Applaudissements et pratique martiale
Suite au post sur le stage qui eut lieu à l'occasion des 30 ans de la FFAAA, j'ai reçu plusieurs commentaires, notamment au sujet des applaudissements. J'écrivais:
"Comme souvent aujourd'hui, il y a eu des applaudissements à la fin du cours du Doshu. C'est quelque chose que je n'apprécie pas beaucoup, et qui me semble assez déplacé au regard de l'étiquette d'une pratique martiale."
Malgré le fait que dans ce cadre ce soit une chose que je n'apprécie pas beaucoup, je n'ai évidemment aucun doute sur le fait que l'intention était de marquer sa gratitude.
Ueshiba Moriteru
(photo Horst Schwickerath, Aikido Journal)
Un pratiquant inconnu de Kendo et Iaïdo semble-t-il, a souhaité partager son expérience. Voici son commentaire et mes réponses.
"C'est assez fréquent à la fin d'un cours de kendo lorsque la pratique a été intense par exemple, c'est même quasi systématique à la fin d'un stage lorsqu'une délégation japonaise vient prodiguer son enseignement."
Intéressant. Je connais très mal le monde du Kendo, je l'avoue. Je me demande toutefois s'il est fréquent d'applaudir à la fin d'entraînements ou de stages dans l'archipel. C'est en tout cas quelque chose que je n'ai JAMAIS vu au Japon, même lors de cours de Kendo. Pas assez intenses sans doute. Simple hasard probablement.
"Je comprends le sentiment ("déplacé") dans le contexte de l'aikido où l'étiquette n'est pas vécue de la même manière (aurais-je dis "de façon moins rigoureuse" ?)."
Il me semble déplacé de faire des généralités sur la façon dont l'étiquette est vécue dans une discipline, à moins d'en avoir une expérience extensive. Est-ce votre cas?
"Dans les pratiques d'armes, on parle généralement moins, l'opposition est plus directe et l'on se cale souvent dans le rythme d'un groupe qui pratique le même exercice, le même kata, etc. Y déroger en commençant à discuter plus que nécessaire, c'est perturber le bon déroulement du cours et la pédagogie du professeur."
La façon d'enseigner que vous décrivez est très militaire, et est la marque des gendaïs budos. La pratique que j'ai pu observer dans les koryus n'a en aucun cas ce parfum, sans que cela n'enlève rien, bien au contraire, à leur nature guerrière. Pour revenir à l'étiquette, elle y est vécue de façon subtile, non pas comme un règlement destiné à dresser des soldats. En ce sens, celle que vous évoquez est à mes yeux, comme la façon d'enseigner, très proche entre le Karaté, le Kendo, le Judo ou l'Aïkido. Nous sommes bien entendu dans la généralité, mais j'ai observé très peu d'exceptions à ce sujet au Japon. En France, il est clair qu'il y a souvent un décalage, particulièrement avec le Judo où l'étiquette se réduits souvent à moins qu'un minimum.
"Dans le cadre de l'aikido, parce que l'étiquette est moins perceptible à chaque instant, il peut certes paraitre malvenu d'applaudir à la fin comme dans une banale pratique sportive."
Encore une fois, il s'agit d'une généralité abusive. Il y a très peu de dojos que j'ai visités au Japon où l'étiquette était moins perceptible qu'ailleurs. Excepté lors de stages je n'ai visté quasiment aucun dojo en France, aussi je ne connais pas la situation globale. Dans ceux que j'ai visités, l'étiquette était toutefois respectée et perceptible.
"Pour autant je ne pense pas qu'il faille être trop rigoureux sur l'étiquette, je crois que les japonais sont plus souples que ne le croient certains occidentaux (Plus royalistes que le roi? Soumis à des clichés culturels ?)."
Ce qui se passe au Japon est en effet très souvent loin de ce qu'imaginent les étrangers. On y trouve des comportements plus ou moins stricts. Il reste toutefois que c'est dans les gendaïs budos, disciplines modernes qui sont nées pendant ou à une époque très proche de la militarisation du Japon, que l'on trouve les exigences les plus rigides et théâtrales. Exigences dont l'origine est donc souvent militaire, et qui obéissent à une tradition venue… d'Occident.
"En regardant les photos des pratiquants, on voit qu'aucun ne se tient en seiza "correctement", c'est-à-dire selon les critères que l'on apprend à tout débutant de iaïdo (dos droit, le cou repoussant légèrement le col, un ou deux poings maximum pour l'écartement entre les genoux, les mains posées sur l'intérieur des cuisses, etc.)"
Je ne suis absolument pas d'accord avec l'affirmation qu'il y aurait une façon correcte de se tenir en seïza. J'ai rencontré des enseignants ayant des opinions totalement différentes sur la question, comme sur celle de la marche, la façon de se relever, etc… Chacun avait pourtant atteint un niveau exceptionnel. Pour n'en citer qu'un, aux yeux de Kuroda senseï ce que vous décrivez correspond à ce qu'il estime faux.
Un jour un hanshi de Iaïdo, 8ème dan me semble-t-il, est venu rendre une visite de "courtoisie" à maître Kuroda. Il est arrivé en grande tenue, kimono avec blasons, et accompagné de ses élèves. Maître Kuroda l'a salué et lui a demandé s'il accepterait de faire une démonstration. Le maître s'est installé. Il a pris une superbe position, très imposante. Lorsqu'il a tenté de faire son premier mouvement Kuroda senseï lui a posé l'index sur le front. Le maître ne pouvait plus bouger. Kuroda senseï lui a alors expliqué que sa façon de bouger ne permettait pas de se relever, était ouverte, etc… Il lui a ensuite montré le suburi de base de l'école et l'a invité à travailler dans un coin de la salle. Ce qu'il a fait pendant les trois heures restantes. Je ne l'ai jamais revu.
Une des tendances des gendaïs budos est l'uniformisation. C'est désolant et dommageable. Les traditions martiales sont riches de nombreuses façons différentes, voire opposées, de faire les choses. Considérer que celle qu'on connaît est la seule correcte est une preuve d'ignorance.
"est-ce que pour autant celui nuit à leur pratique ?"
Il est évident que si la posture que l'on a assis ne préserve pas les principes de l'école, cela nuit à sa pratique.
"N'est-ce pas même contraire à une discipline qui veut dépasser la logique martiale (non pas l'annuler, mais la surmonter) ?"
L'Aïkido est avec le Karaté, le gendaï budo comportant le plus de variété. Tant au niveau des formes, que des objectifs et des moyens. La cohérence martiale peut ainsi être au cœur de la pratique, n'avoir aucune importance, ou être une étape à dépasser mais qu'on ne peut éviter.
Il n'en reste pas mois que même si l'applicabilité martiale est mise de côté, un enseignant a normalement un avis sur la façon de faire les choses qui ont trait à la pratique, comme s'asseoir.
"Il est vrai qu'on peut regretter souvent que les aikidokas manquent de seme (je ne parle même pas de tame) lorsqu'ils attaquent, de zanshin lorsqu'ils font le mouvement ou entre chaque technique"
Je trouve vos paroles aussi dénuées de fondement qu'insultantes. Je ne peux qu'en déduire que vous êtes aveugle ou parlez sans avoir fait face à des maîtres d'Aïkido. A moins que vous ne parliez de pratiquants de loisir? En ce cas permettez-moi de vous dire que j'ai évidemment croisé beaucoup de kendokas qui étaient loin de m'impressionner un sabre en main. Il ne me viendrait pourtant pas à l'idée d'avoir un jugement sur la discipline sur la base de ces expériences.
"mais j'ai le sentiment que pratiquer cette discipline en insistant trop sur la logique martiale ne mène peut être pas à une impasse, mais atteint rapidement ses limites et se voit concurrencer, et même devancer, par d'autres arts martiaux bien plus efficaces dans ce registre."
J'ose espérer que vous ne pensez pas au Kendo ou au Iaïdo en parlant d' "arts martiaux bien plus efficaces" dans le registre de la logique martiale?
Je n'ai apprécié ni le ton, ni le contenu de votre commentaire. Lorsque l'on veut aborder un sujet de façon critique, il convient d'en avoir une connaissance extensive. En outre, particulièrement lorsqu'il s'agit d'étiquette, on évite de signer "—" et de mettre une fausse adresse mail. Vous pratiquez apparemment un ou plusieurs Budos. Si vous désirez partager une opinion à leur sujet sur une page public, le minimum est de les assumer en se présentant.
Puisque vous semblez être un lecteur de blog, permettez-moi de vous conseiller Kenshi247 pour le Kendo, que vous connaissez sans doute déjà. J'apprécie particulièrement le passage suivant qui relate son arrivée au Japon:
"I arrived in Japan about 2 weeks after taking part in the 12th World Kendo Championships, held in my home country of Scotland. I was sandan at the time and I knew what I was talking about (actually, I was clueless). One of the first keiko’s I was invited to was a combined primary and junior high school one. With my faltering Japanese I explained my background. I still remember the sensei looking at me and saying “World Kendo Championships? Where was that held? Last year wasn’t it? Who won?” Yeah, the most prestigious competition of the international kendo community meant nothing to your *average Japanese 7dan. Suddenly I was disarmed. The sensei then asked did I want to join the junior high schools kihon routine. Yes, I said, and joined in only to be removed after about 15 minutes into the practise – I couldn’t keep up with the kids pace, I couldn’t understand the Japanese instructions been given, and – frankly – I was so unskilled compared to the students that joining in ruined it for my partners. I’d just been force fed a dose of reality."
Traduction approximative pour les non-anglophones:
"Je suis arrivé au Japon deux semaines après avoir pris part aux 12ème Championnats du monde de Kendo qui se tenait dans mon pays, l'Ecosse. J'étais 3ème dan et je savais de quoi je parlais (en réalité, je ne savais rien). Un des premiers entraînements auquel j'ai été invité rassemblait des élèves d'école primaire et de collège. J'ai expliqué mon parcours avec mon japonais balbutiant. Je me souviens encore du senseï me regardant et me disant "Championnat du monde de Kendo? Où est-ce que cela avait lieu? C'était l'an dernier non?" Ouais, la plus prestigieuse compétition de la communauté internationale de Kendo ne signifiait rien au 7ème dan japonais moyen. Soudain j'étais désarmé. Le professeur m'a ensuite demandé si je souhaitais me joindre au travail des kihons des collégiens. Oui ai-je répondu, et je me suis joint à eux avant de devoir m'arrêter après moins de 15 minutes. Je ne pouvais pas suivre le rythme, je ne comprenais pas les instructions, et franchement, mes capacités étaient si faibles comparé aux élèves que je ne faisais que gâcher l'entraînement de mes partenaires. Je venais juste d'avaler de force une dose de réalité."
Je vous invite à aller vous mettre à table.