Principes sur lesquels il s'appuie afin de dépasser la baisse de qualités physiques liées à l'âge mais surtout pour continuer à évoluer et avancer dans la pratique.
Kashima shin ryu kenjutsu
Grâce au parrainage de Yamaguchi senseï Christian Tissier débutera aussi la pratique du Kashima shin ryu avec Inaba senseï. Celui-ci, élève de maître Yamaguchi en Aïkido, lui enseignera spécifiquement des formes lui étant utiles à sa pratique de l'Aïkido. Il en gardera un esprit très direct lui permettant de rentrer dans l'action qui lui servira notamment lors de ses combats.
Associé à ce qu'il apprit lors des cours de Saïto senseï à l'Aïkikaï, mais surtout aux cours particuliers de Saotome senseï, le Kashima shin ryu formera la base du travail aux armes développé par Tissier.
L'Aïkido Tissier, au-delà des illusions
Christian Tissier a développé son propre Aïkido. Il l'a fait sans complexes car il a été confronté dès son arrivée à l'Aïkikaï à une multiplicité de visions de l'Aïkido. C'est là qu'il comprendra que la discipline n'est pas figée et que, dans le respect des principes elle peut s'exprimer de façon très personnelle.
Fruit de ses expériences, l'Aïkido de Tissier reflète aussi profondément sa personnalité. Ample et mobile il cache sous son apparente circularité une approche très directe. A l'opposé de certaines formes plus passives il est sous-tendu par un véritable engagement dans l'action. Dynamique, il nécessite une grande générosité physique des pratiquants, à l'inverse de formes plus économes aux mouvements très réduits.
Dans son enseignement point de discours philosophiques ou ésotériques. Il laisse le ki et l'ésotérisme aux autres en privilégiant un travail technique concret. On retrouve dans cette approche sobre et austère le caractère de ses deux maîtres, Yamaguchi et Ueshiba Kisshomaru, qui privilégièrent une approche simple de l'Aïkido, basée sur la pratique et débarrassé de ses aspects mystiques.
On retrouve en outre dans la technique de Christian Tissier la liberté inspirée par Yamaguchi senseï et la clarté de Kisshomaru senseï.
Les clés du succès
Christian Tissier est parti au Japon lorsque l'Aïkido était encore jeune en France. La discipline était peu développée et le niveau moyen des enseignants était bas. Il est arrivé à l'âge d'or de l'Aïkikaï, une époque où enseignaient les maîtres Toheï, Osawa, Arikawa, Saïto, Yamaguchi, Saotome, etc… Sa position particulière, ses dons et son énergie lui permettront d'être remarqué par plusieurs d'entre eux qui lui donneront une formation particulièrement poussée.
Son talent et l'enseignement technique qu'il reçu liés à son charisme, sa compréhension du pouvoir de l'image et la pédagogie claire et cartésienne adaptée à l'esprit occidental qu'il développa, en firent un des acteurs majeurs du développement de l'Aïkido et l'une des plus grandes célébrités des arts martiaux. Récemment mis en vente un DVD le présentant figure d'ores et déjà parmi les meilleures ventes du domaine des arts martiaux et le clip le présentant a été téléchargé près de 40 000 fois en quelques semaines. Il est en outre le seul instructeur occidental à enseigner au côté des grands maîtres lors des stages de la Fédération Internationale d'Aïkido.
Les critiques
Aujourd'hui Tissier est de fait à la tête de la FFAAA même s'il a choisi de n'y occuper aucun poste officiel. Ce positionnement issu de sa rupture avec Tamura senseï lorsqu'il quitta la FFJDA pour monter sa propre fédération est d'ailleurs à l'origine du fossé qui sépare le jeune lion et le vieux loup.
Bien sûr les critiques n'épargnent pas le golden boy de l'Aïkido français. Trop commercial, orgueilleux, technique trop saccadée, etc… S'il est certain que certaines remarques sont justifiées au vu des choix de ceux qui les émettent, elles perdent souvent de leur impact lorsque, comme c'est souvent le cas, elles sont sous-tendues par l'envie.
Oui Christian Tissier est fier de son parcours. Bien sûr il comprend le pouvoir des médias et se sert d'eux. Mais on oublie bien souvent que lorsqu'il a commencé sa route, vivre de l'Aïkido n'était même pas un rêve. Doit-on lui en vouloir d'avoir utilisé sa compétence pour vivre confortablement? La discipline dans sa globalité ne profite-t-elle pas des retombées de sa médiatisation?
Quoi qu'il en soit, conscient de sa valeur et sûr de ses choix Christian Tissier assume son parcours et ne semble pas se préoccuper des critiques.
