Kuroda Tetsuzan, le maître du Shinbukan
Kuroda Tetsuzan est un des maîtres d’arts martiaux les plus connus du Japon. En 1970 il devient à vingt ans le plus jeune pratiquant de l’histoire à recevoir le titre de Hanshi Hachidan (8ème dan) de Kobudo du Daï Nippon Butokukaï. Auteur de nombreux livres et vidéos il fait régulièrement la une des magazines spécialisés et écrit une chronique mensuelle dans la revue la plus réputée et diffusée sur les arts martiaux traditionnels au Japon, Hiden Budo Bujutsu. Découvrons son école, le Shinbukan.
Les Kuroda étaient une famille de samouraïs du han (province) de Toyama au service du clan Maeda. Au 19ème siècle Kuroda Yaheï Masayoshi étudia sous la direction de Genzo Noguchi et reçut l’enseignement de cinq écoles martiales, le Shishin Takuma-ryu Jujutsu, le Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu, le Tamiya-ryu Iaïjutsu, le Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu et le Seigyoku Oguri-ryu Sakkatsujutsu. Pratiquant passionné et extrèmement doué, il fut choisi comme successeur par son maître et fonda le Kuroda Dojo en 1848. En 1884 son école fut honorée par Maeda Toshiatsu, l’ancien chef du clan du han de Toyama, et devint dès lors connue sous le nom de Shinbukan Kuroda Dojo.
Kuroda Hiroshi Masakuni succéda à son père, Yaheï. Il eut deux fils, Masayoshi et Yasuji. Masayoshi, l’aîné s’entraîna jusqu’à ce qu’il fut temps pour lui de passer un ultime test, affronter une attaque de son père armé d’une véritable lance en n’ayant pour se défendre qu’une simple serviette. Il échoua malgré ses talents en Kenjutsu pourtant exceptionnels qui lui avaient notamment permis de battre un maître renommé de Kendo de niveau Kyoshi dans un match au Butokuden à l'âge de dix-huit ans.
Kuroda Yasuji
Yasuji, aussi connu sous le nom de Tesshinsaï était le second fils de Kuroda Hiroshi. Il fut un budoka extraordinaire. Né en 1897 il reçut ses mokuroku en Jujutsu et Kenjutsu à l’âge de 15 ans, et ses menkyo en Bojutsu, Sakkatsu jutsu et Jujutsu à l’âge de 18 ans. Lorsqu’il fut temps pour lui de subir le test ultime il dut faire face à mains nues à une attaque de son père armé d’un véritable sabre. Il réussit le test et devint Soke du Shinbukan Kuroda Dojo. A l’âge de vingt ans il déménagea à Omiya dans la préfecture de Saïtama et fonda le Omiya Kuroda Dojo.
Après la seconde guerre mondiale, durant l’occupation américaine, il était interdit de pratiquer et enseigner les Bujutsu et les Budo. Yasuji Kuroda considérant que les bénéfices de l’étude des Voies martiales ne devaient pas se perdre continua pourtant à enseigner les Shinbukan Kuroda Ryugi en défiant ouvertement le Gouvernement d’occupation. La levée de l’interdiction qu’il obtint pour son Dojo et ceux de Saïtama devait finalement s’étendre à tout le Japon. Son fils adoptif Kuroda Shigeki lui succéda en tant que Soke lorsqu’il fut âgé.
Kuroda Tetsuzan
Kuroda Tetsuzan est né en 1950. Il fut entraîné dès son plus jeune âge par son père et son grand-père. A l’âge de 20 ans il reçut le titre de Hanshi Hachidan (8ème dan) de Kobudo du Daï Nippon Butokukaï. Il est la plus jeune personne a avoir jamais reçu ce titre et est alors le sujet de nombreux articles de journaux à travers le Japon. A la mort de Yasuji il devient le 15ème et actuel Soke du Shinbukan Kuroda Dojo. Il est réputé pour ses mouvements « invisibles » et de « disparition » et une rapidité légendaire.
L’enseignement au sein du Shinbukan Kuroda Dojo
Le Shinbukan Kuroda Dojo était célèbre pour sa capacité à entraîner les samouraïs jusqu’aux plus hauts niveaux d’habileté et le niveau exigé des étudiants était très élevé. Un nouvel élève ne pratiquait que le suburi de base de l’école pendant une durée de trois ans. A la fin de cette période si il était capable de l’exécuter correctement il était admis au sein du Dojo.
