Budo no Nayami

Interview Kono Yoshinori, bujutsuka sans concessions

9 Juin 2010 , Rédigé par Léo Tamaki Publié dans #Interviews

Kono Yoshinori est sans conteste le budoka le plus célèbre du Japon. Capable d'améliorer les performances de sportifs de haut niveau ou le jeu de musiciens professionnels grâce à l'utilisation du corps selon les principes des bujutsu, il est surtout un pratiquant d'exception excellant aussi bien dans le travail aux armes qu'à mains nues.



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Kono Yoshinori senseï



Senseï, depuis quand pratiquez-vous les budo?
J'ai véritablement commencé la pratique par l'Aïkido. C'était la 21ème année de l'ère Showa donc… en 1971. J'avais vingt-deux ans.

Qu'est ce qui vous a poussé à pratiquer les arts martiaux?
C'est difficile à résumer en quelques mots. Je voulais comprendre la nature fondamentale de l'être humain, découvrir ce qu'est son état naturel. Généralement c'est dans la religion ou les philosophies que l'on cherche des réponses à ce genre de questions je suppose. Mais j'ai voulu le comprendre dans mon corps. C'est cela qui a été le déclencheur.

C'est alors que vous avez commencé l'Aïkido?
Oui je suis allé pratiquer au Hombu dojo de l'Aïkikaï.

De nombreux maîtres de premier plan enseignaient à l'Aïkikaï à cette époque. Lequel vous a le plus marqué?
J'ai commencé à pratiquer avec tous mais peu à peu je me suis naturellement rapproché de Yamaguchi senseï. Vers 1975 j'étais devenu son principal uke, aussi bien à l'Aïkikaï que dans son dojo personnel où je vécus même pendant une période.



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C'est ensuite que vous vous êtes intéressé à d'autres disciplines?
J'ai étudié le Kashima shin ryu parallèlement à l'Aïkido puis d'autres écoles anciennes. Mais ce qui m'a le plus apporté fut ma rencontre avec Kuroda senseï du Shinbukan Kuroda ryugi.

A quel niveau?
Le fait de ne pas pousser dans le sol ou de ne pas vriller son corps par exemple, sont des principes fondamentaux et élémentaires des nihon bujutsu. Mais aujourd'hui tout le monde au Japon a développé un corps adapté aux activités physiques occidentales.
Kono senseï joint alors le geste à la parole, marchant d'une façon commune, bras et jambe opposés avançant simultanément ce qui provoque une vrille au niveau de la colonne vertébrale.
Par exemple en boxe on vrille le corps de cette manière. C'est normal puisqu'il s'agit d'une activité née en Occident. Malheureusement en Judo moderne on bouge aussi ainsi… Cela change la façon d'exécuter la technique ainsi que son résultat.
Utiliser le corps sans vriller est une chose qui n'est plus connue, comprise ni enseignée. Que ce soit lorsque je pratiquais l'Aïkido, le Kashima ou n'importe quelle autre école, personne ne m'en avait parlé ni ne le savait. En ce sens Kuroda senseï est celui à qui je suis le plus redevable car plus qu'un enseignement technique il m'a livré les fondements des koryu. Par la suite mes recherches historiques et techniques m'ont confirmé ce qu'il m'avait révélé.
(Note de l'auteur: -Nihon bujutsu: technique martiale japonaise.
-Koryu: tradition martiale, littéralement école ancienne.)



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Tout le monde bougeait donc de la même manière par le passé?
Non. Il y avait énormément de traditions martiales, chacune ayant ses propres théories et fondements. Par exemple chez Kuroda senseï le tsubazeri (technique où les deux combattants se retrouvent au corps à corps, garde contre garde) n'est pas pratiqué, comme en Shinkage ryu, puisque ce courant considère que l'on s'est dégagé en coupant avant d'en arriver là. Mais c'est un type de techniques qui était très développé pendant l'époque Edo où il existait par exemple des variations où l'on renversait l'adversaire en lui bloquant le pied, etc… Il y avait donc une très grande variété durant l'époque Edo. On dénombrait d'ailleurs entre cinq et sept cent écoles présentant des différences notables.
En revanche un point commun important était l'absence d'appuis, de poussée dans le sol.

La façon de marcher des gens dans le Japon ancien était donc différente de celle d'aujourd'hui?
Oui, c'était très différent. Ils marchaient sans balancer les bras.

Ce qu'on appelle Nanba aruki?
Oui c'est cela.

Tout le monde marchait-il ainsi?
Tout le monde. Si l'on regarde les tableaux japonais antérieurs à l'époque Meïji, personne ne marche comme aujourd'hui. Lorsque qu'une main était sortie ou avancée cela était de cette façon.
Kono senseï démontre alors les différentes façons de bouger du Japon ancien. Les différences dues à la pratique de leur métier marquaient les gens à un point tel qu'il était possible de connaître l'occupation d'un individu à sa démarche. Il semble d'ailleurs que connaître la façon de marcher de différent corps de métier ait été un talent nécessaire aux espions du Japon féodal.

Lorsqu'il fallait s'enfuir précipitamment lors d'un incendie ou d'une bataille qui se rapprochait les gens se déplaçaient ainsi. Comme s'ils dansaient.
Kono senseï se met alors à se déplacer les deux bras en l'air.
Généralement ils ne savaient pas courir. Lorsque quelqu'un qui ne sait pas courir se précipite cela donne ce genre de chose. Une sorte de Bon odori.
(N.d.a. Le Bon odori, danse du bon, est effectué lors de O-bon, la fête célébrant le retour des morts au mois d'août au Japon.)



