Yagai keiko, le secret de la reprise en Aïkido
Mars 2020. La pratique martiale subit un arrêt brutal, total. La France est confinée comme le sera la majorité du monde en quelques semaines… Aujourd'hui la fin des restrictions semble proche. Mais comment retrouver les anciens pratiquants, et plus encore redonner vigueur à une discipline qui s'effondre depuis deux décennies ? Le premier pas est le yagaï keïko.
Yagai geiko sous la direction de Royama Hatsuo,
avec Isseï Tamako, MastersTour2019 (photo Laurent Sikirdji)
野外稽古 yagai keiko
Yagai keiko, c'est la pratique en extérieur. Yagai keiko c'est la pratique des origines. Avant que des bâtiments soient dédiés à la pratique, avant que les tatamis en recouvrent le sol, la pratique martiale est née en extérieur. J'inclus souvent du travail dans la nature lors des stages. Pour le plaisir de l'espace, pour les difficultés qui sont sources de progrès. Aujourd'hui yagai keiko est la seule alternative dans de nombreux coins du monde. Voici quelques pistes pour en faire un succès.
1 Déterminer son objectif
Avant d'agir, il faut savoir précisément quel but on recherche. On ne choisira pas les mêmes lieux, horaires, si on souhaite simplement se retrouver avec les pratiquants, ou si l'on souhaite aussi promouvoir l'Aïkido. La situation est telle aujourd'hui, que je considère que chacun devrait faire d'une pierre deux coups, et rassembler les pratiquants en présentant la discipline au public.
Parc du Palais Royal (photo Shizuka Tamaki)
2 Choisir un lieu
Voici quelques critères pour choisir un espace :
- Suffisamment grand pour la pratique (à moduler en fonction du nombre de personnes attendues)
- Agréable (penser au vent, au soleil)
- Accessible facilement
- Avec du passage d'un public choisi (je conseille notamment de viser les adultes de plus de 30 ans)
- Si possible qui porte une charge symbolique forte qui soulignera les qualités de l'Aïkido (l'océan et des falaises évoquent la puissance, l'authenticité ; un lieu historique en ville symbolise la tradition ; une montagne incarne la majesté, la continuité)
- Avec une solution de repli proche pour pouvoir continuer le cours en cas d'intempéries
À titre personnel j'ai choisi le quai des Tuileries du Jardin des Tuileries. L'espace est vaste, nous ne gênons personne, la vue est splendide, le passage est moindre, mais les gens qui s'aventurent là prennent plus leur temps.
Jardin des Tuileries, Terrasse du Bord de l'eau
Statue intitulée"Les fils de Caïn", (photo Shizuka Tamaki)
3 Choisir un horaire
Le second critère crucial est l'horaire. Il va de soi qu'à 6h du matin il n'y aura quasiment pas de passage, et qu'à 17h beaucoup seront déjà sur le retour. Je donne les cours le samedi de 10h30 à 12h00, et le dimanche de 14h00 à 15h30. Cela permet de bien commencer et/ou terminer le week-end. Ça laisse le temps aux gens d'arriver et de repartir confortablement.
4 Adapter la pratique
N'oubliez pas que les pratiquants ont pour la majorité délaissé leurs dogis et leurs armes pendant de longs mois. Il faut préparer un travail sur les fondements sans être trop répétitif, avec une intensité qui ira crescendo au fil des séances.
Reprendre les fondements, accueillir les débutants
(photo Shizuka Tamaki)
5 Venir en tenue
Cela permet aux pratiquants de replonger dans la pratique. Cela attire les regards et éveille la curiosité. Nous devons être photographiés et filmés une centaine de fois par cours aux Tuileries. Il est évident que ce ne serait pas le cas si nous étions en jogging. Porter le dogi et le hakama c'est porter les couleurs la discipline. C'est se donner une chance supplémentaire de la mettre en avant.
6 Communiquer
Quels que soient les efforts que vous déploierez dans les éléments précédents, ils ne serviront à rien si vous ne communiquez pas. Il faut évidemment penser aux réseaux sociaux, mais aussi mettre des flyers à disposition des passants, et éventuellement un kakemono. Pensez à leur qualité de design, d'impression, et de support. N'oubliez pas que le public vous jugera aussi en fonction de cela.
Demain n'existe pas
Les conditions sont loin d'être idéales pour une reprise. Mais souvenez-vous que l'envie de pratiquer est là. Que les beaux jours le permettent aujourd'hui, et qu'en septembre la motivation aura quitté un certain nombre d'anciens, mais surtout de nouveaux pratiquants potentiels.
Ichi go ichi e ; un instant, une rencontre. Demain n'existe pas, agissez aujourd'hui.
La vie est une bataille
La vie est une bataille. Ayez une attitude martiale, et préparez cette reprise comme un combat, en ne laissant rien au hasard, et en mettant toutes les chances de succès de votre côté, de celui de l'Aïkido.
Il peut sembler superflu de s'encombrer de tant de détails. L'essentiel est de pratiquer argueront certains. Mais ce n'est pas agir en budoka. C'est ne pas assumer notre tour de partager ce qui nous a été transmis. C'est ne pas comprendre que nous sommes sur une pente qui impacte chacun d'entre nous, et la discipline en général.
Soyez généreux
Il faut être clair. Plus la ville est grande, en mon cas Paris, moins les chances que votre dojo se trouve à distance raisonnable des personnes qui vous observeront sont élevées. Ce qui signifie que le passant qui est intrigué par votre pratique ira sûrement dans un autre dojo que le vôtre. Et alors ?! Il est plus que temps que la communauté de l'Aïkido, sans renier son travail, pense à la promotion de la discipline de façon généreuse, dans une perspective globale. Il est de bon ton de parer l'Aïkido d'un panel de valeurs. Le temps est venu de les incarner. Rendez-vous à l'extérieur ! Bon yagaï keïko.
Aïkido à Paris
Tous les week-ends
Samedi de 10h30 à 12h00
Dimanche de 14h00 à 15h30
Jardin des Tuileries ,Terrasse du Bord de l'eau, 75001 Paris
Devant la statue intitulée"Les fils de Caïn"
Cours disponibles à l'unité, par carnets de 10, ou en illimité pour 3 mois !