Budo no Nayami

Ueshiba Kisshomaru Doshu au Hombu Dojo de l'Aikikai, 1994

1 Mars 2017 , Rédigé par Léo Tamaki Publié dans #Budo - Bujutsu, #Vidéos

Ueshiba Kisshomaru est le second Doshu de l'Aïkido. Né en 1921, il est le troisième fils du Fondateur de l'Aïkido. Ses frères aînés décédèrent respectivement à l'âge de trois et un an. A la mort de son père Ueshiba Moriheï, il lui succède à la tête de l'Aïkikaï, l'association créée par des élèves pour soutenir son enseignement. Le document exceptionnel ci-dessous est le film de l'un de ses cours au Hombu Dojo de l'Aïkikaï.

 

Un personnage tragique

Dénigré, méprisé parfois, Ueshiba Kisshomaru est un personnage tragique. Il est pourtant celui qui a modelé l'Aïkido contemporain et le principal artisan de son développement mondial. Il est celui sans qui nous ne saurions sans doute même pas ce qu'est l'Aïkido.

Malgré sa constitution fragile, le fils du Fondateur a baigné dans la pratique martiale dès son plus jeune âge. Pratiquant appliqué, il semble toutefois que son père l'ait considéré comme un second choix pour prendre la tête de l'Aïkido. Timide, gracile, il était en tout point l'opposé de Ueshiba Moriheï. En observant les élèves dont il fut le plus proche tels que Mochizuki Minoru ou Shimizu Kenji, on peut supposer que le Fondateur de l'Aïkido ne trouvait pas chez lui les qualités qu'il appréciait chez un homme, force et charisme. Si ses preuves d'affection furent rares, au point que son fils rapporte qu'il ne le félicita qu'une seule et unique fois dans sa vie lorsqu'il vit le bâtiment neuf du Hombu Dojo, Ueshiba Moriheï reconnut toutefois implicitement son intelligence en lui confiant les rênes de son école.

Il est dur d'être "le fils de", et dans le monde martial j'ai vu trop d'enfants écrasés par leur père, généralement involontairement, pour savoir que la plupart ne savent pas comment échapper à cette souffrance. Mais outre son intelligence, Kisshomaru fit aussi preuve tout au long de sa vie d'une force de caractère qui commande le respect. Malgré les nombreux obstacles, il réussit ainsi à faire de l'Aïkido l'un des arts martiaux majeurs dans le monde.

Ueshiba Kisshomaru, Toheï Koichi, Shioda Gozo, et Tomiki Kenji. Le second Doshu dut faire face à de nombreux obstacles, et la concurrence de géants ne fut pas l'un des moindres.

Ueshiba Kisshomaru, Toheï Koichi, Shioda Gozo, et Tomiki Kenji. Le second Doshu dut faire face à de nombreux obstacles, et la concurrence de géants ne fut pas l'un des moindres.

L'Aïkido de Ueshiba Kisshomaru

Les tentatives de Ueshiba Moriheï pour adopter un successeur ayant échouées, il se résolut à confier la direction politique de l'école à son fils, et la direction technique à Toheï Koichi. Un accord qui ne devait malheureusement pas durer, Toheï quittant l'Aïkikaï avec fracas pour créer sa propre organisation six ans plus tard.

Cela signifie-t-il pour autant que la pratique du second Doshu était médiocre ? Mon opinion, tout à fait subjective, est que Ueshiba Kisshomaru avait développé un Aïkido certes différent de celui de son père, mais de haut niveau. On peut ainsi voir dans la vidéo ci-dessus une pratique ample mais subtile, une légèreté dans le contact au sol, et un travail fin de création du vide.

En ce qui concerne l'esprit de l'Aïkido, si de nombreuses paroles apocryphes du Fondateur servent aujourd'hui à le promouvoir, c'est en réalité son fils, cet homme qui semblait ne jamais sourire, qui est la source principale de l'esprit bienveillant et humaniste qui défini aujourd'hui la discipline.

Ueshiba Kisshomaru Doshu au Hombu Dojo de l'Aikikai, 1994

Réflexions à la vue de la vidéo

J'ai souri en voyant tant de visages familiers. Plusieurs shihans actuels tels Seki senseï, mais aussi maître Iimura Ikuo aujourd'hui disparu… Et Ueshiba Moriteru, le Doshu actuel.

Dès son plus jeune âge, le petit-fils du Fondateur a pratiqué comme tout un chacun. Sans traitement de faveur, il a travaillé sous la direction de tous les enseignants du Hombu. Lorsque cette vidéo a été tournée en 1994, il a 43 ans et pratique toujours comme les autres. Le contraste est flagrant avec la situation actuelle et son successeur surprotégé à son arrivée au Hombu, avec qui il était interdit de pratiquer. Qui a pris de tels décisions, je ne saurai le dire. Le fait est que, malgré toute la bonne volonté du monde, on ne peut développer une capacité martiale réelle lorsque l'on a pratiqué qu'avec des ukes dressés à voler au moindre claquement de doigts. Il est regrettable que les conseils de Peter Goldsbury, précédent président de la Fédération Internationale d'Aïkido, n'aient pas été suivis. Celui-ci préconisait que Ueshiba Mitsuteru soit formé avec les disciples survivants du Fondateur. Cela lui aurait donné une légitimité historique, permis de développer une compétence profonde, et donné une compréhension vaste de la discipline. Des éléments indispensables pour pouvoir perpétuer l'ouvrage de son arrière grand-père, son grand-père et son père. Car la magie du nom suffit de moins en moins aux nouvelles générations de pratiquants…

Ensuite et surtout, j'ai vraiment apprécié de voir Ueshiba Kisshomaru dans son quotidien. Pas en démonstration ou dans une vidéo didactique lissée, mais dans sa pratique journalière. Effacé tout en étant présent, doux, léger, aérien presque. Gardons à l'esprit que lors de ce cours, quelques années avant sa mort, le second Doshu avait frôlé la mort par le passé, et devait déjà être malade. Il émane de lui une beauté éthérée que je trouve très émouvante...

Ueshiba Kisshomaru Doshu au Hombu Dojo de l'Aikikai, 1994
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MERCI !
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L
Merci pour la lecture :-)<br /> <br /> Léo
L
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