A l’origine les élèves apprenaient d’abord le Kenjutsu et le Jujutsu. Ensuite, si ils étaient bons dans ces arts ils recevaient l’enseignement du Bojutsu. Finalement seuls les étudiants extrèmement doués dans ces trois traditions recevaient l’enseignement de l’art du Iaïjutsu. Aujourd’hui encore les élèves passent environ six mois à pratiquer le suburi de base.
Comme dans tout Bugeï (méthode de combat) samouraï, le Jujutsu est totalement lié au Kenjutsu. Le Shishin Takuma-ryu Jujutsu est un style extrèmement souple que de nombreuses personnes considèrent comme des techniques utilisant le principe de l’Aïki de manière extrèmement sophistiquée. Pourtant Kuroda senseï n’utilise pas ce terme. Il explique que lorsque cette expression commença à se populariser son grand-père Yasuji déclara que tout système de Jujutsu devait être aussi subtil et qu’il n’y avait donc pas de raisons de le spécifier.
Aujourd’hui Kuroda senseï enseigne d’abord le Jujutsu et le Kenjutsu, puis le Iaïjutsu et enfin le Bojutsu.
Les écoles du Shinbukan Kuroda Dojo
Aujourd’hui le programme d’études du Shimbukan Kuroda Dojo consiste en quatre écoles :
-Shishin Takuma-ryu Jujutsu
-Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu
-Tamiya-ryu Iaïjutsu
-Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu
Le cinquième ryu, Seigyoku Oguri-ryu Sakkatsujutsu n’est plus enseigné distinctement.
Shishin Takuma-ryu Jujutsu
Le Shishin Takuma-ryu est une très ancienne école de Jujutsu dont les origines remontent au 10ème siècle. Ses trois premiers Soke furent des moines bouddhistes. C’est à l’époque du quatrième Soke, un samouraï, que ce Jujutsu se développa dans la classe guerrière.
Le Shishin Takuma-ryu est un système de Jujutsu classique enseigné à travers des katas à deux. Sa pratique est extrèmement souple et n’utilise aucune puissance physique.
Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu
Le Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu a été créé au 16ème siècle par Komagawa Tarouzaemon Kuniyoshi, élève de Kamiizumi Ise no Kami, fondateur du Shinkage-ryu.
Selon la légende Kamiizumi aurait refusé de décerner le menkyo kaiden à Komagawa malgré son excellence en Shinkage-ryu. Ce dernier partit alors et apprit aisément dix autres styles de kenjutsu avant de retourner voir Kamiizumi afin de lui montrer ses progrès. Mais Kamiizumi refusait toujours de lui décerner le menkyo kaiden du Shinkage-ryu…
Komagawa repartit donc. Un jour alors qu’il s’entraînait en forêt il fut attaqué par une meute de loups. En se défendant il réalisa qu’il était naturellement gaucher et que ses positions et mouvements en combat étaient éloignées des attentes de Kamiizumi. Il retourna le voir après cet incident et lui démontra les formes correctes. C’est alors qu’il reçut le menkyo kaiden du Shinkage-ryu et commença à enseigner le Kenjutsu.
Le premier kata enseigné dans ce style est nommé Yodare sukashi. Son nom signifie « essuyer la bave » et fait référence au combat que Komagawa livra contre la meute de loups lorsqu’il « essuya leur bave » de son sabre…
Le Komagawa Kaïshin-ryu enseigne l’utilisation des armes suivantes à travers la pratique de katas à deux :
-Tachi : le sabre long
-Kodachi : le sabre court
-Jutte : un bâton court muni d’un crochet permettant de nombreuses techniques de désarmement
-Naginata : le fauchard, un long bâton muni d’une lame courbe
-Ryoto : l’utilisation simultanée de deux sabres
Tamiya-ryu Iaïjutsu
Le Tamiya-ryu Iaïjutsu a été créé au 17ème siècle par Tamiya Gon’emon Muneshige. Son origine remonte à Hayashizaki Jinsuke, créateur du Iaïjutsu. Cette école diffère du Tamiya-ryu homonyme répandu en France.
L’enseignement comporte actuellement environ 70 techniques en position assise et debout.
Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu
Le Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu a été créé à la fin du 16ème siècle par Tsubaki Kotengu. Tsubaki Kotengu étant un pseudonyme, personne ne connaît la véritable identité de son fondateur…
Le Tsubaki Kotengu-ryu enseigne l’utilisation du bo ou jo contre le sabre.
Un système traditionnel
Je suis entré au Shinbukan pendant l’été 2004. J’avais lu plusieurs années auparavant quelques articles sur un maître appelé Kuroda Tetsuzan qui avaient éveillés mon attention et je décidai cet été là de le rencontrer.
Je réussis à prendre contact avec lui et après les présentations formelles, la première chose qu’il me demanda était de prendre connaissance des règles de son école, leur entière acceptation étant nécessaire avant même qu’il considère mon inscription. Je découvrais le fonctionnement d’un koryu dont je n’avais connaissance jusqu’alors que par mes lectures.
Les règles étaient simples et claires, insistant sur une conduite et une attitude correcte, mais surtout sur l’interdiction de pratiquer avec des personnes ne faisant pas partie de l’école, enseigner ou effectuer des démonstrations. Bien qu’alors je ne compris pas totalement le sens de ces règles à une époque où l’information circule aussi facilement, je décidais de les respecter totalement et Kuroda senseï m’accepta comme élève.
Aujourd’hui je comprends le sens et la nécessité d’un tel engagement. Il est bon que des disciplines telles que le Judo, le Karaté ou l’Aïkido soient facilement accessibles au public. Toutefois un enseignement ouvert avec de nombreux pratiquants pose souvent le problème de la transmission. Le choix de maître Kuroda de faire perdurer un système traditionnel lui permet de former des élèves dans la forme la plus pure des techniques.
Un maître hors du commun
Avant mon premier cours je n’avais jamais vu Kuroda senseï pratiquer. J’avais lu tout ce que j’avais pu trouver sur lui et cela m’avait suffisamment enthousiasmé pour m’inscrire dans son école. Mais quel choc ce fut lorsque je le vis pratiquer.
Je pratiquais depuis plus de vingt ans lorsque je vis maître Kuroda pour la première fois. J’étais passé par plusieurs disciplines pour finir par m’investir dans l’Aïkido. J’avais vécu plusieurs années au Japon et je continuais à y passer plusieurs mois par an pendant lesquels je pratiquais avec les maîtres les plus renommés. Mais je n’avais jamais rien vu de tel.
La technique de maître Kuroda est d’une rapidité, une souplesse, une fluidité et une subtilité incroyables. Je ne chercherai pas ici à faire une longue liste de superlatifs qui sont somme toute la norme dans la majorité des magazines qui présentent des maîtres fabuleux aux capacités toujours plus incroyables. Je me contenterai de citer Stanley Pranin, rédacteur en chef d’Aïkido journal qui a passé sa vie à côtoyer les plus grands maîtres :
"Regarder Kuroda senseï dégainer est une expérience bouleversante. Cela s’apparente à une révélation religieuse où vous remerciez humblement le Créateur de vous avoir permis d’être le témoin d’un mouvement aussi miraculeux !"
Chikara nuki kurabe
Une constante du travail au Shinbukan est l’absence d’utilisation de la force. Les techniques sont douces mais inarrêtables. On se retrouve au sol et on se sent presque stupide. Mais quel que soit le degré de force que l’on met le résultat est toujours le même. Au contraire lorsque l’on se relâche on arrive peu à peu à lire les mouvements des partenaires et à les stopper à leur démarrage.
Le travail de cette sensibilité est appelé chikara nuki kurabe, la comparaison du retrait de la force, où celui qui est le plus relâché est toujours au final le maître de la situation. Cette sensibilité est très importante à mains nues mais vitale dans le travail aux armes. Elle est une des clés qui permet de lire les gestes de l’adversaire.
La précision travaillée au Shinbukan est phénoménale. A tel point que par exemple lors des premiers cours je me trouvais bloqué par mon partenaire dès que j’initiais le moindre geste. Excédé car je croyais être totalement relâché je pensais que les élèves chutaient systématiquement lorsque maître Kuroda passait avec eux et bloquaient tous les autres. Ce n’est qu’au quatrième cours qu’à force d’attention j’ai commencer à ressentir de l’intérieur mes tensions. J’ai alors réalisé qu’on n’est généralement conscient que des tensions superficielles mais que nos muscles profonds restent tendus.
