Entretien avec Tamura senseï (4): Aïkido et buki-waza
La pratique des armes est-elle indispensable en Aïkido?
L'Aïkido est né de la pratique des armes et le taï-jutsu et les buki-waza ne font qu'un. Si quelqu'un maîtrise le travail à mains nues juste il utilisera alors les armes correctement. Et vice-versa. Mais c'est rarement le cas aujourd'hui. De même que certaines personnes pratiquent bien debout mais mal à genoux, certaines semblent pratiquer bien à mains nues mais révèlent leurs limites un sabre en main…
Sur le même sujet un extrait de l'interview de Shimizu senseï:
Est-il important de travailler les armes en Aïkido?
Je ne crois pas. Aujourd'hui il y a de plus en plus de professeurs qui enseignent le ken mais dans le temps Osenseï se fâchait si on pratiquait trop le sabre. Il disait "L'Aïkido c'est le taïjutsu alors étudiez profondément le taïjutsu.".
Dans l'entraînement il est bon de varier les situations d'attaques et dans ce sens cela est utile de travailler contre des attaques au ken, au jo ou au tanto. Mais le travail sabre contre sabre ne me semble pas nécessaire. Les gens qui veulent étudier cela peuvent pratiquer le Kendo.
Aujourd'hui les gens parlent d'Aïkiken, Aïkijo, et il règne une grande confusion sur ce qu'est l'Aïkido. L'essence de l'Aïkido est le taïjutsu, il faut garder cela à l'esprit. Mais on utilise le sabre pour apprendre le riai, les principes.
Physiquement il est souvent plus confortable de pratiquer le ken ou le sabre. On ne finit ni projeté ni immobilisé. (Rires)
Interview de Tissier senseï:
Est-ce que vous considérez que le travail des armes fait partie intégrante de la pratique de l’Aïkido ?
Fondamentalement, non. Mais je vais développer mon point de vue.
A l’Aïkikaï comme vous le savez il n’y a pas de cours d’armes, point final. Il y a quelques bokkens si on veut faire quelques suburis mais il ne faut pas en faire trop et surtout éviter de travailler à deux.
Mais moi j’ai toujours été très intéressé par l’esprit du ken, cette façon d’aller droit dans l’action spécifique du kenjutsu, non circulaire. Et j’ai eu la chance d’être formé en kenjutsu par Inaba senseï au Shiseïkan.
Mais je ne considère pas qu’il est nécessaire de faire des armes pour faire de l’Aïkido. C’est bien d’en faire aussi dans la mesure où c’est un support ludique qui apprends à gérer une autre distance. Mais on peut en dire autant de la boxe ou des disciplines pieds-poings. Ce sont des supports qui peuvent apporter quelques chose, qui sont intéressants qui mais ne sont pas l’essence de l’Aïkido.
J’enseigne toujours le ken dans les stages d’une semaine parce que ça intéresse beaucoup de monde mais c’est un plus, ce n’est pas l’essentiel. Je n’ai rien contre ceux qui développent des systèmes d’armes, mais l’Aïkido c’est l’Aïkido. Les armes ça peut en faire partie mais on peut très bien avoir quelqu’un qui n’a jamais fait de ken de sa vie et qui fait de l’Aïkido correct avec exactement les mêmes sensations.
Interview de Suga senseï:
D’après le professeur Sasama, auteur d’une encyclopédie des arts martiaux qui fait référence et qui possède une connaissance inouïe des Budo japonais, les origines de l’Aïkido remonteraient au 9ème siècle. Il n’y a malheureusement pas de documents de cette époque, mais cela en ferait l’un des plus anciens arts martiaux, considérant que le Katori Shinto ryu par exemple remonte à peu près au 13ème siècle.
A l’époque les samouraïs apprenaient principalement quatre disciplines de combat. L’utilisation du katana (sabre), du naginata (fauchard), du kyu (arc), et ce qu’on appelait généralement kumiuchi, des techniques à mains nues de type Jujutsu.
A l’époque, du 9ème jusqu’au 17ème siècle, durant les guerres incessantes, l’entraînement premier des samouraïs était l’utilisation des armes. Ils pratiquaient aussi les techniques à mains nues mais cela ne représentait qu’environ 20% de leur entraînement.
