Budo no Nayami

Ce que notre marche trahit et le fossé entre un maître et ses élèves

24 Janvier 2009 , Rédigé par Léo Tamaki Publié dans #Janvier 2009

Ce que notre marche trahit
Observer les gens marcher est un exercice très drôle. Plus que notre apparence vestimentaire cela trahit souvent l'image que l'on veut donner, consciemment ou inconsciemment. La façon dont certains jeunes de quartiers défavorisés oscillent d'une jambe sur l'autre, le pas raide des hommes d'affaires, le pas démonstratif des pratiquants de bodybuilding qui marchent en contractant le maximum de muscles possibles, etc…




En arts martiaux il y a le pas des pratiquants qui essaient la marche Namba, celui de ceux qui essaient de rester le plus disponible et dont la souplesse les fait presque ressembler à des chats, le pas imposant et lourd de certains pratiquants de Karaté, etc…
Il y a quelques années après avoir assisté à une représentation de théâtre No j'avais été stupéfait par la marche de l'acteur principal. Il semblait glisser sur un tapis roulant et il était impossible de déceler le moindre mouvement sur son torse.
J'en parlais à Kuroda senseï et il me dit que bien des années plus tôt lorsqu'il donnait une démonstration avec son grand-père dans un temple il avait croisé un maître avec ses disciples. Ce maître avait atteint un très haut niveau. Il marchait d'une façon que Kuroda senseï qualifia de parfaite. Pas glissés, légers… Mais maître Kuroda me dit que c'était trop pour ses élèves…




Le fossé entre un maître et ses élèves
J'ai souvent réfléchi par la suite à cette conversation et elle m'a éclairé sur l'attitude de Kuroda senseï. Bien sûr un maître ne doit pas se rabaisser pour être au niveau de ses élèves. Il s'adapte parfois lors de l'entraînement, restant juste un cran au-dessus du pratiquant auquel il enseigne, tandis qu'à d'autres moments il utilisera une plus grande partie de ses capacités afin de montrer le sens de la recherche par exemple.

Mais en dehors du tatami garder une image de perfection, vivre comme un kenseï, un saint du sabre, me semble aujourd'hui étrange, inutile et inadapté.
D'une part se singulariser par une telle attitude est aujourd'hui anachronique. Bien sûr cela ne signifie pas qu'il faille se fondre dans notre époque et en adopter tous les usages aveuglément pour autant.
Ensuite je crois que ce que maître Kuroda voulait dire est que le maître écrasait ses élèves par sa façon d'être et qu'il étouffait ainsi leur capacité à se développer. Lorsque l'image que l'on donne est trop parfaite à tous points de vue cela donne un sentiment d'inaccessibilité qui fait que l'on peut continuer à pratiquer mais d'une manière trop détachée.
Sans doute Kuroda senseï avait-il aussi vu là un peu de "comédie". Un maître rentrant trop dans le "kata" du kenseï. C'est un fait que j'ai observé à plusieurs reprises au Japon. Sur le sujet du kata dans une perspective très large je conseille la lecture de l'ouvrage de Tokitsu Kenji "Le kata".
Enfin je ne peux m'empêcher personnellement de penser qu'une marche trop visiblement parfaite est une source de faiblesse dans la mesure où elle dévoile un niveau élevé. Mais enfin c'est probablement une réflexion anachronique ;-)




Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
O
bonjour léo,en lisant cet article, je me rappelles de certaines paroles de maitre takuan soho (célèbre maître zen) et du zen en général, où il est dit qu'il faut laisser flotter l'esprit, si j'ai bien compris.de ce fait, le maître dont la technique était trop parfaite pour laisser s'exprimer ses élèves ne s'éloignait-il pas tout simplement de la voie?ou souhaitait il simplement se perfectionner encore et toujours? ce qui revient au même j'en conviens.l'attitude des grands maîtres possède toujours ce genre d'ambiguité qui fait figure de non-dit et qui, peut-être maladroitement, veut nous démontrer les choses sans nous les expliquer...en tout cas, il est sûr que se concentrer sur "marche trop visiblement parfaite" ouvre sans doute des failles autre part...vivement que j'y arrive!!... lolcordialement.olry
Répondre
L
<br /> <br /> C'est une question très difficile car il n'y a pas qu'UNE voie. Ou il y a plusieurs façons de la suivre...<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> L'idée qu'il puisse exister un modèle unique de perfection, applicables à tous et en toutes circonstances, est complètement stupide et aberrante. La marche dépend des circonstances, des objectifs qu'on se fixe, de sa propre conformation physique, de son état d'esprit (ou de ses émotions). Un marcheur de compétition voudra marcher vite, un randonneur voudra marcher longtemps, un garçon de café voudra que son plateau reste immobile, etc, etc. Ca me désole que des soi-disant maitres puissent répandre de telles bêtises. Que fait un professeur qui a de telles idées dans son enseignement ? Il essaye de plaquer son schéma préconçu sur ses élèves, même si ça ne leur convient pas. Un vrai maitre ne plaque pas ses idées sur ses élèves, il fait le contraire, il sait adapter son enseignement en fonction de chacun.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Revenir en haut de page<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Cher pifpaf,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je ne crois pas avoir écrit, ni qui que ce soit en commentaires, qu'il n'existait qu' UN modèle de perfection. Comme vous le soulignez la perfection est fonction de<br /> l'objectif. Le blog parlant d'arts martiaux il est toutefois sous-entendu que l'objectif est l'excellence martiale. La remarque de Kuroda senseï se comprend donc à ce niveau là quand me il<br /> décrit une marche "qu'il qualifiât de parfaite".<br /> <br /> <br /> On peut imaginer que la marche en question était souple, légère, qu'elle ne "dérangeait" pas le reste du corps, qu'elle ne laissait aucune ouverture, qu'elle permettait<br /> au marcheur d'agir spontanément et dans n'importe quelle direction.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je ne peux m'empêcher de remarquer avec surprise que vous qualifiez Kuroda senseï de "soi-disant" maître. L'avez-vous rencontré pour affirmer cela? A moins que je ne vous<br /> ai mal compris ou qu'il ne s'agisse de moi sans doute, auquel cas je ne me prétends (pas encore :D) pas maître. Je ne mentionne d'ailleurs personne qui ait essayé de "plaquer son schéma<br /> préconçu sur ses élèves".<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> "Un gars qui ne se mouche pas du coude" ;-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
L
Nous verrons peut être un post traitant ce sujet quand tu auras le temps (et l'envie :D)...Fin du commentaire détourné
Répondre
L
<br /> <br /> Ha ha...<br /> Hmm c'est un sujet intéressant, comme l'argent dans les arts martiaux, les grades, etc...<br /> Mais si mes idées sont assez claires à ce sujet je sais qu'elles provoqueront probablement un afflux de commentaires et messages privés ;-)<br /> J'écrirai ce type de post lorsque j'aurai le coeur à y faire face :D<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
L
 Lorsque j'ai parlais des "vieux", ceux sont justement aux jeunes adultes que je faisais référence. Adolescent, pour moi les "vieux" étaient les 20-30 ans.Quand à l'attitude abattue, c'est juste avant qu'un conflit explose, ne pas prendre de garde (pour les boxes pieds/poings, car les Aikidoka n'ont pas de garde si visible, non?) pour ne pas laisser transparaître une quelquonc connaissance martial. Mais comme tu l'as dit tout va très vite