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Mais qu'en est-il alors de ces postiers qui arrivaient à parcourir plus de 200km par jour?
Ah, cela est différent. Certaines personnes particulièrement rapides pouvaient se déplacer sur ce type de distance en utilisant le corps de cette manière. Elles avaient un rendement comparable à celui de quelqu'un sur un vélo. Mais ce n'est pas simplement courir 200 km un jour. C'est le faire le lendemain. Et le jour d'après. Et chaque jour suivant. La charge ne se limitait pas à courir 200km une unique fois.

Chaque ryu possédait donc ses propres théories. La plupart ont-elles aujourd'hui disparues?
Malheureusement oui. C'est particulièrement flagrant si on observe le gendai Kendo. Même si les pratiquants essaient d'imiter les postures du passé, il ne s'agit que d'une imitation vide. Ceux qui transmettent réellement les waza du passé, la façon de bouger antique, comme Kuroda senseï, ne représentent tout au plus que deux ou trois écoles dans tout le Japon. Deux ou trois tout au plus…
Les autres utilisent leur corps à la manière contemporaine et ne transmettent qu'une chorégraphie. Ils reproduisent les formes, imitent, mais ne savent pas bouger. Il n'y a aucun doute à ce sujet.

Le shisei du Kendo moderne vient d'Allemagne! Lorsqu'il est passé à l'ère Meïji le Japon s'est pris d'admiration pour l'Europe. On considérait que tout ce qui était européen était bon et le shisei du Kendo s'est transformé ainsi. Auparavant les positions étaient entre autre beaucoup plus basses.
(N.d.a. Gendai Kendo: Kendo moderne.
-Waza: technique, ici dans un sens large plus proche de savoir-faire.
-Shisei: posture)



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La formation de l'armée par la France et l'Allemagne a-t-elle jouée un rôle dans ce processus?
C'est indéniable. Si les méthodes étrangères étaient déjà à l'ordre du jour dans la formation militaire à l'aube de l'ère Meïji, c'est à partir de la guerre de Seinan que leur adoption totale a eu lieu. La conscription avait élargit le domaine réservé des bushis, la guerre, à toutes les catégories de la population. C'est donc une armée de conscrits qui s'est retrouvée face à d'authentiques samouraïs.
Mais comme les soldats issus de la société civile ne savaient pas courir ils se faisaient trancher par les bushi. Il a alors été décidé d'introduire une formation militaire complète de type occidentale qui apprendrait entre autres aux conscrits à courir. C'est aussi vers cette époque que la posture du Kendo a évoluée. L'époque Meïji a réellement été un tournant majeur.
(N.d.a. -Ere Meïji: 1868 - 1912
-Bushi: guerrier.
-La guerre de Seinan opposa Takamori Saïgo et un groupe de samouraïs rebelles aux forces impériales. Le point culminant de cette révolte fut la bataille de Tabaruzaka où 15 000 samouraïs firent face à 90 000 militaires pendant 17 jours. Au terme de ce terrible affrontement chaque camp devait déplorer des pertes égales de plus de 4 000 hommes.)


Cette utilisation traditionnelle du corps est-elle présente dans des domaines tels que la cérémonie du thé ou le théâtre Kabuki par exemple?
Elle subsiste en effet plus souvent dans ces domaines.

En voyant les vidéos d'Osenseï ou en observant Yamaguchi senseï, pensez-vous qu'ils employaient la façon traditionnelle d'utiliser le corps?
Yamaguchi senseï comme tous les autres élèves de Ueshiba utilisait son corps de façon moderne. En revanche Osenseï a reçu une éducation traditionnelle à l'époque Meïji. Ses mouvements étaient différents.

Comment peut-on définir votre pratique?
Les gens nomment ma pratique Kobujutsu ou Kobudo mais il s'agit simplement du fruit de mes recherches. C'est quelque chose que j'ai développé en m'appuyant sur l'étude des maîtres du passé.
Je ne fonctionne pas selon un modèle courant. Je ne donne pas de dan ou mokuroku. Le système dan-kyu est adapté à des personnes qui sont satisfaites de leur niveau. Jusqu'à aujourd'hui je ne suis pas satisfait de ma pratique et chaque jour je poursuis ma recherche en cherchant à m'améliorer donc je ne peux pas évaluer un "niveau". Je préfère montrer les techniques aux gens et qu'ils poursuivent leur propre recherche.
(N.d.a. –Mokuroku: catalogue de techniques généralement sous forme de rouleaux, "makimono", délivré aux élèves ayant atteint un niveau avancé dans une école.)



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Vous pratiquez aussi le Batto jutsu?
Oui. Au départ j'ai entre autre étudié le Kashima shin ryu mais ma pratique s'est modifiée petit à petit jusqu'à un travail assez personnel.
Comme vous le savez, au départ le Iaï ou Batto s'est développé à partir de situations où l'on affrontait un adversaire qui vous menaçait le sabre déjà en main. Mais c'est un travail qui n'existe plus dans aucune école. Aujourd'hui même en admettant que la lame de l'adversaire est à quelques centimètres de vous chacun s'emploie à armer. Il est évident que personne n'aurait pratiqué ainsi dans le passé! Le temps que l'on dégaine et arme, l'adversaire aura déjà coupé depuis longtemps.
Lorsqu'on lit les densho il est décrit des positions où le kissaki de l'adversaire se trouve près de votre koïguchi. Au moindre mouvement le poignet est coupé! Il est évident qu'on n'arme jamais dans ce type de situations. C'est une position extrêmement dangereuse.
Dans le Iaï d'aujourd'hui personne n'est capable de dégainer dans ces circonstances extrêmement difficiles. Même lorsque les pratiquants s'exercent avec un partenaire celui-ci les laisse armer sans les couper alors qu'ils sont criblés d'ouvertures. On comprend au premier regard que ce type de travail n'a pas de sens! Pourtant personne ne prend cela en considération.
(N.d.a. –Densho: écrit transmettant les enseignements dans les écoles traditionnelles et se présentant généralement sous la forme de rouleaux.
-Koïguchi: littéralement bouche de carpe. Partie du fourreau proche de la garde par laquelle on introduit le sabre.)