Quand on analyse les techniques d’Aïkido, les attaques sont faites soit pour empêcher le dégainage ou l’utilisation du sabre, soit pour frapper l’adversaire sur un point vital, mais en utilisant la main comme un sabre. Donc l’Aïkido est la pratique du sabre. Et les techniques à mains nues sont issues de ce travail. On ne peut les séparer. Et une bonne compréhension de l’esprit et de l’utilisation du sabre est essentielle pour fonder des bases solides en Aïkido.
Beaucoup d’experts n’enseignent pas le travail des armes. Est-ce que vous pensez que c’est indispensable à la pratique de l’Aïkido ?
L’Aïkido sans le travail des armes c’est 80% de sa richesse qui disparaît. Le travail de l’Aïkido est indissociable du travail des armes. Et Osenseï ne faisait jamais de démonstration d’Aïkido sans le travail des armes.
Interview de Tamura senseï:
En Aïkido le travail des armes est-il important ?
C’est Osenseï qui a créé l’Aïkido. Et à chaque fois qu’il démontrait l’Aïkido il utilisait les armes. Ce n’est pas à nous, ses disciples et élèves, de décider ou pas si il faut pratiquer les armes. C’est sans doute un travers français de tout questionner. Au Japon on se ferait immédiatement traiter d’idiot si on remettait ce fait en question. (rires)
La question a fait et continuera à faire couler beaucoup d'encre. Lorsque j'ai commencé l'Aïkido je n'avais pratiqué que des disciplines à mains nues. Le travail aux armes me paraissait folklorique et inutile. Aujourd'hui c'est ce qui guide ma pratique, même à mains nues.
Je pense qu'il est effectivement possible de pratiquer l'Aïkido sans développer le travail aux armes si on conserve leur esprit. Mais cela nécessite une connaissance de leur essence, même, éventuellement, à travers une autre discipline. En revanche la pratique d'un Aïkido d'où l'esprit du sabre aurait disparu ne présente pas d'intérêt à mes yeux…
Note: Je n'ai pas enregistré ces entretiens et les écris de mémoire. Il est donc possible que des erreurs se soient glissées dans ces retranscriptions mais j'ai pensé que l'intérêt des réponses dépassait le risque de mes erreurs. Je prie toutefois les lecteurs de ne prendre cela que comme une conversation rapportée qui pourrait nourrir des réflexions et non comme paroles d'évangiles.
L'Aïkido est né de la pratique des armes et le taï-jutsu et les buki-waza ne font qu'un. Si quelqu'un maîtrise le travail à mains nues juste il utilisera alors les armes correctement. Et vice-versa. Mais c'est rarement le cas aujourd'hui. De même que certaines personnes pratiquent bien debout mais mal à genoux, certaines semblent pratiquer bien à mains nues mais révèlent leurs limites un sabre en main…
Tamura Nobuyoshi
Sur le même sujet un extrait de l'interview de Shimizu senseï:
Shimizu Kenji
Est-il important de travailler les armes en Aïkido?
Je ne crois pas. Aujourd'hui il y a de plus en plus de professeurs qui enseignent le ken mais dans le temps Osenseï se fâchait si on pratiquait trop le sabre. Il disait "L'Aïkido c'est le taïjutsu alors étudiez profondément le taïjutsu.".
Dans l'entraînement il est bon de varier les situations d'attaques et dans ce sens cela est utile de travailler contre des attaques au ken, au jo ou au tanto. Mais le travail sabre contre sabre ne me semble pas nécessaire. Les gens qui veulent étudier cela peuvent pratiquer le Kendo.
Aujourd'hui les gens parlent d'Aïkiken, Aïkijo, et il règne une grande confusion sur ce qu'est l'Aïkido. L'essence de l'Aïkido est le taïjutsu, il faut garder cela à l'esprit. Mais on utilise le sabre pour apprendre le riai, les principes.
Physiquement il est souvent plus confortable de pratiquer le ken ou le sabre. On ne finit ni projeté ni immobilisé. (Rires)
Interview de Tissier senseï:
Christian Tissier
Est-ce que vous considérez que le travail des armes fait partie intégrante de la pratique de l’Aïkido ?
Fondamentalement, non. Mais je vais développer mon point de vue.
A l’Aïkikaï comme vous le savez il n’y a pas de cours d’armes, point final. Il y a quelques bokkens si on veut faire quelques suburis mais il ne faut pas en faire trop et surtout éviter de travailler à deux.
Mais moi j’ai toujours été très intéressé par l’esprit du ken, cette façon d’aller droit dans l’action spécifique du kenjutsu, non circulaire. Et j’ai eu la chance d’être formé en kenjutsu par Inaba senseï au Shiseïkan.