Au fil du temps on développe une perception de son corps qui est dix fois, cent fois supérieure à celle que l’on a au départ. Alors que l’on mesurait les choses au mètre il faut passer au centimètre, au millimètre. C’est un travail qui ne nécessite pas d’efforts physiques au sens où on l’entend habituellement, mais qui est épuisant mentalement.
Depuis que je suis l’enseignement de Kuroda senseï je dois avouer que j’ai été fréquemment le témoin de faits que je lisais dans les livres sur les grands adeptes du passé. Des évènements que j’imaginais embellis et métaphoriques. Aujourd’hui j’ai découvert qu’ils ne sont que le résultat d’un entraînement assidu dans un système subtil élaboré pendant cinq siècles.
Je terminerai en citant à nouveau Stanley Pranin parlant de Kuroda senseï :
"Tout dans son art vous encourage à fixer vos objectifs à un niveau nettement supérieur. Les anciennes limites deviennent la base à partir de laquelle se hisser à de nouvelles hauteurs !"
Vidéos
Scènes issues de ses DVD:
Ukemi (chutes), scène issue d'un DVD:
Reportage de la BBC:
Pour en savoir plus
Une série d’articles sur maître Kuroda a été écrite par les maîtres Tokitsu et Uemura qui furent ses élèves. Il est possible d’en trouver certains sur internet.
De nombreux articles et livres ont été écrits par Kuroda senseï mais ne sont disponibles qu’au Japon et sans traductions.
On peut par contre se procurer ses DVD. Les plus intéressants pour découvrir son école sont "Kuroda ken no maki" qui regroupe un large échantillon de son travail aux armes avec trois katas de Iaïjutsu, six au bokken, six au jutte et douze au kodachi en Kenjutsu et "Kuroda ju no maki" où il démontre 29 katas assis et debout de Jujutsu.
Kuroda senseï et le magicien
Shinbukan Kuroda Ryugi, un trésor effrayant
Conférence / démonstration à la Maison de la Culture et du Japon à Paris
Kuroda senseï donnera une conférence démonstration à la MCJP le mercredi 12 mai à 18h30 sur le thème "Bujutsu, l’héritage culturel des techniques martiales – Le kata EST la théorie"
Cette manifestation est organisée avec le soutien de la compagnie aérienne ANA.
Attention, l'entrée étant libre seuls les premiers arrivés pourront assister à la conférence.
Kuroda Tetsuzan
Fondation du Shinbukan Kuroda DojoLes Kuroda étaient une famille de samouraïs du han (province) de Toyama au service du clan Maeda. Au 19ème siècle Kuroda Yaheï Masayoshi étudia sous la direction de Genzo Noguchi et reçut l’enseignement de cinq écoles martiales, le Shishin Takuma-ryu Jujutsu, le Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu, le Tamiya-ryu Iaïjutsu, le Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu et le Seigyoku Oguri-ryu Sakkatsujutsu. Pratiquant passionné et extrèmement doué, il fut choisi comme successeur par son maître et fonda le Kuroda Dojo en 1848. En 1884 son école fut honorée par Maeda Toshiatsu, l’ancien chef du clan du han de Toyama, et devint dès lors connue sous le nom de Shinbukan Kuroda Dojo.
Kuroda Hiroshi Masakuni succéda à son père, Yaheï. Il eut deux fils, Masayoshi et Yasuji. Masayoshi, l’aîné s’entraîna jusqu’à ce qu’il fut temps pour lui de passer un ultime test, affronter une attaque de son père armé d’une véritable lance en n’ayant pour se défendre qu’une simple serviette. Il échoua malgré ses talents en Kenjutsu pourtant exceptionnels qui lui avaient notamment permis de battre un maître renommé de Kendo de niveau Kyoshi dans un match au Butokuden à l'âge de dix-huit ans.
Kuroda Yasuji
Yasuji, aussi connu sous le nom de Tesshinsaï était le second fils de Kuroda Hiroshi. Il fut un budoka extraordinaire. Né en 1897 il reçut ses mokuroku en Jujutsu et Kenjutsu à l’âge de 15 ans, et ses menkyo en Bojutsu, Sakkatsu jutsu et Jujutsu à l’âge de 18 ans. Lorsqu’il fut temps pour lui de subir le test ultime il dut faire face à mains nues à une attaque de son père armé d’un véritable sabre. Il réussit le test et devint Soke du Shinbukan Kuroda Dojo. A l’âge de vingt ans il déménagea à Omiya dans la préfecture de Saïtama et fonda le Omiya Kuroda Dojo.