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Enfin si l'on prend cet exemple il faut bien admettre que lors des embu d'Aïkido tout le monde attaque pour être vaincu. Et si l'on dit "Que se passerait-il contre une attaque de boxe?" on vous répond qu'il ne faut pas réfléchir ainsi. Mais si on ne réfléchis pas ainsi on reçoit l'attaque.
On dit que demander ce genre de choses n'est plus de notre temps, qu'il faut polir son cœur afin de ne pas être frappé, etc, etc… (rires)
Ce n'est pas faux. Mais si cela arrive, que faire? Il y a d'innombrables histoires concernant Ueshiba Moriheï comme celle où il fit face au boxeur "Piston" Horiguchi. Et on se demande s'il en existe de semblables concernant ses disciples. Le rapport de l'Aïkido au monde réel est un véritable problème.
Le problème essentiel de l'Aïkido est que l'enthousiasme et l'assiduité ne changent pas la capacité à faire face à une situation concrète. Il faut se contenter du plaisir d'une pratique enthousiaste et assidue. C'est très étrange.

Il est vrai qu'il est difficile de trouver un disciple comparable au fondateur de l'Aïkido…
(Rires) Il n'y en a aucun. On parlait beaucoup de Shioda senseï du Yoshinkan mais malgré son excellence il s'agissait tout de même d'un niveau totalement différent. Il suffit de voir ses mouvements pour le comprendre.
Le Yoshinkan a fait de nombreuses démonstrations mais on n'a jamais vu dans l'une d'entre elles quelqu'un autoriser un Judoka ou un Sumotori à attaquer comme il le voulait. En aucun cas ils ne les laissent faire.

Cela donne finalement naissance à des situations assez drôles. Lorsqu'on fait nikkyo ou sankyo, on n'accepte pas qu'aïte se dégage pendant le déroulement de la technique. C'est bizarre. La justification habituelle est que l'on met un atemi. Mais c'est risible car la personne est déjà dégagée avant que l'atemi n'arrive.
Depuis l'instant où je suis rentré à l'Aïkikaï j'espérais qu'une personne de haut niveau serait capable de me faire sankyo pendant que j'essaierai de me dégager. Mais il n'y en a pas eu une seule. Ni shihan ni sempaï avancés. Et c'était pire face à des débutants aux réactions incontrôlées. Je me disais déjà à l'époque que c'était un véritable problème. Bien sûr je n'y arrivais pas non plus mais j'espérais qu'un jour je deviendrai capable de dire "Tu peux essayer de te dégager si tu veux.". Personnellement je n'y arrive que depuis un an.

Evidemment il y a des gens dont l'efficacité est certaine. Mais ne pas pouvoir dire à un débutant qu'il peut se dégager quand il le veut est le signe d'un véritable problème. On entre dans une époque où la pratique devient naïve. Les shihan sont incapables de ce genre de choses et ne peuvent donner de réponses satisfaisantes aux débutants dont les questions sont toujours les plus dérangeantes. (rires)
Maîtriser une attaque de frappe ou quelqu'un qui résiste peut paraître archaïque mais ce sont des choses qui intéressent beaucoup les officiers de police par exemple.



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Vous enseignez aux forces de police?
J'enseigne à des officiers de police et d'autres personnes qui travaillent dans le même milieu mais je ne peux pas rentrer dans le détail.

C'est donc la façon de s'entraîner que vous pensez qu'il est important de changer?
Oui c'est cela. Il ne faut pas se contenter d'un enseignement vague aux réponses évasives. Nous pratiquons un bujutsu. Dire qu'il ne faut pas chercher à se dégager revient en fin de compte à ne pas pouvoir faire face à quelqu'un qui s'entraîne sérieusement. Se projeter allègrement sans but est étrange. (rires)

Est-ce un problème uniquement lié à l'Aïkido?
Oh non c'est une chose commune dans tous les budo contemporains. La forme se modifie et le fond disparaît… Je pratique aussi avec des kendokas. On enseigne que le talon levé est le Kendo juste. Mais Musashi dit qu'il faut poser le talon. Et on le dit aussi en Shinkage ryu. Alors pourquoi le Kendo juste doit-il se faire avec le talon levé?

La publication de vos ouvrages a-t-elle un effet sur la pratique?
Les questions que je soulève ont sans doute une influence mais c'est difficile à quantifier. Dans le Kendo par exemple beaucoup viennent me voir en privé. Récemment j'ai reçu un huitième dan qui m'a avoué s'être retenu de venir me rencontrer jusqu'à l'obtention de ce grade.



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Pour quelle raison?
En Kendo il semble que seule une personne sur soixante-dix qui se consacre à cette voie obtienne ce grade. C'est donc considéré comme une grande réalisation dans la vie d'un kendoka. Et comme il est impossible de devenir huitième dan en modifiant la pratique ils lisent mes livres sous le bureau. (rires)
Je dis les choses sans réserve et aborde des sujets tabous dans le monde du Kendo mais beaucoup aujourd'hui pensent de la même manière au Japon et questionnent leur pratique. Ce sont des questions que chacun se pose.
Que se passerait-il si je me dégageais ou si la personne à qui j'applique la technique le faisait? Comment réagirai-je face à une attaque non-conventionnelle? Bien sûr il y a une question de niveau et il est normal que quelqu'un de plus avancé puisse contrer vos techniques. Mais qu'un débutant puisse se dégager est un véritable souci. Pourquoi ne pense-ton pas à cela? On ne fait que dresser les gens. C'est un problème.