Répondre
L
<br /> <br /> Ah alors je suis un vieux!<br /> Mais je comprends mieux ton précédent post.<br /> <br /> En revanche dans les combats de rue, la plupart ont lieu après une montée en pression. C'est très rare que l'un des protagonistes aient la présence d'esprit de ruser avec son adversaire.<br /> Quand aux Aïkidoka, hmm la présence de la garde dépend des écoles, des maîtres et des pratiquants. Mais bon, je ne tiens pas trop à aborder dans les commentaires la situation des Aïkidokas en<br /> combat, sujet qui demande un développement précis ;-)<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
K
c'est amusant un shihan du hombu dojo a parle de la meme chose il y a  2 semaines de ca. il a aussi donne l'exemple des danses dans les temples shinto. pour ce qui est de la marche trop parfaite je ne pense pas que ce soit une reflexion anachronique, plusieurs personnes sont fieres de leur kamae, en ura sankaku, donc un peu de profil. et ne devoilent donc aucune faiblesse... mais qui a envie d'attaquer quelqu'un qui semble inattaquable?
Répondre
L
<br /> <br /> Effectivement une garde hermétique ne permet pas d'attaque. Normalement les kata incluent une manoeuvre qui amène aïte à attaquer là où on le désire. A plus haut niveau une garde extérieure<br /> hermétique ne protège pas si aïté sait déceler les moments d'absence de l'esprit...<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
C
C'est amusant que Lusitano ait ajouté la notion de la mine abattue. Cela me rappelle Al Pacino dans "l'Avocat du Diable" qui affirme que ce qui fait sa force, c'est justement le fait de passer inaperçu, qu'on le croit inoffesif. Quant à la "cool attitude", je suis d'accord avec toi, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai mis des guillements, ne connaissant que peu le language et le code des "jeunes de banlieues".Sans parler du nombre de fois où je me suis vautré devant la belle du bal parce que je ne regardais pas où je mettais les pieds .Bref, comme nombre d'entre nous, le chemin est fait d'embuches et l'adaptation au terrain est primordiale. Bon je vous laisse, y a une jolie fille qui vient vers moi. Je bombe le torse et je regarde bien par terre avant de me lever
Répondre
L
<br /> <br /> Ton anecdote sur le diable me rappelle un phrase célèbre qui dit à peu près ceci:<br /> "La plus grande victoire du diable est d'avoir réussi à nous faire croire qu'il n'existait pas."<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
L
Sans penser au côté martial, j'ai souvent penser à ma démarche, et à chaque fois que j'essayé de la corriger, que ce soit dû à la fatigue ou bien pour l'approche d'une demoiselle (remarqué par Christophe plus haut), j'évitais, en plantant ma pointe de pied je ne sais où , de justesse une chute fatale. ;)Par contre, quand Christophe expliquent que les jeunes de quartiers se la jouent "cool", et bien ce n'est pas tout à fait ça.Puisque les jeunes prennent exemples sur les plus vieux du quartier, et cette "marche" est plus à mettre au même niveau que le regard porté dans la rue.Celui qui s'affaisse, est celui qui se laisse faire. Par contre dans un combat, avoir une attitude ou une mine abattue, permet de tromper la vigilance de son adversaire.Pour ma part, je trouverai plus naturel de voir un grand maître (de notre époque, à part Kono sensei) marché d'un pas décontracté.
Répondre
L
<br /> <br /> Les jeunes des quartiers difficiles prennent sans doute exemple sur leurs aînés mais pas sur les "vieux", leurs pères et grand-pères. Malheureusement beaucoup étaient immigrés et travaillaient<br /> très durement. Les jeunes se sont donc auto-éduqués et ont créé une espèce de jungle. Je suis toujours ému lorsque je vois la démarche d'un maghrébin de 50 ou 60 ans. Le courage, la détermination<br /> et la droiture qu'elle trahit.<br /> Cela me fait penser à maître Ahmed Si Guesmi, l'un des experts dont l'attitude m'a le plus touché. Et sans surprise, malgré sa discrétion, l'un des anciens que maître Tamura préfère.<br /> <br /> La mine abattue dont tu parles en combat ne trompe qu'un adversaire dans un combat rituel. Il n'y a pas de temps pour ce type de manoeuvre dans un combat de survie qui ne dure que quelques<br /> instants...<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