Après la seconde guerre mondiale, durant l’occupation américaine, il était interdit de pratiquer et enseigner les Bujutsu et les Budo. Yasuji Kuroda considérant que les bénéfices de l’étude des Voies martiales ne devaient pas se perdre continua pourtant à enseigner les Shinbukan Kuroda Ryugi en défiant ouvertement le Gouvernement d’occupation. La levée de l’interdiction qu’il obtint pour son Dojo et ceux de Saïtama devait finalement s’étendre à tout le Japon. Son fils adoptif Kuroda Shigeki lui succéda en tant que Soke lorsqu’il fut âgé.
Kuroda Yasuji
Kuroda Tetsuzan
Kuroda Tetsuzan est né en 1950. Il fut entraîné dès son plus jeune âge par son père et son grand-père. A l’âge de 20 ans il reçut le titre de Hanshi Hachidan (8ème dan) de Kobudo du Daï Nippon Butokukaï. Il est la plus jeune personne a avoir jamais reçu ce titre et est alors le sujet de nombreux articles de journaux à travers le Japon. A la mort de Yasuji il devient le 15ème et actuel Soke du Shinbukan Kuroda Dojo. Il est réputé pour ses mouvements « invisibles » et de « disparition » et une rapidité légendaire.
L’enseignement au sein du Shinbukan Kuroda Dojo
Le Shinbukan Kuroda Dojo était célèbre pour sa capacité à entraîner les samouraïs jusqu’aux plus hauts niveaux d’habileté et le niveau exigé des étudiants était très élevé. Un nouvel élève ne pratiquait que le suburi de base de l’école pendant une durée de trois ans. A la fin de cette période si il était capable de l’exécuter correctement il était admis au sein du Dojo.
A l’origine les élèves apprenaient d’abord le Kenjutsu et le Jujutsu. Ensuite, si ils étaient bons dans ces arts ils recevaient l’enseignement du Bojutsu. Finalement seuls les étudiants extrèmement doués dans ces trois traditions recevaient l’enseignement de l’art du Iaïjutsu. Aujourd’hui encore les élèves passent environ six mois à pratiquer le suburi de base.
Comme dans tout Bugeï (méthode de combat) samouraï, le Jujutsu est totalement lié au Kenjutsu. Le Shishin Takuma-ryu Jujutsu est un style extrèmement souple que de nombreuses personnes considèrent comme des techniques utilisant le principe de l’Aïki de manière extrèmement sophistiquée. Pourtant Kuroda senseï n’utilise pas ce terme. Il explique que lorsque cette expression commença à se populariser son grand-père Yasuji déclara que tout système de Jujutsu devait être aussi subtil et qu’il n’y avait donc pas de raisons de le spécifier.
Aujourd’hui Kuroda senseï enseigne d’abord le Jujutsu et le Kenjutsu, puis le Iaïjutsu et enfin le Bojutsu.
Les écoles du Shinbukan Kuroda Dojo
Aujourd’hui le programme d’études du Shimbukan Kuroda Dojo consiste en quatre écoles :
-Shishin Takuma-ryu Jujutsu
-Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu
-Tamiya-ryu Iaïjutsu
-Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu
Le cinquième ryu, Seigyoku Oguri-ryu Sakkatsujutsu n’est plus enseigné distinctement.
Shishin Takuma-ryu Jujutsu
Le Shishin Takuma-ryu est une très ancienne école de Jujutsu dont les origines remontent au 10ème siècle. Ses trois premiers Soke furent des moines bouddhistes. C’est à l’époque du quatrième Soke, un samouraï, que ce Jujutsu se développa dans la classe guerrière.
Le Shishin Takuma-ryu est un système de Jujutsu classique enseigné à travers des katas à deux. Sa pratique est extrèmement souple et n’utilise aucune puissance physique.
Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu
Le Komagawa Kaïshin-ryu Kenjutsu a été créé au 16ème siècle par Komagawa Tarouzaemon Kuniyoshi, élève de Kamiizumi Ise no Kami, fondateur du Shinkage-ryu.