L'entraînement aux kata est-il important?
Bien sûr. Malheureusement aujourd'hui cela ne consiste généralement qu'à imiter une forme. Les gens qui peuvent transmettre l'essence d'un kata comme Kuroda senseï sont très rares.
C'est parce qu'un travail des kata vide de sens s'était déjà développé inutilement à l'époque Edo que Chiba Shusaku a développé l'entraînement en armures. Le sens des katas est très difficile à comprendre et dans le passé aussi les gens capables de les faire vivre étaient rares.



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Considérez-vous qu'il y a un lien entre le travail aux armes et à mains nues?
Certains disent que l'on va du kenjutsu au taïjutsu, d'autres que c'est l'inverse. Il est en tout cas indéniable que les deux sont intimement liés. Personnellement une autre chose qui m'a beaucoup apporté est la pratique du shuriken jutsu.
(N.d.a. –Kenjutsu: techniques au sabre.
–Taïjutsu: techniques à mains nues, littéralement "techniques du corps".
Shuriken jutsu: technique littéralement "technique de la lamée cachée dans la main", technique de lancer de pointes ou lames courtes.)


Pouvez-vous nous en parler un peu plus?
J'ai débuté par le Negishi ryu puis j'ai petit à petit développé ma propre pratique. Un point fondamental est que le shuriken doit venir se planter à l'horizontale. Mais si on change de distance l'angle varie évidemment. On le voit clairement lorsqu'on passe un tir filmé en vidéo au ralenti. Aujourd'hui les écoles classiques changent alors le sens de saisie du shuriken où sa position dans la main. Dans la réalité il n'y a évidemment pas le temps de changer quoi que ce soit parce que votre adversaire approche ou recule. Il faut être capable de s'adapter naturellement dans l'instant en ne modifiant que le lancer.
J'ai donc développé ma pratique de façon à pouvoir planter le shuriken à l'horizontale sans qu'il tourne sur lui-même en l'air et sans varier ma saisie de quelque façon que ce soit quelle que soit la distance de tir. Résoudre ce problème m'a énormément apporté dans mes autres recherches, notamment au niveau du taïjutsu.



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Il y a aussi le fait que lorsqu'on lance un objet on utilise l'ondulation. C'est efficace mais très lent dans le monde du bujutsu. La question du point de vue du bujutsu était d'arriver à utiliser le corps sans ce temps d'ondulation, comme lorsqu'on coupe au sabre. Arriver à le faire m'a ouvert énormément de portes dans ma pratique du sabre.

Enfin, en regardant la trajectoire et la façon de se planter d'un shuriken il est possible de voir la puissance qui a été utilisée. Si aucun geste superflu et aucune force inutile ne sont utilisés il se plante naturellement. Même en lançant légèrement cela pénètre profondément.


Le shuriken jutsu était il une pratique commune dans le passé?
Oui. Takeda Sokaku disait d'ailleurs qu'il était impossible de faire musha shugyo sans savoir lancer de shuriken, notamment pour se nourrir. Il avait d'ailleurs rencontré un jour quelqu'un qui avait un niveau incroyable en lancer. Cette personne pouvait planter des pièces de monnaie dans un poteau.
(N.d.a. –Musha shugyo: tour entamé par les adeptes afin de tester et approfondir leur art.)



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Avez-vous pratiqué des arts martiaux étrangers?
Un peu. Je me suis intéressé à une époque aux techniques martiales chinoises comme le Hakkesho (Pa Kua). Une des choses qui m'avaient intéressée est le fait que le maître de Hakkesho que j'avais rencontré insistait aussi sur le fait de ne pas décoller le talon comme je l'avais lu dans les écrits de Musashi.

Les mêmes théories seraient donc présentes quelle que soit l'origine de la pratique?
Il y a bien sûr des points communs mais aussi des différences. Le fait par exemple de ne pas utiliser la force mais toute la structure du corps me semble être un point commun.
Une chose drôle est que les maîtres chinois voyant du Batto jutsu trouvaient étrange de faire face à une personne armée avec le sabre au fourreau et de s'entraîner à rengainer un sabre dégainé. Je crois que c'est une discipline typiquement japonaise. (rires)



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Y a-t-il une autre différence qui vous ai frappé?
Dans les bujutsu japonais il y a peu d'enseignement oral. Pour tout ce qui a trait au sabre il y a un vocabulaire incroyable. Chaque type d'entaille ou de marque porte un nom spécifique comme chaque motif sur la lame, hamon. Il y a des noms pour chaque variété de finitions pour chaque partie de l'arme. En revanche les techniques étaient désignées de façon très vague et l'enseignement était intuitif.

Quelle est selon vous la place du ki dans la pratique?
Il y a de nombreux écrits qui ont défini le ki de nombreuses façons. Mais une chose intéressante à prendre en considération est qu'il s'agit d'une notion qui n'était pas utilisée à l'époque de Miyamoto Musashi. C'est une notion qui a été popularisée à l'époque Edo lorsque beaucoup de gens sont devenus capables de lire les classiques chinois.

Avez-vous créé des katas?
Dans une certaine mesure. Mais j'insiste surtout sur la façon de pratiquer. Par exemple au point de vue de l'Aïkido le travail consiste à  mon sens à ce que les deux pratiquants aient dans l'idée de prendre le dessus. Il faut pouvoir terrasser aïte même s'il attaque avec toute sa puissance. C'est dans cet esprit que la pratique peut se développer.
Tout cela dépend finalement de l'utilisation du corps. Si on l'utilise correctement dans sa globalité les techniques fonctionnent naturellement. Il faut bouger en retirant la force dans chaque geste mais cela ne peut être étudié qu'auprès de quelqu'un qui a un sens aigu de ce type de travail. C'est très difficile.