Une vie liée à l'Aïkido
Né lors de l'arrivée de l'Aïkido en France, Christian Tissier arrivera au Japon à la disparition d'Osenseï, à l'aube du développement mondial de l'Aïkido. Sa vie a ainsi symboliquement été liée à la discipline à laquelle il s'est consacré et dont il a été et continue d'être avec talent l'un des principaux moteurs de développement.
Un pratiquant précoce
Christian Tissier nait en 1951, l'année où l'Aïkido fait son apparition en France grâce à Mochizuki senseï. Il reçoit une éducation traditionnelle dans un établissement jésuite et débute l'Aïkido en 1962 à l'âge de onze ans. Sous la direction de Nakazono senseï qui l'initiera au kototama et à l'aspect spirituel de la discipline, il devient, six ans plus tard, 2ème dan à l'âge de dix-sept ans. Le bac en poche il n'a pas encore dix-huit ans quand il s'embarque pour le Japon où il compte passer six mois avant d'entamer des études supérieures. Il y restera huit ans et deviendra l'un des plus proches élèves du second Doshu et de Yamaguchi senseï.
Arrivée au Japon
La fin des années soixante est une époque où tout ce qui est lointain n'est plus inaccessible, un temps où la quête de soi est encore une motivation respectée. Baigné dans cette atmosphère Christian vivra son rêve jusqu'au bout. Après trois semaines de train et une traversée en bateau il débarque à l'Aïkikaï de Tokyo, centre mondial de l'Aïkido, avec pour seuls bagages sa naïveté et sa passion. Il a peu d'argent et beaucoup d'illusions.
Le Japon est un pays en pleine transition. Les baraques en bois y côtoient les gratte-ciels et le pays développe sa puissance économique à une vitesse folle. Tissier sera pleinement immergé dans ce paradoxe. Venu étudier un art traditionnel il se trouve nez à nez avec le bâtiment flambant neuf de l'Aïkikaï qui à l'époque domine tout le quartier de Wakamatsu-cho. Venu rencontrer le patriarche de l'Aïkido il étudiera sous la houlette de son successeur et de la nouvelle génération de maîtres de la discipline.
Obstacles
Il est difficile aujourd'hui d'imaginer ce que vivre au Japon pouvait signifier à l'époque et cela ne pourrait probablement correspondre aujourd'hui qu'à vivre sur la Lune tant le monde s'est rétréci. En 1970 la France n'est pas à 10 000 kilomètres mais à trois semaines. Les gens partageant votre culture sont extrêmement rares sans même parler de ceux qui parlent votre langue. La nourriture à laquelle vous êtes habitué n'est pas disponible et si elle l'est, elle coûte aussi cher qu'un repas dans un restaurant étoilé.
Malgré la modernité en marche, le Japon est encore un pays très fermé. Se déplacer, commander à manger, tout est un défi pour un jeune étranger ne parlant pas japonais, plus encore quand il n'a que quelques sous en poche. En effet, Christian n'a avec lui qu'une modeste somme amassée l'été en travaillant aux halles et comme déménageur. Il commence d'ailleurs son séjour au Japon en dormant sur un banc proche de l'Aïkikaï pendant une semaine.
Sans doute la jeunesse et l'enthousiasme expliquent en partie comment il supportera ces épreuves, en plus de l'intensité de ses longues heures quotidiennes de pratique. Mais il lui faudra surtout une grande force de caractère et une passion pour son art afin de surmonter les moments de solitude et les difficultés.
Christian emménage rapidement dans une pièce de deux tatamis et demi, environ 5m². Pratiquant du matin au soir avec tous les maîtres de l'Aïkikaï il est d'abord surpris et même déçu par ce qu'il voit et qui ne colle pas à ses références. Comprenant qu'il juge à l'aune de son expérience limitée, il se rend compte que six mois ne lui permettront pas même d'effleurer la discipline dans laquelle il est venu se perfectionner. Très vite d'ailleurs il prend conscience que ce n'est pas un perfectionnement mais une étude approfondie dont il a besoin.
Intégration
Tissier est d'abord accueilli avec curiosité. Chacun au Hombu, et le Doshu en particulier, se demande ce que peut bien venir faire ce jeune étranger. On le prend pour un fils de diplomate ou d'homme d'affaire alors que, comble de l'ironie, ses économies commencent à s'épuiser. Il vivotera en donnant des cours de français mais c'est surtout grâce au mannequinat qu'il surmontera ses difficultés matérielles. Jeune, l'allure fière et les yeux clairs, il n'aura aucun mal à trouver des emplois de modèle dans un Japon où les étrangers sont si rares. C'est d'ailleurs sans doute dans cet épisode qu'il faut trouver l'origine de l'aisance de Christian Tissier devant les caméras et sa compréhension du pouvoir de l'image.