Selon la légende Kamiizumi aurait refusé de décerner le menkyo kaiden à Komagawa malgré son excellence en Shinkage-ryu. Ce dernier partit alors et apprit aisément dix autres styles de kenjutsu avant de retourner voir Kamiizumi afin de lui montrer ses progrès. Mais Kamiizumi refusait toujours de lui décerner le menkyo kaiden du Shinkage-ryu…
Komagawa repartit donc. Un jour alors qu’il s’entraînait en forêt il fut attaqué par une meute de loups. En se défendant il réalisa qu’il était naturellement gaucher et que ses positions et mouvements en combat étaient éloignées des attentes de Kamiizumi. Il retourna le voir après cet incident et lui démontra les formes correctes. C’est alors qu’il reçut le menkyo kaiden du Shinkage-ryu et commença à enseigner le Kenjutsu.
Le premier kata enseigné dans ce style est nommé Yodare sukashi. Son nom signifie « essuyer la bave » et fait référence au combat que Komagawa livra contre la meute de loups lorsqu’il « essuya leur bave » de son sabre…
Le Komagawa Kaïshin-ryu enseigne l’utilisation des armes suivantes à travers la pratique de katas à deux :
-Tachi : le sabre long
-Kodachi : le sabre court
-Jutte : un bâton court muni d’un crochet permettant de nombreuses techniques de désarmement
-Naginata : le fauchard, un long bâton muni d’une lame courbe
-Ryoto : l’utilisation simultanée de deux sabres
Tamiya-ryu Iaïjutsu
Le Tamiya-ryu Iaïjutsu a été créé au 17ème siècle par Tamiya Gon’emon Muneshige. Son origine remonte à Hayashizaki Jinsuke, créateur du Iaïjutsu. Cette école diffère du Tamiya-ryu homonyme répandu en France.
L’enseignement comporte actuellement environ 70 techniques en position assise et debout.
Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu
Le Tsubaki Kotengu-ryu Bojutsu a été créé à la fin du 16ème siècle par Tsubaki Kotengu. Tsubaki Kotengu étant un pseudonyme, personne ne connaît la véritable identité de son fondateur…
Le Tsubaki Kotengu-ryu enseigne l’utilisation du bo ou jo contre le sabre.
Un système traditionnel
Je suis entré au Shinbukan pendant l’été 2004. J’avais lu plusieurs années auparavant quelques articles sur un maître appelé Kuroda Tetsuzan qui avaient éveillés mon attention et je décidai cet été là de le rencontrer.
Je réussis à prendre contact avec lui et après les présentations formelles, la première chose qu’il me demanda était de prendre connaissance des règles de son école, leur entière acceptation étant nécessaire avant même qu’il considère mon inscription. Je découvrais le fonctionnement d’un koryu dont je n’avais connaissance jusqu’alors que par mes lectures.
Les règles étaient simples et claires, insistant sur une conduite et une attitude correcte, mais surtout sur l’interdiction de pratiquer avec des personnes ne faisant pas partie de l’école, enseigner ou effectuer des démonstrations. Bien qu’alors je ne compris pas totalement le sens de ces règles à une époque où l’information circule aussi facilement, je décidais de les respecter totalement et Kuroda senseï m’accepta comme élève.
Aujourd’hui je comprends le sens et la nécessité d’un tel engagement. Il est bon que des disciplines telles que le Judo, le Karaté ou l’Aïkido soient facilement accessibles au public. Toutefois un enseignement ouvert avec de nombreux pratiquants pose souvent le problème de la transmission. Le choix de maître Kuroda de faire perdurer un système traditionnel lui permet de former des élèves dans la forme la plus pure des techniques.
Un maître hors du commun
Avant mon premier cours je n’avais jamais vu Kuroda senseï pratiquer. J’avais lu tout ce que j’avais pu trouver sur lui et cela m’avait suffisamment enthousiasmé pour m’inscrire dans son école. Mais quel choc ce fut lorsque je le vis pratiquer.
Je pratiquais depuis plus de vingt ans lorsque je vis maître Kuroda pour la première fois. J’étais passé par plusieurs disciplines pour finir par m’investir dans l’Aïkido. J’avais vécu plusieurs années au Japon et je continuais à y passer plusieurs mois par an pendant lesquels je pratiquais avec les maîtres les plus renommés. Mais je n’avais jamais rien vu de tel.
La technique de maître Kuroda est d’une rapidité, une souplesse, une fluidité et une subtilité incroyables. Je ne chercherai pas ici à faire une longue liste de superlatifs qui sont somme toute la norme dans la majorité des magazines qui présentent des maîtres fabuleux aux capacités toujours plus incroyables. Je me contenterai de citer Stanley Pranin, rédacteur en chef d’Aïkido journal qui a passé sa vie à côtoyer les plus grands maîtres :
"Regarder Kuroda senseï dégainer est une expérience bouleversante. Cela s’apparente à une révélation religieuse où vous remerciez humblement le Créateur de vous avoir permis d’être le témoin d’un mouvement aussi miraculeux !"
NAMT07 (photo Sébastien Chaventon)
Chikara nuki kurabe
Une constante du travail au Shinbukan est l’absence d’utilisation de la force. Les techniques sont douces mais inarrêtables. On se retrouve au sol et on se sent presque stupide. Mais quel que soit le degré de force que l’on met le résultat est toujours le même. Au contraire lorsque l’on se relâche on arrive peu à peu à lire les mouvements des partenaires et à les stopper à leur démarrage.
Le travail de cette sensibilité est appelé chikara nuki kurabe, la comparaison du retrait de la force, où celui qui est le plus relâché est toujours au final le maître de la situation. Cette sensibilité est très importante à mains nues mais vitale dans le travail aux armes. Elle est une des clés qui permet de lire les gestes de l’adversaire.
La précision travaillée au Shinbukan est phénoménale. A tel point que par exemple lors des premiers cours je me trouvais bloqué par mon partenaire dès que j’initiais le moindre geste. Excédé car je croyais être totalement relâché je pensais que les élèves chutaient systématiquement lorsque maître Kuroda passait avec eux et bloquaient tous les autres. Ce n’est qu’au quatrième cours qu’à force d’attention j’ai commencer à ressentir de l’intérieur mes tensions. J’ai alors réalisé qu’on n’est généralement conscient que des tensions superficielles mais que nos muscles profonds restent tendus.
Au fil du temps on développe une perception de son corps qui est dix fois, cent fois supérieure à celle que l’on a au départ. Alors que l’on mesurait les choses au mètre il faut passer au centimètre, au millimètre. C’est un travail qui ne nécessite pas d’efforts physiques au sens où on l’entend habituellement, mais qui est épuisant mentalement.
Depuis que je suis l’enseignement de Kuroda senseï je dois avouer que j’ai été fréquemment le témoin de faits que je lisais dans les livres sur les grands adeptes du passé. Des évènements que j’imaginais embellis et métaphoriques. Aujourd’hui j’ai découvert qu’ils ne sont que le résultat d’un entraînement assidu dans un système subtil élaboré pendant cinq siècles.
Je terminerai en citant à nouveau Stanley Pranin parlant de Kuroda senseï :
"Tout dans son art vous encourage à fixer vos objectifs à un niveau nettement supérieur. Les anciennes limites deviennent la base à partir de laquelle se hisser à de nouvelles hauteurs !"
Vidéos
Scènes issues de ses DVD:
Ukemi (chutes), scène issue d'un DVD:
Reportage de la BBC:
Pour en savoir plus
Une série d’articles sur maître Kuroda a été écrite par les maîtres Tokitsu et Uemura qui furent ses élèves. Il est possible d’en trouver certains sur internet.
De nombreux articles et livres ont été écrits par Kuroda senseï mais ne sont disponibles qu’au Japon et sans traductions.
On peut par contre se procurer ses DVD. Les plus intéressants pour découvrir son école sont "Kuroda ken no maki" qui regroupe un large échantillon de son travail aux armes avec trois katas de Iaïjutsu, six au bokken, six au jutte et douze au kodachi en Kenjutsu et "Kuroda ju no maki" où il démontre 29 katas assis et debout de Jujutsu.
Kuroda senseï et le magicien
Shinbukan Kuroda Ryugi, un trésor effrayant
Conférence / démonstration à la Maison de la Culture et du Japon à Paris
Kuroda senseï donnera une conférence démonstration à la MCJP le mercredi 12 mai à 18h30 sur le thème "Bujutsu, l’héritage culturel des techniques martiales – Le kata EST la théorie"
Cette manifestation est organisée avec le soutien de la compagnie aérienne ANA.
Attention, l'entrée étant libre seuls les premiers arrivés pourront assister à la conférence.
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