Mais je ne considère pas qu’il est nécessaire de faire des armes pour faire de l’Aïkido. C’est bien d’en faire aussi dans la mesure où c’est un support ludique qui apprends à gérer une autre distance. Mais on peut en dire autant de la boxe ou des disciplines pieds-poings. Ce sont des supports qui peuvent apporter quelques chose, qui sont intéressants qui mais ne sont pas l’essence de l’Aïkido.
J’enseigne toujours le ken dans les stages d’une semaine parce que ça intéresse beaucoup de monde mais c’est un plus, ce n’est pas l’essentiel. Je n’ai rien contre ceux qui développent des systèmes d’armes, mais l’Aïkido c’est l’Aïkido. Les armes ça peut en faire partie mais on peut très bien avoir quelqu’un qui n’a jamais fait de ken de sa vie et qui fait de l’Aïkido correct avec exactement les mêmes sensations.
Interview de Suga senseï:
Suga Toshiro
D’après le professeur Sasama, auteur d’une encyclopédie des arts martiaux qui fait référence et qui possède une connaissance inouïe des Budo japonais, les origines de l’Aïkido remonteraient au 9ème siècle. Il n’y a malheureusement pas de documents de cette époque, mais cela en ferait l’un des plus anciens arts martiaux, considérant que le Katori Shinto ryu par exemple remonte à peu près au 13ème siècle.
A l’époque les samouraïs apprenaient principalement quatre disciplines de combat. L’utilisation du katana (sabre), du naginata (fauchard), du kyu (arc), et ce qu’on appelait généralement kumiuchi, des techniques à mains nues de type Jujutsu.
A l’époque, du 9ème jusqu’au 17ème siècle, durant les guerres incessantes, l’entraînement premier des samouraïs était l’utilisation des armes. Ils pratiquaient aussi les techniques à mains nues mais cela ne représentait qu’environ 20% de leur entraînement.
Quand on analyse les techniques d’Aïkido, les attaques sont faites soit pour empêcher le dégainage ou l’utilisation du sabre, soit pour frapper l’adversaire sur un point vital, mais en utilisant la main comme un sabre. Donc l’Aïkido est la pratique du sabre. Et les techniques à mains nues sont issues de ce travail. On ne peut les séparer. Et une bonne compréhension de l’esprit et de l’utilisation du sabre est essentielle pour fonder des bases solides en Aïkido.
Beaucoup d’experts n’enseignent pas le travail des armes. Est-ce que vous pensez que c’est indispensable à la pratique de l’Aïkido ?
L’Aïkido sans le travail des armes c’est 80% de sa richesse qui disparaît. Le travail de l’Aïkido est indissociable du travail des armes. Et Osenseï ne faisait jamais de démonstration d’Aïkido sans le travail des armes.
Interview de Tamura senseï:
Tamura Nobuyoshi
En Aïkido le travail des armes est-il important ?
C’est Osenseï qui a créé l’Aïkido. Et à chaque fois qu’il démontrait l’Aïkido il utilisait les armes. Ce n’est pas à nous, ses disciples et élèves, de décider ou pas si il faut pratiquer les armes. C’est sans doute un travers français de tout questionner. Au Japon on se ferait immédiatement traiter d’idiot si on remettait ce fait en question. (rires)
La question a fait et continuera à faire couler beaucoup d'encre. Lorsque j'ai commencé l'Aïkido je n'avais pratiqué que des disciplines à mains nues. Le travail aux armes me paraissait folklorique et inutile. Aujourd'hui c'est ce qui guide ma pratique, même à mains nues.
Je pense qu'il est effectivement possible de pratiquer l'Aïkido sans développer le travail aux armes si on conserve leur esprit. Mais cela nécessite une connaissance de leur essence, même, éventuellement, à travers une autre discipline. En revanche la pratique d'un Aïkido d'où l'esprit du sabre aurait disparu ne présente pas d'intérêt à mes yeux…
Note: Je n'ai pas enregistré ces entretiens et les écris de mémoire. Il est donc possible que des erreurs se soient glissées dans ces retranscriptions mais j'ai pensé que l'intérêt des réponses dépassait le risque de mes erreurs. Je prie toutefois les lecteurs de ne prendre cela que comme une conversation rapportée qui pourrait nourrir des réflexions et non comme paroles d'évangiles.
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