Ce que notre marche trahit et le fossé entre un maître et ses élèves
Ce que notre marche trahit
Observer les gens marcher est un exercice très drôle. Plus que notre apparence vestimentaire cela trahit souvent l'image que l'on veut donner, consciemment ou inconsciemment. La façon dont certains jeunes de quartiers défavorisés oscillent d'une jambe sur l'autre, le pas raide des hommes d'affaires, le pas démonstratif des pratiquants de bodybuilding qui marchent en contractant le maximum de muscles possibles, etc…
En arts martiaux il y a le pas des pratiquants qui essaient la marche Namba, celui de ceux qui essaient de rester le plus disponible et dont la souplesse les fait presque ressembler à des chats, le pas imposant et lourd de certains pratiquants de Karaté, etc…
Il y a quelques années après avoir assisté à une représentation de théâtre No j'avais été stupéfait par la marche de l'acteur principal. Il semblait glisser sur un tapis roulant et il était impossible de déceler le moindre mouvement sur son torse.
J'en parlais à Kuroda senseï et il me dit que bien des années plus tôt lorsqu'il donnait une démonstration avec son grand-père dans un temple il avait croisé un maître avec ses disciples. Ce maître avait atteint un très haut niveau. Il marchait d'une façon que Kuroda senseï qualifia de parfaite. Pas glissés, légers… Mais maître Kuroda me dit que c'était trop pour ses élèves…
Le fossé entre un maître et ses élèves
J'ai souvent réfléchi par la suite à cette conversation et elle m'a éclairé sur l'attitude de Kuroda senseï. Bien sûr un maître ne doit pas se rabaisser pour être au niveau de ses élèves. Il s'adapte parfois lors de l'entraînement, restant juste un cran au-dessus du pratiquant auquel il enseigne, tandis qu'à d'autres moments il utilisera une plus grande partie de ses capacités afin de montrer le sens de la recherche par exemple.
Mais en dehors du tatami garder une image de perfection, vivre comme un kenseï, un saint du sabre, me semble aujourd'hui étrange, inutile et inadapté.
D'une part se singulariser par une telle attitude est aujourd'hui anachronique. Bien sûr cela ne signifie pas qu'il faille se fondre dans notre époque et en adopter tous les usages aveuglément pour autant.
Ensuite je crois que ce que maître Kuroda voulait dire est que le maître écrasait ses élèves par sa façon d'être et qu'il étouffait ainsi leur capacité à se développer. Lorsque l'image que l'on donne est trop parfaite à tous points de vue cela donne un sentiment d'inaccessibilité qui fait que l'on peut continuer à pratiquer mais d'une manière trop détachée.
Sans doute Kuroda senseï avait-il aussi vu là un peu de "comédie". Un maître rentrant trop dans le "kata" du kenseï. C'est un fait que j'ai observé à plusieurs reprises au Japon. Sur le sujet du kata dans une perspective très large je conseille la lecture de l'ouvrage de Tokitsu Kenji "Le kata".
Enfin je ne peux m'empêcher personnellement de penser qu'une marche trop visiblement parfaite est une source de faiblesse dans la mesure où elle dévoile un niveau élevé. Mais enfin c'est probablement une réflexion anachronique ;-)
Observer les gens marcher est un exercice très drôle. Plus que notre apparence vestimentaire cela trahit souvent l'image que l'on veut donner, consciemment ou inconsciemment. La façon dont certains jeunes de quartiers défavorisés oscillent d'une jambe sur l'autre, le pas raide des hommes d'affaires, le pas démonstratif des pratiquants de bodybuilding qui marchent en contractant le maximum de muscles possibles, etc…
En arts martiaux il y a le pas des pratiquants qui essaient la marche Namba, celui de ceux qui essaient de rester le plus disponible et dont la souplesse les fait presque ressembler à des chats, le pas imposant et lourd de certains pratiquants de Karaté, etc…
Il y a quelques années après avoir assisté à une représentation de théâtre No j'avais été stupéfait par la marche de l'acteur principal. Il semblait glisser sur un tapis roulant et il était impossible de déceler le moindre mouvement sur son torse.
J'en parlais à Kuroda senseï et il me dit que bien des années plus tôt lorsqu'il donnait une démonstration avec son grand-père dans un temple il avait croisé un maître avec ses disciples. Ce maître avait atteint un très haut niveau. Il marchait d'une façon que Kuroda senseï qualifia de parfaite. Pas glissés, légers… Mais maître Kuroda me dit que c'était trop pour ses élèves…
Le fossé entre un maître et ses élèves
J'ai souvent réfléchi par la suite à cette conversation et elle m'a éclairé sur l'attitude de Kuroda senseï. Bien sûr un maître ne doit pas se rabaisser pour être au niveau de ses élèves. Il s'adapte parfois lors de l'entraînement, restant juste un cran au-dessus du pratiquant auquel il enseigne, tandis qu'à d'autres moments il utilisera une plus grande partie de ses capacités afin de montrer le sens de la recherche par exemple.
Mais en dehors du tatami garder une image de perfection, vivre comme un kenseï, un saint du sabre, me semble aujourd'hui étrange, inutile et inadapté.
D'une part se singulariser par une telle attitude est aujourd'hui anachronique. Bien sûr cela ne signifie pas qu'il faille se fondre dans notre époque et en adopter tous les usages aveuglément pour autant.
Ensuite je crois que ce que maître Kuroda voulait dire est que le maître écrasait ses élèves par sa façon d'être et qu'il étouffait ainsi leur capacité à se développer. Lorsque l'image que l'on donne est trop parfaite à tous points de vue cela donne un sentiment d'inaccessibilité qui fait que l'on peut continuer à pratiquer mais d'une manière trop détachée.
Sans doute Kuroda senseï avait-il aussi vu là un peu de "comédie". Un maître rentrant trop dans le "kata" du kenseï. C'est un fait que j'ai observé à plusieurs reprises au Japon. Sur le sujet du kata dans une perspective très large je conseille la lecture de l'ouvrage de Tokitsu Kenji "Le kata".
Enfin je ne peux m'empêcher personnellement de penser qu'une marche trop visiblement parfaite est une source de faiblesse dans la mesure où elle dévoile un niveau élevé. Mais enfin c'est probablement une réflexion anachronique ;-)
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