C
Coucou Léo, Tu peux aller plus loin dans ta réflxion. Au delà de la démarche, on peut parler d'attitude, ou pour parler plus martialement, de posture. Il est très amusant, en effet, d'observer (dans le métro par exemple) comment les gens se comportent, se tiennent ou s'assient. Cela trahit-il quelque chose ? L'état d'esprit, ou peut-être une certaine fatigue après une dure journée de labeur ?Chez certains, on peut voir une certaine forme de contrôle, dans une posture rigide et volontaire, chez d'autres, un certain laisser aller.Cependant, il est encore plus amusant d'essayer de percevoir sa propre posture ou démarche à un moment T. Difficile à faire car, à partir du moment où on commence à y réfléchir, son attitude change. Mais au cours d'une réunion, par exemple, changer son assise entraîne forcement une réaction de la part des ses interlocuteurs. Pire encore, changer de place remet forcement en doute le rapport de force implicitement  mis en place. Tu parlais de démarche, dans certaines préparations à des concours où une épreuve orale est déterminante, il est conseillé d'adopter une posture sûre, sans être hautaine. Oh la belle affaire ! comme si la posture idéale existait et était gage de réussite à elle seule. Bien sûr, cette "bonne "attitude ne remplacera pas un bon argumentaire (quoique), mais beaucoup de jurys admettrons que la première impression (celle que l'on donne en entrant) est déterminante et qu'ils, même inconsciemment, auront déjà attribué un jugement sur le candidat.   La démarche est elle un jeu d'acteur ? Je dirais plus sans doute qu'une trahison de personnalité. On joue tous un rôle, même les plus honnêtes d'entre nous. Quand on cherche a séduire une fille par exemple, on a tendance à gonfler le poitrail, à redresser la tête, en gros, à adopter une démarche de winner. Même chose pour les jeunes de quartiers défavorisés, qui se la jouent "Cool attitude". De plus, nul ne peut prétendre avoir une attitude toujours égale.Maintenant, à la question, la réflexion sur la démarche est-elle anachronique ? Dans les arts martiaux,  l'étiquette sur un tatami est fortement correlée à une certaine "étude" de notre attitude et comportement, et que celle-ce, paraît-il, révèle notre niveau. Alors la réponse est non, la réflexion sur notre démarche est toujours un sujet d'étude. Certes, peut-être pas au niveau de Kuroda Senseï. Mais après tout, qui peut-le dire ?J'espère que tu vas bien Amicalement Christophe
Répondre
L
<br /> <br /> Salut Christophe,<br /> <br /> Effectivement la posture est aussi très révélatrice. Mais on y est souvent plus sensible car plus conscient. Lorsqu'on se rend d'un endroit à un autre l'esprit s'absente souvent... et nous<br /> trahit. D'ailleurs la majorité des gens ne marche pas de la même façon selon qu'ils se savent ou pas observés...<br /> <br /> Une chose est certaine, le travail sur la marche tant que la posture permet de changer subtilement notre état d'esprit grâce au dialogue incessant qu'ils entretiennent à notre insu. Et cela<br /> permet aussi comme tu le mentionnes de changer l'effet et donc les réponses que l'on a sur les autres.<br /> <br /> Quand au fait de parler d'anachronisme en fait je n'évoquais que la question "paranoïaque" du niveau révélé ;-)<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
F
Bonne nouvelle année chinoise 2009, l'année du Boeuf (mon signe^^) tous mes voeux de bonheur à mon petit Tigre.Kisu kisu, Fu
Répondre
L
<br /> <br /> Bonne année Fu!<br /> <br /> Bises ;-)<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
S
Bonjour Léo,Un post vraiment intéressant, je corrigerai donc ma marche lors de notre prohaine rencontre...histoire de ne pas trop me faire analyser ...
Répondre
L
<br /> <br /> Trop tard :D<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />