Travail lent et modification de l'utilisation du corps
Voici un échange en réponse aux commentaires de Léon, lecteur du blog, suite à l'article sur Cheng Man Ching:
Cheng Man Ching
"je ne sais pas à propos de la modification de l'utilisation du corps, formule dont je ne comprends pas ce qu'elle recouvre (je suis un peu empeché du bulbe, note bien) mais cela n'a rien de spécifique aux arts martiaux. J'ai fait faire des progrès très rapides en natation à certaines personnes en leur demandant de nager lentement puis en détaillant point par point les objectifs.
J'ai vu un mec comme ça à la piscine des Halles nager une heure durant - uniquement le papillon. ben il nageait lentement et technique...
Je connais un mec de 64 ans à ma piscine qui donne l'impression de nager au ralenti mais pour le suivre il faut s'accrocher. On se fait parfois un kilometre synchro pour se marrer moi aux paddles lui sans rien (comme ca je bosse et lui il tire pas sur la cardio ca sert a rien).
La lenteur ca sert a prendre conscience de ses defauts puis de les resoudre consciemment jusquà ce que ça devienne automatique, tenter des expériences, se gourer, recommencer. C'est de l'auto étude.
Ca n'a rien de magique, ca s'explique en dix minutes mais apres il faut manger des kilometres.
Bonne lenteur !"
En effet la modification de l'utilisation du corps n'a rien de spécifique aux arts martiaux, de même que le travail de la lenteur. Aujourd'hui c'est une pratique assez peu en concordance avec l' "ambiance" qui veut que tout soit rapide mais comme le démontrent tes exemples, les résultats peuvent être étonnants, pour peu que l'on fasse les efforts et que l'on y consacre le temps nécessaire. J'ai rencontré récemment un élève avancé de l'école Sagawa qui m'a enseigné des tanrens "simples" en me disant que leurs résultats seraient visibles après leur pratique 4 à 5 ans (sur la base de 1 000 à 1 500 répétitions selon les exercices :D). Et ils se travaillaient aussi à une vitesse très mesurée.
Sagawa Yukiyoshi
Concernant le sens de modification de l'utilisation du corps, il varie selon les maîtres. Voici ce que j'en disais ici:
L'efficacité en combat repose donc à ton avis sur la modification de l'utilisation du corps?
Pas obligatoirement. Hino senseï est comme tu le sais un maître qui a beaucoup combattu, notamment dans la rue. Il a fait face à de nombreux adversaires armés de chaînes, couteaux, mais aussi armes à feu. Un soir nous regardions des vidéos d'arts martiaux chez moi et je lui en ai montré une d'un célèbre instructeur français de self-défense. Il a trouvé son travail très intéressant et m'a donné des explications passionnantes qui m'avaient échappées sur ce qu'il démontrait. Je lui ai alors demandé s'il pensait que cet homme avait modifié l'utilisation de son corps. Il m'a dit: "Pas du tout. Cette personne a beaucoup combattu et ça se voit. Ce qu'il enseigne est intéressant et efficace en combat mais il n'y a pas de modification de l'utilisation du corps.".
Les méthodes de modification de l'utilisation du corps nécessitent un investissement en temps et en intensité très important avant de donner des résultats. Prenons l'exemple de bushi qui s'entraînaient chaque jour pendant six heures. Au bout d'un an ils avaient cumulé plus de deux mille heures. Six mille en trois ans. Aujourd'hui un pratiquant assidu pratiquera environ trois heures par semaine. En enlevant les vacances et les jours fériés cela fera en gros cent-trente heures dans l'année. Il lui faudra près de cinquante ans pour pratiquer autant que le bushi en trois ans! Sans compter que le pratiquant actuel le fera généralement dans un esprit de détente alors qu'il s'agissait d'une question de vie ou de mort pour le bushi.
La modification de l'utilisation du corps est pour moi la clé de la plus grande efficacité. Mais elle nécessite un investissement important avant que le pratiquant puisse développer une efficacité en combat dessus. Les méthodes de self-défense travaillent en se basant sur l'utilisation du corps classique quotidienne des pratiquants et donnent de meilleurs résultats à court-terme.
Hino Akira, UNE modification de l'utilisation du corps, parmi tant de possibles
Qu'est-ce que cette modification de l'utilisation du corps?
(Rires) LA question. Cela peut recouvrir des choses très différentes selon les écoles. L'enseignement de l'Aunkaï d'Akuzawa senseï est la plus extraordinaire méthode de développement, génération et réception de force que j'ai vue. Le travail du Shinbukan de Kuroda senseï développe le corps le plus souple et le plus sensible que j'ai rencontré. L'enseignement de chaque école reflète les conceptions du combat de son fondateur.
