L'exigence de la pratique martiale est terriblement simple, un geste fonctionne ou ne fonctionne pas.
La pratique martiale attire beaucoup de jeunes, quelques adultes et de rares seniors. Et si les pratiquants âgés qui comptent de nombreuses années de pratique cumulent souvent les grades, peu nombreux sont ceux qui savent démontrer l'efficacité martiale qui devrait en être le corollaire. Oshiro Zenei est l'un de ces rares maîtres. Un fait d'autant plus impressionnant qu'il souffre depuis des années de problème à la moelle épinière qui lui impose de marcher avec une canne. Une pathologie lourde à laquelle il a su s'adapter pour conserver une efficacité redoutable.
J'ai interviewé Oshiro sensei pour Yashima. Voici un extrait de cet entretien disponible en kiosques encore pour quelques jours.
Oshiro Zenei (par Stéphane Remael pour Yashima)
L'efficacité est-elle toujours un objectif de votre pratique malgré vos soucis de santé ?
Je me reposais sur des qualités athlétiques que je n'ai plus. Aujourd'hui il me faut "simplement" utiliser la souplesse et le relâchement pour faire fonctionner ce que je faisais marcher avec ma force et ma puissance.
Le fait que j'ai besoin d'une canne ne justifie rien. Au final l'exigence de la pratique martiale est terriblement simple, un geste fonctionne ou ne fonctionne pas. En Aikidō, Jūdō, l'objectif est le même. Être capable de faire fonctionner les choses. Pour un pratiquant l'enseignement n'a pas de valeur si on ne peut soutenir ses paroles par des actes.
C'est une vision qui se fait rare…
Si un entraîneur de boxe ne peut pas faire ce qu'il demande à son champion, ce n'est pas un souci. Mais dans le budō il y a une attente d'exemplarité. On attend que l'enseignant soit capable de réaliser ce qu'il propose. C'est par cela que ça commence.
Bien entendu avec les années on ne peut plus tout faire. Mais il faut s'efforcer de toujours rester un pratiquant, et de présenter à travers son exemple une évolution dans le temps. Si les experts n'incarnent plus cela, qu'est-ce qui va donner envie aux gens de continuer à pratiquer ou même débuter après quarante ans ? C'est ce que représentaient des gens comme Mifune Kyūzō en Jūdō. La possibilité de rester efficace malgré les années en faisant évoluer sa pratique vers toujours plus de souplesse et de relâchement.
Oshiro Zenei (par Stéphane Remael pour Yashima)
"Au final l'exigence de la pratique martiale est terriblement simple, un geste fonctionne ou ne fonctionne pas. En Aikidō, Jūdō, l'objectif est le même. Être capable de faire fonctionner les choses. Pour un pratiquant l'enseignement n'a pas de valeur si on ne peut soutenir ses paroles par des actes."
Beaucoup de sports de combat offrent un panel technique redoutable. Ceux dont c'est le seul but font naturellement ce choix. Les voies martiales se reposent elles sur des techniques guerrières pour atteindre des objectifs plus vastes. Mais le prérequis est que ces mouvements fonctionnent. Les budō sont PLUS que des techniques de combat efficaces. Ils ne sont pas AUTRE CHOSE.
"… dans le budō il y a une attente d'exemplarité. On attend que l'enseignant soit capable de réaliser ce qu'il propose. C'est par cela que ça commence."
Il y a en Aikidō une tendance à justifier sa compétence par des éléments extérieurs. "Élève de", "a passé X années auprès de", "pratique un art dont le Fondateur était très fort", "a passé X années au Japon", "s'est rendu X fois au Japon", etc. Mais lorsque je dois choisir un professeur en quelque domaine que ce soit, peu m'importe le niveau de son arrière-grand-père ou sa biographie. Que sait faire la personne à laquelle je fais face, là est la seule véritable question.
"… ce que représentaient des gens comme Mifune Kyūzō en Jūdō. La possibilité de rester efficace malgré les années en faisant évoluer sa pratique vers toujours plus de souplesse et de relâchement."
C'est ce que démontrent et incarnent Royama Hatsuo aujourd'hui, ou Tamura Nobuyoshi hier.