Par la suite il décrochera un poste d'instituteur au lycée français de Tokyo qui lui permet d'obtenir un visa diplomatique tout en gagnant sa vie de façon régulière. Il finira enfin ses années au Japon à l'institut franco-japonais en tant qu'enseignant de français.
Durant tout ce temps Christian pratique intensivement. Très rapidement il sympathise avec les uchi-deshis, Endo, Suganuma, Toyoda et Yasuno. Surtout il se lie avec Moriteru Ueshiba, le jeune maître, waka senseï, qui a exactement le même âge que lui. Cela lui vaudra l'attention particulière du second Doshu, Kisshomaru. Tout en devenant l'un de ses principaux uke il devient aussi un des favoris de Yamaguchi senseï. Il est en outre nommé responsable de tout ce qui concerne les étrangers pratiquant au Hombu.
L'amitié de Christian Tissier avec les uchi-deshis de l'époque et surtout le troisième Doshu est importante car elle est sans doute à l'origine de la bienveillance de l'Aïkikaï envers la FFAAA, mais surtout elle explique l'attitude décomplexée de Christian Tissier. Si celui-ci ne manquera jamais de faire preuve de respect envers ses maîtres, on ne notera jamais non plus le complexe d'infériorité dont la plupart de ses pairs font preuve envers les experts japonais au seul vu de leur nationalité. Il a travaillé, sué et progressé avec eux, en même temps qu'eux. Il connaît leur langue, leur culture et ne les juge qu'à leur véritable valeur sans être aveuglé par l'aura de leurs origines. C'est un point fondamental qui lui permettra de parler d'égal à égal avec les autorités de l'Aïkido.
Kick-boxing
Durant ses années au Japon Christian Tissier rencontrera de nombreux pratiquants d'arts martiaux français aujourd'hui célèbres. Il forma avec plusieurs d'entre eux un groupe qui s'entraînait et confrontait leurs techniques. Il gardera de cette époque une vaste culture martiale mais surtout la capacité de faire face à tout type de technique, qualité particulièrement rare dans le monde de l'Aïkido.
Parallèlement à sa pratique de l'Aïkido Christian Tissier débute le Kick-boxing au Meïjiro gym, le haut-lieu des boxes pieds poings de l'archipel. Il s'y lie avec Toshio Fujiwara, le plus grand champion de l'époque, pour qui il garde aujourd'hui encore la plus grande admiration. Il ira jusqu'à faire quelques combats dans lesquels il pu donner libre cours à sa combattivité et son esprit de compétition tout en acquérant une signifiante expérience du combat pied-poings.
Il continuera d'ailleurs à mettre les gants avec les plus grands pendant plusieurs années, même lors de son retour en France. Il pratiquera ainsi avec Lavoratto et les membres de l'éuipe de France de Karaté, les frères Serfatti, Pierre Blot, Sadek Mazri, Georges Sziga, etc… Il s'entraînera aussi par la suite en boxe Thaïe sous la direction de Pud Pad Noy pendant trois ans. De ces années il conservera l'amitié et le respect de nombreux experts de disciplines pieds poings qui s'initieront sous sa direction à l'Aïkido.
La pratique des sports de combat influencera notablement l'Aïkido de Christian Tissier. On peut notamment y voir, conjointement à la pratique de Kisshomaru senseï, l'origine de sa très grande mobilité. Il y développera aussi sa confiance en soi. Mais si l'expérience acquise sur les rings est perceptible dans son travail, en revanche Tissier ne créera jamais de discipline bâtarde en mixant ses expériences. L'Aïkido restera l'essence de sa voie et ses autres pratiques ne viendront que nourrir sa recherche.
Principes et qualités
Une des choses que la pratique des sports de combats apportera sans doute à Christian Tissier est la compréhension de la différence entre ce qu'il appelle les "principes" et les "qualités". Les "qualités" qu'il décrit comme relevant principalement du domaine de l'inné, sont globalement liées aux capacités physiques, tandis que les "principes" qu'il décrit, sont du domaine de l'acquis, tels que la posture ou la maîtrise de la distance. Principes sur lesquels il s'appuie afin de dépasser la baisse de qualités physiques liées à l'âge mais surtout pour continuer à évoluer et avancer dans la pratique.