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C'est une façon de pratiquer extrêmement exigeante.
Lorsqu'on s'entraîne il arrive évidemment que l'on se retrouve face à des personnes fortes. Mais lorsque la technique ne fonctionne pas dans ces situations il est très important de ne pas tricher et d'intégrer au fond de nous cette sensation. En Aïkido les gens qui trichent sont très nombreux et il ne faut en aucun cas rentrer dans ce système si l'on veut progresser. Il faut graver profondément en nous nos échecs pour les dépasser. Si l'on ne fait pas cela, si l'on ne travaille pas en acceptant qu'aïte se dégage, etc… il n'y a pas de réelle évolution possible dans le monde du bujutsu.

Est-ce ainsi que les samouraïs s'entraînaient par le passé?
Leur entraînement revêtait une intensité remarquable. Les meilleurs s'entraînaient dans l'idée qu'ils pouvaient être attaqués à n'importe quel moment de n'importe où et de n'importe quelle façon. C'était l'essence du bujutsu.

Depuis quand vous habillez-vous en vêtements traditionnels?
(Kono senseï vit en permanence habillé à la façon traditionnelle japonaise.)
J'ai commencé lorsque j'ai créé le keïkokaï (groupe d'étude) en 1978. Cela m'a permis de prendre conscience de certaines choses de façon plus aigue. Le fait de marcher en gardant la main et la jambe liés,  de ne pas vriller le corps, restent présent à l'esprit car le kimono se défait si on bouge d'une autre manière.
Dans le passé les gens marchaient de la façon la plus adapté à leurs tâches quotidiennes.
Le fait de ne pas vriller le corps est une particularité de l'utilisation du corps traditionnelle japonaise. En Chine je ne crois pas que cela existe mais c'est difficile à dire car c'est un pays si vaste qui possède énormément de particularités selon les régions.
Vers l'an 30 de l'ère Meïji au début du cinématographe des films ont tout de suite été tournés au Japon. Il reste des films de cette époque pris à Yokohama et Tokyo. Lorsqu'on les regarde il y a déjà des gens qui marchent déjà à l'occidentale mais aussi encore beaucoup qui marchent sans vriller le corps et balancer les bras.
Aujourd'hui lorsque des jeunes filles portent des kimonos lors de défilés de mode elles marchent sans balancer les bras. Les personnes travaillant depuis longtemps dans certains ryokan et qui vous reçoivent en kimono ne balancent généralement pas non plus les bras. Le kimono développe naturellement cette façon de bouger. Elle a été adoptée car elle permettait d'effectuer les tâches quotidiennes de la manière la plus efficiente. Les vêtements se sont simplement développés autour de la façon de bouger de l'époque.
(N.d.a. –Ryokan: auberge traditionnelle japonaise où le personnel féminin est habillé de façon traditionnelle.)



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Les getas vous aident-ils aussi dans vos recherches?
(Kono senseï marche en permanence en getas ou zooris.)
Oui, particulièrement les ipponba geta. Il faut réussir à marcher sans bruit, sans que les geta claquent le sol. Cela m'a pris pas mal de temps pour arriver à le faire en ayant une vitesse de marche normale. Le principe est qu'au moment de poser le pied on ne frappe pas le sol mais on le pose doucement.
(N.d.a. –Getas: socques de bois.
-Zooris: sandales japonaises.
-Ipponba getas: socque à une seule dent.)


Je suppose qu'il était presque vital d'utiliser son corps de façon optimale dans le passé où les gens devaient fournir nettement plus d'efforts qu'aujourd'hui.
Il y a une histoire  assez révélatrice. Il y avait un redoutable expert de Iaï du nom de Sanjaku Saohei qui aimait énormément les dango. Et il y avait un fabriquant de dango dont on disait que la rapidité était divine! Un jour Saohei dont la vitesse était telle que son dégainage était invisible à l'œil nu proposa un défi au fabriquant de dango. "Je vais essayer de dégainer et rengainer mon sabre. Si j'arrive à le faire sans que tu puisses déposer une noix de pâte de haricots rouges sur ma lame pendant qu'elle sera hors de mon fourreau je pourrai venir manger des dango à volonté gratuitement à partir d'aujourd'hui." L'artisan rit et répondit "Ca a l'air drôle, essayons."
Sanjaku dégaina à la vitesse de l'éclair mais avant qu'il ait pu rengainer le fabriquant de gâteau avait déposé du haricot rouge sur sa lame! Il existait aussi des artisans au niveau incroyable. (rires)
(N.d.a. –Dango: gâteau traditionnel japonais fait à base de farine de riz en forme de boules parfois fourré à la pâte de haricots rouges.)



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Les gens vivaient dans un monde différent.
Tout à fait. Aujourd'hui nos villes sont remplies de buildings. Dès que le soleil se couche les lumières s'allument et les personnes ne sont plus à même de savoir de quel côté le soleil se lève ou se couche et de différencier le nord du sud. Avec le changement d'époque les choses évidentes disparaissent.
On essaie de plus en plus de protéger les gens, limiter les risques. Mais ils font partie de la vie. Vivre est un risque! Les animaux sauvages ne savent pas quand ils vont être mangés et vivent très sensiblement. Plutôt que de fabriquer un monde aseptisé où les gens se suicident car ils ne trouvent plus de sens à leurs vies il vaut mieux vivre dans un monde plus naturel même s'il comporte quelques dangers.
Dans le même esprit on dit que jusqu'à 12 ans le cœur des enfants se développe et il semble qu'il est nécessaire qu'il batte beaucoup. Le goût inné des enfants pour des activités "effrayantes" est sans doute une activité instinctive qui aide à leur développement.