Fondamentalement on peut dire qu'il y a une modification de l'utilisation du corps à partir du moment où il devient capable de réaliser des choses de façon différente. Bien évidemment dans le contexte martial il faut que cela apporte un plus, à savoir une augmentation de l'efficacité en combat. De l'extérieur le geste d'un adepte pourra sembler similaire à celui d'un individu quelconque. Mais le travail interne sera totalement différent, de même que les effets de son mouvement. Il peut s'agir d'employer des muscles différents afin de réaliser le même geste, ou d'utiliser les mêmes muscles mais de façon différente. Les variations sont innombrables.
Akuzawa Minoru, UNE modification de l'utilisation du corps, parmi tant de possibles
Cette modification du corps n'existe-t-elle que dans les disciplines martiales?
Beaucoup d'hommes confrontés à des situations de vie ou de mort ont modifié la façon d'utiliser leur corps, souvent sans en être conscient. Je parlais récemment avec un alpiniste de très haut niveau qui m'expliquait que son corps flottait. Et j'avais effectivement perçu chez lui une "légèreté" qui ne correspondait pas à son poids. Ukimi, le corps flottant est une théorie de l'école de Kuroda senseï. Il ne s'agit pas du même flottement et il n'est pas réalisé dans le même but mais dans les deux cas il y a modification.
La question n'est pas de savoir si l'homme peut arriver à utiliser son corps différemment et plus efficacement, il le peut. La question dans les traditions martiales concerne la transmissibilité d'un tel enseignement. Et les ryu avaient réussi à créer des méthodes permettant de modifier l'utilisation du corps de leurs adeptes.
La notion de vie ou de mort place l'être humain dans un état incroyable où celui qui arrive à dépasser sa peur devient capable de mobiliser des ressources extraordinaires. Les hommes qui ont vécu cette tension de mort tout au long de leur existence ont développé une science du corps sans équivalent dans l'histoire de l'humanité. Malgré leur investissement dans leurs disciplines les athlètes ne connaissent pas cet état. C'est pourquoi nombre d'entre eux viennent chercher chez Kono senseï ou Hino senseï un savoir plus fin que celui de leurs entraîneurs qui leur permettra d'améliorer leurs performances.
Kono Yoshinori, UNE modification de l'utilisation du corps, parmi tant de possibles
C'est vague mais cela peut déjà donner un élément de réponse.
Bonne lenteur à toi aussi ;-)
Léo
"Intéressant mais (peut-être volontairement) un peu imprécis. "
Ma réponse était effectivement imprécise, mais ta question était un peu vague. En gros, "que recouvre l'utilisation du corps?". Je donne quelques exemples et explique que cela recouvre beaucoup de choses.
1 ""Fondamentalement on peut dire qu'il y a une modification de l'utilisation du corps à partir du moment où il devient capable de réaliser des choses de façon différente".
Ca parait assez logique mais ça revient un peu à dire que l'opium a des vertus dormitives - souvenirs des petits classiques...."
Sorti de son contexte, oui, cela n'a pas beaucoup de sens. Remis dans son contexte cela donne ça:
"Cela peut recouvrir des choses très différentes selon les écoles. L'enseignement de l'Aunkaï d'Akuzawa senseï est la plus extraordinaire méthode de développement, génération et réception de force que j'ai vue. Le travail du Shinbukan de Kuroda senseï développe le corps le plus souple et le plus sensible que j'ai rencontré. L'enseignement de chaque école reflète les conceptions du combat de son fondateur.
Fondamentalement on peut dire qu'il y a une modification de l'utilisation du corps à partir du moment où il devient capable de réaliser des choses de façon différente. Bien évidemment dans le contexte martial il faut que cela apporte un plus, à savoir une augmentation de l'efficacité en combat. De l'extérieur le geste d'un adepte pourra sembler similaire à celui d'un individu quelconque. Mais le travail interne sera totalement différent, de même que les effets de son mouvement. Il peut s'agir d'employer des muscles différents afin de réaliser le même geste, ou d'utiliser les mêmes muscles mais de façon différente. Les variations sont innombrables."
Kuroda Tetsuzan, UNE modification de l'utilisation du corps, parmi tant de possibles
2 ""De l'extérieur le geste d'un adepte pourra sembler similaire à celui d'un individu quelconque. Mais le travail interne sera totalement différent, de même que les effets de son mouvement."
C'est sûr que l'observation est difficile si on ne sat pas où regarder. Ce qui explique que certains ne comprennent pas Kokyu-ho (te age et assimilés) même si on leur donne des "trucs" de visualisation. En revanche certains vous décollent du sol sans qu'on sache alors même que leur geste est minimal.
Si on prend un Furibo (un furibond ;-) les choses deveiennent beaucoup plus claires après le premier millier. Les presque 4 kgs de la bestiole implique de lever le sabre de façon différente mais elle est tres facile a comprendre, objectiver et transmettre. Grosso modo il s'agit de reproduire l'analyse que Budoshugyu-Eric avait reporté concernant le lever de sabre de Kuroda.
Très honnêtement la lecture de son post ne pouvait surprendre ceux qui avaient suffisamment mangé de suburi (il suffit d'attacher trois jo ensemble ou de se payer un furibo)."
L'observation est en effet difficile si on ne sait pas où regarder. Je te renvoie l'ascenseur concernant l'emploi de lapalissades.
Par ailleurs je ne vois pas ce qui serait objectivement observable dans le corps de celui qui réalise la technique si le changement tient à ce qu'il visualise.
S'il suffisait de prendre un furibo ou un suburito et d'en faire des milliers, la Terre comporterait bien plus d'adeptes de haut niveau qu'aujourd'hui. Malheureusement s'ils sont nécessaires, les efforts ne suffisent pas. Par ailleurs il faut savoir qu'un muscle qui est soumis à un certain "stress", effort, lié ici donc au poids, s'adapte très vite. Raison pour laquelle les pratiquants de musculation augmentent leurs charges.
J'ai enchaîné les milliers de suburis et de chutes pendant des années. Lorsque j'ai commencé à enseigner je faisais souvent faire des heures entières de suburis aux élèves avec plusieurs milliers de coupes. Certains experts me disaient impressionnés en venant à mon dojo: "Ah chez toi les gens savent couper!". Aujourd'hui je considère que ce que nous faisions n'avait qu'un intérêt très limité et ce que j'appelle aujourd'hui une coupe n'a rien à voir.
Concernant l'article qu'avait posté Eric je considère que c'est anecdotique et que cela ne permet en rien, même en multipliant les heures et les coupes, de parvenir au même résultat. Les articles sur Kuroda senseï et ses vidéos ne peuvent que servir d'aide mémoire à celui qui a ressenti, expérimenté. C'est la raison pour laquelle même si ces choses sont disponibles au public, son enseignement reste privé et confidentiel. S'il était possible de faire l'économie de l'expérience directe dans le domaine martial, je pense que cela serait connu depuis longtemps.
L'élève qui est à l'arrière reçoit des indications précises sur ce qu'il faut chercher à travailler et vérifier
3 "Donc cette modification n'est pas si mystérieuse que ça. Ce que les bushi accomplissaient dans leur entraînement c'était justement de souffrir suffisamment pour s'auto apprendre a ne plus souffrir et realiser des gestes moins absurdes, en fait moins novices. Pour autant que je sache, dans pas mal de koryu, la première année était consacrée à shomen. Au bout d'un an, on connaît shomen absolument par coeur et on s'est développé une musculature et une conscience de son corps qui n'a plus rien à voir avec celle du novice qui avait passé la porte."
Je ne vois pas en quoi ce que tu as écrit précédemment peut te permettre de dire que ce n'est pas si mystérieux que cela. Ces éléments ont-ils permis à qui que ce soit d'atteindre le niveau de Kuroda senseï et de reproduire ses gestes?
"Souffrir suffisamment pour s'auto apprendre à ne plus souffrir."
On est là dans le poncif de l'entraînement à la dure, on est des mecs, des vrais guerriers, on n'a pas mal.
Le type d'entraînement que tu décris est superficiel à mon avis, et reflète une méconnaissance du sujet. Je t'invite avant de t'exprimer sur les koryus de façon aussi affirmée à te faire accepter dans une et d'y pratiquer intensément quelques années. N'hésite pas par ailleurs si tu les as, à me transmettre les sources qui te permettent d'affirmer que "dans pas mal de koryu, la première année était consacrée à shomen".
Par ailleurs il faut considérer que le physique des guerriers du passé n'était pas uniforme, ni dans le temps, ni selon les classes. On peut toutefois douter que leur entrainement consistait principalement à se forger une musculature, surtout compte tenu du fait qu'une partie d'entre eux travaillaient aux champs. Par ailleurs la répétition simple d'un geste, sans indication ni enseignement, ne donne pas obligatoirement une meilleure conscience de son corps, comme en sont les témoins vivants, tous ceux dont le travail consiste en des gestes physiques répétitifs.