Kashima shin ryu kenjutsu
Grâce au parrainage de Yamaguchi senseï Christian Tissier débutera aussi la pratique du Kashima shin ryu avec Inaba senseï. Celui-ci, élève de maître Yamaguchi en Aïkido, lui enseignera spécifiquement des formes lui étant utiles à sa pratique de l'Aïkido. Il en gardera un esprit très direct lui permettant de rentrer dans l'action qui lui servira notamment lors de ses combats.
Associé à ce qu'il apprit lors des cours de Saïto senseï à l'Aïkikaï, mais surtout aux cours particuliers de Saotome senseï, le Kashima shin ryu formera la base du travail aux armes développé par Tissier.
L'Aïkido Tissier, au-delà des illusions
Christian Tissier a développé son propre Aïkido. Il l'a fait sans complexes car il a été confronté dès son arrivée à l'Aïkikaï à une multiplicité de visions de l'Aïkido. C'est là qu'il comprendra que la discipline n'est pas figée et que, dans le respect des principes elle peut s'exprimer de façon très personnelle.
Fruit de ses expériences, l'Aïkido de Tissier reflète aussi profondément sa personnalité. Ample et mobile il cache sous son apparente circularité une approche très directe. A l'opposé de certaines formes plus passives il est sous-tendu par un véritable engagement dans l'action. Dynamique, il nécessite une grande générosité physique des pratiquants, à l'inverse de formes plus économes aux mouvements très réduits.
Dans son enseignement point de discours philosophiques ou ésotériques. Il laisse le ki et l'ésotérisme aux autres en privilégiant un travail technique concret. On retrouve dans cette approche sobre et austère le caractère de ses deux maîtres, Yamaguchi et Ueshiba Kisshomaru, qui privilégièrent une approche simple de l'Aïkido, basée sur la pratique et débarrassé de ses aspects mystiques.
On retrouve en outre dans la technique de Christian Tissier la liberté inspirée par Yamaguchi senseï et la clarté de Kisshomaru senseï.
Les clés du succès
Christian Tissier est parti au Japon lorsque l'Aïkido était encore jeune en France. La discipline était peu développée et le niveau moyen des enseignants était bas. Il est arrivé à l'âge d'or de l'Aïkikaï, une époque où enseignaient les maîtres Toheï, Osawa, Arikawa, Saïto, Yamaguchi, Saotome, etc… Sa position particulière, ses dons et son énergie lui permettront d'être remarqué par plusieurs d'entre eux qui lui donneront une formation particulièrement poussée.
Son talent et l'enseignement technique qu'il reçu liés à son charisme, sa compréhension du pouvoir de l'image et la pédagogie claire et cartésienne adaptée à l'esprit occidental qu'il développa, en firent un des acteurs majeurs du développement de l'Aïkido et l'une des plus grandes célébrités des arts martiaux. Récemment mis en vente un DVD le présentant figure d'ores et déjà parmi les meilleures ventes du domaine des arts martiaux et le clip le présentant a été téléchargé près de 40 000 fois en quelques semaines. Il est en outre le seul instructeur occidental à enseigner au côté des grands maîtres lors des stages de la Fédération Internationale d'Aïkido.
Les critiques
Aujourd'hui Tissier est de fait à la tête de la FFAAA même s'il a choisi de n'y occuper aucun poste officiel. Ce positionnement issu de sa rupture avec Tamura senseï lorsqu'il quitta la FFJDA pour monter sa propre fédération est d'ailleurs à l'origine du fossé qui sépare le jeune lion et le vieux loup.
Bien sûr les critiques n'épargnent pas le golden boy de l'Aïkido français. Trop commercial, orgueilleux, technique trop saccadée, etc… S'il est certain que certaines remarques sont justifiées au vu des choix de ceux qui les émettent, elles perdent souvent de leur impact lorsque, comme c'est souvent le cas, elles sont sous-tendues par l'envie.
Oui Christian Tissier est fier de son parcours. Bien sûr il comprend le pouvoir des médias et se sert d'eux. Mais on oublie bien souvent que lorsqu'il a commencé sa route, vivre de l'Aïkido n'était même pas un rêve. Doit-on lui en vouloir d'avoir utilisé sa compétence pour vivre confortablement? La discipline dans sa globalité ne profite-t-elle pas des retombées de sa médiatisation?
Quoi qu'il en soit, conscient de sa valeur et sûr de ses choix Christian Tissier assume son parcours et ne semble pas se préoccuper des critiques.
Une vie liée à l'Aïkido
Né lors de l'arrivée de l'Aïkido en France, Christian Tissier arrivera au Japon à la disparition d'Osenseï, à l'aube du développement mondial de l'Aïkido. Sa vie a ainsi symboliquement été liée à la discipline à laquelle il s'est consacré et dont il a été et continue d'être avec talent l'un des principaux moteurs de développement.
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