Notre société actuelle serait donc responsable de notre incapacité croissante à utiliser efficacement notre corps?
Tout à fait, et cela commence dès l'enfance. Enfant je fabriquais beaucoup de choses avec mes mains et je jouais dans la montagne. Je me fabriquais des flûtes en bambou, des arcs, des katanas en bois… Je crois que fabriquer des objets est un très bon exercice physique. Porter des objets et aider les gens dans la vie quotidienne fait aussi partie de l'éducation du corps. Grimper aux arbres ou sauter de branches en branches est pour moi le meilleur entraînement. A l'époque Meïji un célèbre maître de sabre nommé Nakaï Kamejiro possédait des capacités physiques incroyables. Il s'amusait à attraper des singes sauvages ou courait en frappant un pot vide sur les pentes de montagne. C'est ainsi qu'il développa un physique incroyable. Son corps semblait fait de câbles d'acier. Il ne s'entraînait pas avec des poids mais en faisant un tsuki en tenant son shinaï d'une main il faisait voler ses adversaires de plusieurs mètres!
Aujourd'hui les lutteurs japonais ont du mal à rivaliser avec les lutteurs mongols qui ont eu ce type de vie dans leur enfance.
La véritable éducation physique consiste à montrer la joie et le plaisir d'utiliser son corps qui sont bien supérieurs à ceux des jeux vidéos. C'est cela la véritable éducation physique. Plus encore, avant de jouer au football ou au baseball il faudrait apprendre à se lever, tomber, porter des objets ou des personnes.
Je voudrais demander aux parents de considérer ce qui est essentiel. Plutôt que d'être bon en foot n'est-il pas intéressant de pouvoir porter des choses, couper du bois ou faire un nœud? Rentrer dans une université est bien mais forger un corps et un esprit solide permet d'affronter les défis de la vie.
Aujourd'hui si une catastrophe naturelle telle qu'un tremblement de terre arrivait beaucoup de gens seraient inutiles aux autres car ils ne sont pas capables de transporter d'objets lourds, mais ils seraient même probablement incapables de survivre seuls.



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Notre civilisation étoufferait en quelque sorte nos instincts?
Tout à fait. Aujourd'hui il devient nécessaire d'éduquer les jeunes mères qui ne sont plus capables de porter un poids d'un dixième de leur corps sans se blesser! Des choses inimaginables se produisent aujourd'hui. Il n'était pas nécessaire dans le passé d'enseigner aux gens à porter ou déplacer des objets mais cela est indispensable dans le monde actuel. J'enseigne dans des universités et récemment j'ai passé un cours à apprendre aux gens comment balayer!

Vous enseignez beaucoup à des sportifs de haut niveau. En quoi cela consiste-t-il?
Je montre par exemple à des professionnels de série A comment ne pas être bloqué par un joueur adverse. A l'heure actuelle aucun ne peut m'arrêter. Mes résultats en sport étaient vraiment médiocres à l'école aussi c'est vraiment un rêve de passer les défenses de joueurs de football professionnels. (rires)
J'apprends aussi par exemple à des judokas comment saisir le keïkogi de l'adversaire. Aucun n'arrive à m'empêcher de le saisir. Les lutteurs ou judokas sont surtout étonnés par cela car généralement ils chassent le bras qui revient ensuite. Mais là ils se retrouvent déséquilibrés s'ils essaient de chasser mon bras et n'arrivent pas à arrêter mon geste. Ce ne sont là que des applications de l'utilisation du corps selon les principes du bujutsu.
(N.d.a. Série A: 1ère division de la ligue de Football japonaise.)



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Vous n'étiez pas bon en sport?
Non. J'étais très mauvais en sport. Tout d'abord je n'arrivais pas à comprendre le sens des règles. Pourquoi frapper trois fois au base-ball et pas cinq ou sept? Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi les gens s'enthousiasmaient sur des règles arbitraires.
Je comprenais le sens du Sumo mais pas le Judo où on pouvait gagner en tombant. Le sutemi est une technique où l'on projette en chutant soi-même mais je ne comprenais pas une chose aussi compliquée! Je n'étais pas un gamin à l'esprit vif.

Le sport n'est-il pas une méthode d'éducation physique?
Le principal problème des sports actuels est que plus les gens s'investissent plus ils se blessent. Ils ne se renforcent pas mais se consument et s'épuisent. Par exemple un entraîneur m'avouait que le moment où un joueur de badminton atteint un niveau professionnel est généralement celui où il a définitivement abimé ses genoux.

La musculation ne pourrait-elle pas permettre de remédier à ce type de problèmes?
Le corps doit être utilisé dans la globalité mais la musculation ne développe le corps que partiellement. Cela est source de déséquilibre et de problèmes physiques car certains muscles se développent alors que d'autres restent atrophiés et cela provoque des blessures musculaires telles que les déchirures. Même un enfant pourrait comprendre cela mais personne n'essaye d'y remédier.
Il est possible de pratiquer la musculation mais il faut le faire en pensant à développer le corps dans sa globalité. Mais je crois qu'il est aussi très efficace de développer son corps par le travail. Les sumotoris anciens Wakanohana ou Taïho n'avaient-ils pas développé leur corps ainsi? Les fondements du corps des sumotoris du passé venaient du travail dans les champs et les rizières. Avant de devenir lutteur ils avaient forgé un corps puissant qu'ils ont pu développer facilement.
L'entraînement actuel ressemble à une sorte de menu. Si on fait cela, tel muscle se développe. Avec ce type de pensée il devrait être possible de prévoir le développement du sportif et de son niveau. Mais les faits montrent que ce n'est pas aussi simple.



Kono mai 08 016



L'approche "scientifique" de l'entraînement ne vous convainc donc pas.
Actuellement il faut avoir recours à la science pour tout expliquer. A devient B, en faisant ceci il arrive cela et ainsi de suite. Mais le corps humain est infiniment plus complexe et met en œuvre simultanément un nombre phénoménal de processus. Il est impossible d'appliquer ces raisonnements au corps qui inclut des paramètres trop nombreux pour pouvoir être disséqué. Le raisonnement habituel fonctionne en succession mais en réalité le corps bouge simultanément. A l'époque de la physique quantique il est encore impossible d'analyser tous les phénomènes du corps.

