Celui qui tue de loin
"… celui qui tue de loin ignore tout de ce que signifie tuer. Celui qui tue de loin ne tire aucune leçon sur la vie ni sur la mort. Il ne risque rien, il ne se salit pas les mains, il n'entend pas la respiration de son adversaire, il ne voit pas l'épouvante, le courage ou l'indifférence dans ses yeux. Celui qui tue de loin ne met pas à l'épreuve son bras, son cœur ni sa conscience. Il ne crée pas de fantômes qui reviennent ensuite le tourmenter toutes les nuits, pour le restant de ses jours. Celui qui tue de loin est un coquin qui confie à d'autres le sale travail qui est le sien. Celui qui tue de loin est pire que les autres hommes, car il ignore la colère, la haine, la vengeance et la terrible passion de la chair et du sang en contact avec l'acier d'une lame. Mais il ignore aussi la pitié et les remords. Celui qui tue de loin ne sait pas ce qu'il perd."
"Le soleil de Breda"
Troisième tome des aventures du Capitaine Alatriste
Matamores de dojo
Semaine après semaine, jour après jour pour certains, nous pratiquons des disciplines martiales aux racines souvent lointaines et guerrières. Combien souvent pourtant, je ris amèrement en regardant les simagrées de certains pratiquants. Trop de fanfarons au verbe haut, aux sourcils froncés et aux torses bombés foulent les tatamis, en particulier en Aïkido où il est si facile de tricher.
J'ai eu quelques expériences de combat qui auraient pu s'achever de façon dramatique, mais se sont bien terminées par chance. Mais rien qui puisse s'approcher même de loin d'une lutte à mort comme ont pu en vivre tant de nos prédécesseurs dans la chaîne de transmission des traditions martiales. Leurs expériences nous obligent, et c'est pourquoi j'ai tant de mépris pour les matamores de dojo. J'ai à cœur que les Budos soient "plus" qu'un Bujutsu, pas autre chose. Cela demande humilité, sérieux et recul au regard de la pratique. Parfois quelques lignes de roman me le rappellent avec une douloureuse acuité…