Kuroda senseï à la NAMT04
4 "Il peut s'agir d'employer des muscles différents afin de réaliser le même geste"
/ ce qui est facilement vérifiable quand on en a marre des crampes.
Toujours cette notion d'effort physique. Le travail de l'endurance et de la résistance n'est pas inutile mais il ne nécessite en rien l'enseignement d'un grand adepte. Et ce n'est pas, dans ma conception actuelle, un élément majeur du travail. Les efforts sont plus d'ordre mental, dans la réorganisation du schéma physique.
5 "... Ou d'utiliser les mêmes muscles mais de façon différente."
C'est la que je suis un peu plus sceptique. Que l'on puisse modifier la structure d'un muscle par l'entrainement c'est évident (les sprinters ne sont pas des haltérophiles) mais j'aimerais bien que tu développes. Parle t-on d'une phase de contraction préparatoire ou au contraire d'une relaxation totale (qui me parait dangereuse)."
Pour ce qui est de la relaxation, j'ai déjà abordé le sujet dans le numéro d'été de Samouraï. J'essaierai de poster l'article bientôt. Il est évident que la relaxation totale n'est pas un élément que j'estime pertinent dans la pratique martiale.
Pour ce qui est des autres détails je n'entrerai pas dedans pour plusieurs raisons:
-je ne dispose pas du vocabulaire nécessaire
-je ne crois pas que l'on puisse transmette l'essentiel par des mots
-le ressenti que l'on pose sur les mots est fonction du vécu de chacun, je suis prêt à parier que ce que tu appelles un travail souple n'est pas du même ordre que ce que j'appelle ainsi (lors de mon cheminement il m'est arrivé à plusieurs reprises de devoir reconsidérer la nature d'une chose, ainsi justement ce que j'appelais souple un jour, m'apparaissait dur quelque temps plus tard)
-...
Par ailleurs la simple coupe de Kuroda senseï pourrait littéralement remplir des volumes entiers si l'on devait décrire tous les processus qui ont lieu dans son corps. Où doit-on situer la limite?
De nombreux élèves, notamment francophones, de Kuroda senseï sont des médecins, des ostéopathes, des kinésithérapeutes… Ils ne savent pas comment il fait certaines choses (la plupart je suppose :D), alors même qu'il les laisse le toucher, souvent torse nu. Leurs réactions est toujours la même, ils sont abasourdis. Généralement bien plus que des pratiquants lambdas. L'un d'entre eux m'expliquait qu'il n'arrivait pas à sentir le premier muscle qu'on lui avait appris à reconnaître et qui est utilisé dans la marche, lorsqu'il se déplaçait!
Les choses sont simples, actuellement la pratique martiale ne peut se transmettre par des mots. Tout ce qui l'est m'est apparu jusqu'à aujourd'hui très superficiel. Et ce que j'ai lu que je considérais comme profond, ne l'était que parce que j'avais partagé certaines expériences avec l'auteur où que je supposais que tel était le cas.
Tu peux vouloir faire l'économie de la rencontre des adeptes dont on évoque les capacités. C'est ton choix. Aller à leur rencontre n'est pas toujours simple et implique pour le coup, un effort, tant en temps, qu'en argent et en énergie. Mais sans cela, tout n'est que bavardages inutiles. Je serai incapable de faire ressentir à une personne qui n'en a jamais mangé, la saveur d'une fraise. Les fraises sont là, il "suffit" d'aller au champ. Si je donne envie aux gens d'aller y goûter, alors j'en serai heureux ;-)
6 Enfin pour finir, la référence aux sportifs me parait un peu rapide. La musculation semble capable de modifier un corps en profondeur et radicalement tant en puissance qu'en explosivité qu'en fluidité. Ca n'apprendra pas au corps à jouer au tennis mais ça ne peut pas nuire le jour où on décide d'apprendre le tennis ou l'aikido.
Dire que les athlètes ne connaissent pas cet instant où tout se décide, c'est ne pas avoir vu le quatrieme set de Borg/MacEnroe en 81. Même la peur est présente, on pourra dire qu'elle est moins légitime ou moins "sérieuse" mais l'effondrement psychique de certains champions dans la défaite est au moins le signe que pour eux ça vaut presque une mort, celle de l'esprit n'est pas moins douloureuse.
Je n'ai ni méprisé ni dédaigné l'engagement des sportifs. J'ai simplement dit:
"La notion de vie ou de mort place l'être humain dans un état incroyable où celui qui arrive à dépasser sa peur devient capable de mobiliser des ressources extraordinaires. Les hommes qui ont vécu cette tension de mort tout au long de leur existence ont développé une science du corps sans équivalent dans l'histoire de l'humanité. Malgré leur investissement dans leurs disciplines les athlètes ne connaissent pas cet état. C'est pourquoi nombre d'entre eux viennent chercher chez Kono senseï ou Hino senseï un savoir plus fin que celui de leurs entraîneurs qui leur permettra d'améliorer leurs performances."