Beaucoup de sportifs utilisent-ils ce qu'ils ont appris avec vous?
Il y en à quelques uns mais cela est difficile car cela va à l'encontre de ce que leurs entraîneurs leur demandent. C'est presque l'opposé. (rires)
En ce moment parmi les plus célèbres en activité il y a la championne du Japon de tennis de table. Je lui ai enseigné à ne pas se déplacer en appui sur les orteils. Mais en fin de compte il n'y a pas plus d'une personne sur mille qui travaille réellement les techniques après les avoir vues. En voyant ou faisant l'expérience des techniques tout le monde est stupéfait mais quasiment aucun n'étudie réellement. C'est un monde totalement différent. Entrer dans une pratique où ce que l'on a fait jusqu'à présent n'est d'aucune utilité est très difficile et désagréable. Ceux qui viennent avec la volonté de rentrer dans un autre univers sont réellement rares… Mais c'est aussi bien ainsi.



Kono mai 09 132



Vous êtes aussi venu l'année dernière en France invité par l'atelier de Paris de Carolyn Carlson. Qu'avez-vous enseigné à ses danseurs?
La façon de se mouvoir et d'utiliser le corps selon les bujutsu.

Arrivaient-ils à réaliser ce que vous leur montriez immédiatement?
(Rires) Non pas du tout.

Vous avez finalement créé des passerelles entre la science du corps dans les bujutsu et le monde actuel.
D'une certaine manière oui. Aujourd'hui les gens viennent me voir de domaines très divers afin d'améliorer l'utilisation de leur corps. Sportifs, personnel médical, artistes mais aussi concepteurs de robots, etc… Même si ce n'est pas essentiel pour moi c'est devenu un véritable travail qui me permet de réfléchir encore plus profondément au fonctionnement du corps. Les bujutsu prennent aussi ainsi un aspect concret grâce à un impact direct et bénéfique. On vient par exemple me demander comment battre de la pâte à gâteau ou fendre des bûches. (rires) Je suis imbattable dans la coupe de bûches!
Récemment un garde du corps me demandait comment dégager naturellement avec certitude et sans brusquerie la main d'un VIP de celle d'un fan qui ne voudrait pas la lâcher. Bien sûr le faire comme un ours avec brusquerie ne pose pas de problèmes. Mais après réflexion j'ai découvert une façon très efficace de le faire en douceur. Si on comprend les fondements de l'utilisation du corps cela devient applicable à n'importe quel domaine.



Kono mai 09 129

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Vous semblez en constante recherche. Quelle est votre motivation après quatre décennies de pratique?
Je n'ai jamais pensé que je bougeais de façon correcte. Bien sûr je me rends compte des progrès, du fait que je suis capable d'appliquer mes techniques à des partenaires non consentants, etc… Mais il y a dans l'histoire des arts martiaux japonais tellement de virtuoses qu'il est impossible d'être satisfait.

Il y a une anecdote intéressante avec l'un d'entre eux, Kato Uke. A l'âge de 70 ans Kato fut défié par un sumotori. Il répondit qu'il avait passé l'âge de ce genre d'idioties mais celui-ci insistait tellement qu'il finit par accepter. Il lui dit "Mais combattre ici n'est pas drôle. Je vais à une fête ce soir. Attaque-moi dès que tu verras une ouverture.".
Lorsqu'il porta une coupe à ses lèvres le sumotori décida de l'attaquer mais Kato le projeta d'un geste de la main gauche. Ne s'avouant pas vaincu le sumotori se jeta sur lui sur le chemin du retour mais se retrouva à nouveau projeté. Il admit alors sa défaite mais demanda: "Est-ce vous qui m'avez projeté senseï ou est-ce moi qui suis tombé?". Kato lui répondit "Je ne le sais pas plus que toi.".
Au Japon on utilise les expressions "muso ken" ou "mushin" qui signifient que l'on est de moins en moins conscient de nos actions. La conscience de soi disparaît peu à peu et en entrant dans le flux de la nature universelle la technique naît spontanément.



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Garder à l'esprit les hauts faits des grands adeptes du passé à l'esprit vous permet donc de conserver une motivation intacte?
En quelque sorte oui. Il y a eu tant de gens incroyables dans le passé qu'il est impossible de se satisfaire de son niveau. C'est cet esprit qui permet de progresser continuellement.
En Base-ball quelqu'un qui peut frapper trois balles sur dix est considéré comme un batteur d'exception. Et les gens se demandent tous comment il est possible d'arriver à frapper trois balles sur dix. Mais la véritable question est "Pourquoi n'arrivent-ils qu'à frapper trois balles sur dix!". C'est parce que l'on se satisfait de quelque chose que les progrès cessent.
Dans le monde des Budo japonais chacun proteste lorsqu'on le complimente en disant "Je suis encore loin d'y arriver.", mais en réalité la plupart sont satisfaits de leur niveau. (rires)

Il y a une autre anecdote intéressante sur Kato Uke. Il regardait des rikishi (lutteurs de Sumo) à Ryogoku lorsqu'un pickpocket essaya de lui faire les poches. Il lui saisit le bras en l'immobilisant sous son aisselle et rentra ainsi chez lui. Arrivé chez lui il lui dit "Pourquoi fais-tu donc de telles choses? Tu bois du saké? Tiens va en acheter.". Et il but avec le voleur. C'était non seulement un grand adepte mais aussi quelqu'un de vraiment unique. (rires)



Kono octobre 07 203



L'utilisation du corps que vous développez semble vous permettre de dépasser les effets de l'âge.
A l'heure actuelle je progresse encore. Il y a peu j'étais par exemple incapable de réaliser une technique sur une personne qui se dégageait. Aujourd'hui j'ai cinquante-neuf ans et je n'ai jamais aussi bien bougé mais je ne sais pas jusqu'où je pourrai aller.

