Mais pourquoi porte-t-il un hakama blanc?!
Un lecteur du blog m'a posé cette question qui est assez récurrente dans les stages que je donne, "Pourquoi portes-tu un hakama blanc?", ou sa variation, "Quel est le sens du hakama blanc?".
Le hakama et ses légendes urbaines
Lorsque j'ai commencé l'Aïkido on m'a expliqué que c'était un vêtement qui servait aux samouraïs pour cacher les déplacements de leurs pieds. On m'a parlé des vertus liées aux plis du hakama. On m'a fait comprendre qu'il s'agissait d'un signe de niveau de pratique que l'on obtenait lorsqu'on atteignait le 2ème kyu. On m'enseigné que la couleur que nous utilisons était TOUJOURS le noir, le blanc pour Osenseï, et le bleu pour les pratiquants de Kendo. Le temps a passé et j'ai découvert que… tout était faux!
-Le hakama sert à masquer le déplacement des pieds.
Faux. Il était au contraire courant de replier le hakama lors d'un combat et à l'entraînement, comme on peut le voir sur ces estampes.
-Les 7 plis du hakama symbolisent les 7 vertus du Budo.
Faux. Il existe d'ailleurs des hakamas comme le nobakama ayant un nombre de plis différent de ceux que l'on utilise aujourd'hui couramment en Aïkido.
-Le hakama est la récompense que l'on obtient lorsqu'on a atteint le niveau de 2ème kyu.
Faux. A l'origine Osenseï exigeait que tout le monde en porte un, comme en Kendo, Iaïdo ou Kyudo par exemple. Ce n'est que l'intervention de Tamura senseï qui a changé l'histoire de cet élément.
Ueshiba Moriheï, fondateur de l'Aïkido
-En Aïkido le hakama est normalement noir. On autorise le port du bleu mais normalement il est réservé au Kendo. Le blanc est la couleur que seul Osenseï a le droit de porter.
Faux. En Aïkido le hakama a été porté de différentes couleurs. Gris par le second Doshu, Ueshiba Kisshomaru. Blanc occasionnellement par Osenseï, oui, mais aussi par Nakazono Mutsuro, Hikitsuchi Michio, Mochizuki Minoru, Noro Masamichi, Saïto Morihiro, Yonekawa Shigemi, Akazawa Zenzaburo, Murashige Aritomo, etc…
Yonekawa Shigemi et Kunigoshi Takako, avant-guerre
Nakazono Mutsuro, en France
Murashige Aritomo
Coûteux à fabriquer et difficile à entretenir, le blanc n'était pas une couleur utilisée pour la pratique à l'époque féodale. Les choses ont changées dans les années 30, probablement en grande partie en raison de l'influence de Nakayama Hakudo, ami intime de Ueshiba Moriheï. Le blanc s'est alors répandu en Kendo, Iaïdo, Jodo et… Aïkido. Du débutant à l'expert. Le Japon est conquérant et il est facile de s'en procurer.
1945. La seconde guerre mondiale laisse le Japon à genoux. Le tissu comme le reste, est une denrée rare. Les nappes, les rideaux, tout est recyclé. Bien évidemment il est impossible de venir pratiquer en hakama à fleur. Tout devient noir ou bleu nuit. Particulièrement pour les jeunes qui sont pauvres. En quelques années, du Kendo à l'Aïkido, les hakamas s'uniformisent. Quelques uns continuent à se vêtir librement, tels Abe Tadashi et ses vestes noires ou les maîtres cités plus haut et leurs hakamas blancs. Mais bien vite leur nombre se réduit.
Abe Tadashi
Noro Masamichi
Saïto Morihiro et Ueshiba Moriheï à Iwama
Osenseï dans ses derniers jours en 1969 à l'Aïkikaï hombu dojo
Ok mais pourquoi remettre cela au goût du jour?
-Parce que je trouve cela beau. La recherche d'esthétique n'est pas le moteur principal de ma pratique, mais un élément supplémentaire qui peut apparaître lorsque la cohérence martiale le permet. En l'occurrence la couleur du hakama ne modifie en rien mes mouvements.
-Parce que j'ai une tendance à me singulariser, que j'en sois conscient ou pas. C'est sans doute un de mes rares points communs avec les maîtres Noro et Kuroda.
"Quand tout le monde allait à gauche, j'allais à droite." Noro Masamichi
"Quand tout le monde avait les cheveux longs, je portais les cheveux courts, quand tout le monde portait les cheveux longs, je me coupais les cheveux." Kuroda Tetsuzan
Avec Brahim Si Guesmi à Valencia
-Parce qu'il me semble important de ne pas créer de dogmes et de légendes erronées sur la signification du hakama, son port, sa couleur, et… toutes autres choses liées à la pratique. Il est important de chercher à la source l'origine des choses pour mieux les comprendre. En conséquence mes élèves, quel que soit leur niveau, sont invités à porter le hakama, de la couleur qu'ils souhaitent, de même que pour leur veste.