La musculation modifie en effet le corps. Je pense qu'elle peut être utile, mais pratiquée de façon mesurée et en accord avec le travail du maître que l'on suit. Sans cela c'est en général un obstacle, la force trouble dont parle Tokitsu Kenji. Celle qui est utilisée par la très large majorité des pratiquants d'arts martiaux.
Bien entendu, là aussi, avant d'expérimenter une force "différente", je ne concevais qu'un seul type de force.
Par ailleurs les sportifs vivent des états émotionnels particulièrement intenses. Mais je ne crois pas que ce soit leur faire injure que de dire qu'il ne s'agit pas de la même intensité qu'une épreuve où la vie est en jeu. Les sportifs ne souffrent pas à ma connaissance de stress post traumatique. Oui ils peuvent souffrir, oui ils peuvent être détruits comme Foreman après sa défaite face à Ali. Mais une épreuve sportive n'est pas une expérience entre la vie et la mort.
7 Sur le plan de la conscience physique je crois que c'est encore moins vrai. A un certain niveau ils ne parlent plus que de sensation(s)... Terme un peu valise qui désigne autant un état psychologqiue que physique - j'ai déjà entendu ça en aikido... Et pour arriver à cette sensation ils passent par quelque chose proche de l'ascèse. Les entraînements de reprise de Monica Seles, c'etait une semaine de revers, une semaine de coup droit pour commencer - et elle était déjà nº1 mondiale.
Que les sportifs s'investissent dans leur discipline comme dans une ascèse n'est pas quelque chose que je mets en doute. Toutefois il faut bien croire qu'eux, comme les danseurs étoiles ou les musiciens du plus haut niveau, trouvent quelque chose de spécial dans les enseignements de maîtres Kono, Hino ou Kuroda qu'ils ne trouvent pas chez eux. Où ils aiment perdre leur temps en venant les voir.
Hino Akira et William Forsyth
"Akira Hino m'a montré l'exemple le plus clair de conscience humaine que j'ai jamais rencontré. Il a maîtrisé un degré de perception si profondément fondamental que c'en est quasiment incompréhensible pour nos sensibilités contemporaines.
Akira Hino a consacré son temps, ses soins et son expertise à entraîner ma troupe de danseurs. Son influence sur notre travail a été d'une valeur inestimable. La source de son travail réside au cœur des plus profonds aspects du dansé.
Les danseurs qui ont l'opportunité de travailler avec Hino-san seront fondamentalement changés."
8 Alors bon, j'aimerais comprendre. Je ne crois pas beaucoup aux mystères dans ce domaine. Le ressenti doit s'appuyer dans mon expérience sur la compréhension préalable (ou chemin faisant) des principes de la bio mécanique (quel pied, quel appui, quel axe), ensuite la sensation par le "drill", le suburi, la semaine de coup droit...
La lecture de tes commentaires ne me donne pas vraiment l'impression que tu veux comprendre, mais que tu veux être rassuré sur le fait que tu es sur la bonne route et que tu ne manques rien en n'allant pas voir Kuroda, Hino, Kono, Akuzawa entre autres.
Les éléments que tu évoques, "pied, appui, axe", ne sont que de l'ordre du visible et du superficiel. S'ils suffisaient, nous étudierions avec des livres et des films. S'ils suffisaient, Saïto senseï n'aurait pas envoyé son fils chez Toheï senseï dont il critiquait les formes techniques. (Et si les explications contenues dans ses livres suffisaient, il aurait aussi fait l'économie du séjour!)
Je ne comprends pas le besoin qu'ont certains pratiquants à être confortés, rassurés sur leur pratique. Je vois très souvent des pratiques qui me semblent manquer des éléments que j'estime les plus fondamentaux. Je ne ressens pas pour autant le besoin d'aller le leur signaler :D
Je pars de principes simples:
-Il suffit d'offrir les choses. Si elles sont de qualité, il est probable qu'elles trouveront preneur.
-Il faut expérimenter. J'ai ressenti la réalité de choses qui me paraissaient impossibles, comme avec Okamoto senseï. D'autres adeptes dont je tairai le nom, m'ont grandement déçu. Mais il s'agit aujourd'hui d'un vécu, et non de suppositions.
Okamoto Seïgo
Bonnes expérimentations :D
Léo
Cheng Man Ching