Merci senseï.



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Kono Yoshinori donnera une série de

stages exceptionnels en Europe du 19 au 26 juin.



stage kono sensei juin 2010 herblay


stage kono sensei juin 2010 bruxelles


stage kono sensei juin 2010 valence


 

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P
<br /> Existe-t-il des vidéos ou documentaires à propos de Kono sensei? <br />
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L
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il en existe de nombreux en japonais, mais je n'en ai aucune idée pour d'autres langues. Pas en français à ma connaissance en tout cas.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Bonsoir! <br /> J'ai continué un peu à parcourir votre blog et cet article m'a rappelé la "façon de bouger" que j'avais découvert dans le magasine "dragon"...un article qui m'avait marqué, j'avais alors essayé<br /> d'appliquer ces précieux conseils (il me semble que l'article était dans le même numéro qu'un interview de Kono sensei). <br /> Pratiquant de naginata, en effet, la façon de bouger est très importante. En iai, la différence est plus subtile mais je vais m'attacher à appliquer de nouveau ces conseils.<br /> Encore merci pour ces lectures enrigissantes.<br />
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L
<br /> <br /> Bonsoir,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> La pratique de Kono senseï est vraiment très intéressante, et il applique sa façon de bouger à tout, que ce soit le Iaï, le Naginata ou le Taïjutsu. Bonne exploration ;-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> ^^ ... je te remercie Léo !!<br /> <br /> <br /> Etant pratiquant de Kendo et de Kobudo, c'est toujours avec plaisir que je m'informe sur ces pratiques...d'autant plus lorsque ces opinions viennent de personnes pour le moins ... avancées sur la<br /> voie.<br /> <br /> <br />  <br />
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L
<br /> <br /> Pas de quoi. Il est vrai que les réflexions de personnes comme Kono senseï sont pour le moins des invitations à la réflexion ;-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Zut !! ^^<br /> <br /> <br /> En tout cas , mer ci pour ta réponse Léo ;)<br /> <br /> <br /> Ce sera peut être pour une interview ultérieure... :)<br />
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L
<br /> <br /> Hmm, sait-on jamais. Cela dit j'évite les questions sur les autres maîtres/écoles en général. Mais j'essairai de trouver des choses intéressantes à évoquer ;-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Bonjour Léo , je viens de relire avec un immense plaisir cet entretien.<br /> <br /> <br /> As tu eu un jour l'occasion d'entendre Yoshinori Kono donner son avis et son " appréciation " sur la pratique du kobudo de l'école Katori Shinto ?<br /> <br /> <br /> Merci à toi<br />
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L
<br /> <br /> Bonjour Vincent,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Relire les entretiens des grands adeptes est souvent intéressant, car on découvre parfois certaines choses qui nous avaient échappées, et on se rapelle d'autres que l'on avait oubliées.<br /> <br /> <br /> Je n'ai pas souvenir d'avoir évoque en particulier l'école Katori Shinto ryu avec Kono senseï, désolé.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Bonjour Léo...<br /> <br /> <br /> Par delà la technique, quelle humilité...<br /> <br /> <br /> Franck<br />
Répondre
L
<br /> <br /> Célèbre et reconnu, mais toujours en recherche ;-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> <br /> Une belle découverte de Me Kono Yoshinori pour ma part, tout est dit !<br /> <br /> <br /> a+<br /> <br /> <br /> freddy<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Kono senseï a un discours sans langue de bois et apporte des propositions qui ouvrent de belles perspectives. Sa découverte a été très rafraichissante pour moi et j'espère qu'elle vous apportera<br /> aussi beaucoup.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci pour la lecture,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> bonjour,<br /> <br /> <br /> J'ai découvert Kono senseï par le biais de ton site, quel personnage intéressant, il soulève bien des pistes de réflexion sur l'utilisation du corps dans les arts martiaux et au delà. Je devrais<br /> parler de "sous utilisation" du corps ou de "mauvaise utilisation du corps", çà m'ouvre pas mal de pistes de réflexion mais ses remarques au sujet de la posture moderne au kendo m'ont plus que<br /> troublé ! Venant du kendo et n'y connaissant rien en Aïkido, ton site vient me rappeler que le kendo n'est qu'une discipline du Budo parmi d'autres... A mon sens il est déjà difficile<br /> de suivre une seule voie et de s'y tenir mais je me rends bien compte que rester dans ma bulle (kendo) n'est pas suffisant pour progresser.<br /> <br /> <br /> merci pour l'accès à toutes ces connaissances (je ne connais pas de site équivalent pour le kendo), à bientôt, au plaisir de te lire,<br /> <br /> <br /> eve<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Bonjour Eve,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Kono senseï soulève en effet de nombreuses questions pasionnantes. Il est difficile d'admettre ses conclusions sur le Kendo mais de façon plus générale sur les arts martiaux modernes, Iaïdo,<br /> Judo, etc... Pour autant dès lors que l'on accepte ces remises en cause on peut approfondir sa recherche de façon passionnante.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci pour la lecture et bonne pratique!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> <br /> Qu'entends-je.. il y aurai cours le dimanche après midi aussi ? <br /> <br /> <br /> Ca rentabiliserais ma journée lol<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Oui oui, le dimanche après-midi aussi!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Damned ! Je l'avais lu il y a un moment déjà sur Tsubaki Journal et m'étais contenté des commentaires ici. Désolé...<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> ;-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> On ne peut pas passer son temps à relire les interviews :D<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />