Donn Draeger, le Musashi aux yeux bleus
Dans le milieu martial où les superlatifs sont monnaie courante, il est un homme qui mérite plus que tout autre le titre de légende, Donn Draeger. Auteur de dizaines d'ouvrages sur les arts martiaux, détenteurs de dizaines de "dans" et menkyos dans de multiples disciplines et écoles, il a profondément marqué l'histoire des arts martiaux.
Voici un documentaire japonais d'une vingtaine de minutes en deux parties. Le film n'est malheureusement pas sous-titré et je n'ai pas le temps d'en faire une traduction, mais els images parlent d'elles-mêmes. Les nombreuses séquences de pratique avec Donn Draeger et Otake Risuke, le maître du Katori Shinto ryu, sont magnifiques.
La douceur du Bushi
J'ai lu de nombreux ouvrages de Donn Draeger et recueilli de nombreux récits de ses proches, mais je n'avais jamais eu l'occasion de l'entendre parler. J'ai beaucoup apprécié la douceur de sa voix. Alors que les fiers à bras la force souvent, les plus grands adeptes que j'ai rencontrés ont tous une voix normale, souvent douce. C'est aussi le cas d'Otake Risuke que l'on entend à plusieurs reprises dans le documentaire.
Un faible niveau en japonais
S'exprimant en japonais, j'ai été étonné du niveau relativement bas de Draeger dans cette langue. Cela ne fait toutefois que confirmer mon opinion, il n'est pas nécessaire de parler japonais pour approfondir le Budo. Ce n'est évidemment pas inutile, et c'est indéniablement plus pratique pour voyager ou vivre au quotidien dans l'archipel. Mais l'essentiel passe de corps à corps et d'âme à âme.
Je conseille toujours aux pratiquants qui envisagent d'étudier le japonais de ne le faire que si cela dépasse le cadre de leur intérêt pour les arts martiaux. Dans le cas contraire, il est bien plus productif d'investir le temps qui aurait dû être consacré à l'étude de la langue dans la pratique martiale.
A titre personnel j'ai constaté que ma connaissance du japonais ne m'a malheureusement jamais donné le moindre avantage. Et j'ai constaté la même chose autour de moi. Ceux qui exposent leur connaissance de la langue comme un avantage ou pire, un argument d'autorité, sont du même acabit que ceux qui érigent leurs grades et titres en bannière.
Gendaï Budo et Kobujutsu
Draeger fut le premier occidental à enseigner au Kodokan et avait notamment étudié Karaté, Judo et Aïkido en parallèle du Shindo Muso ryu et du Katori Shinto ryu. S'il partagea donc sa vie entre les gendaïs Budos et les Kobujutsus, il fit toujours une différence très claire entre ces pratiques. Allant même jusqu'à indiquer dans le reportage qu'elles n'ont rien à voir. Parlant des Kobujutsus il dira "Vivre ou mourir, il n'y a rien d'autre.". Et il est vrai que si ces notions peuvent être incluses dans la pratique du Budo, elles en sont généralement absentes. Et ce n'est que lorsque je suis rentré dans le monde des Koryus que je l'ai vraiment compris moi-même. Ce n'est pas un sujet que j'aborde souvent car mon expérience de la mort est finalement insignifiante. Lorsqu'un homme comme Draeger qui participa à la bataille d'Iwo Jima l'exprime, les mots prennent alors un tout autre poids…
Draeger prouva aussi qu'il était possible de poursuivre l'étude parallèle de plusieurs disciplines avec sérieux, et d'en atteindre le plus haut niveau.
Le mépris des grades
La voix-off indique que Draeger possédait 18 dans. Et il en accumulera bien plus au long de sa carrière. Il exprime toutefois son mépris pour ce système hérité des chonins (marchands et artisans), et qui n'avait rien à voir avec les Bushis.
Si je ne partage pas son dédain pour le système des grades, et il s'y plia d'ailleurs tout au long de sa vie, je crois qu'il est en tout cas essentiel de relativiser ces choses. De ne pas en faire plus ou moins qu'elles devraient être, la reconnaissance d'un chemin parcouru.
Pionnier légendaire
Donn Draeger est le pionnier occidental le plus important dans le domaine des arts martiaux japonais. Ayant atteint le plus haut niveau dans de nombreuses écoles, doté d'un savoir encyclopédique, il prouvera par son exemple que les étrangers avaient la capacité de comprendre la nature des Budos et Bujutsus. Une conception pour le moins iconoclaste à son époque…
Je vous invite à vous plonger dans ses ouvrages, en particulier :
Comprehensive asian fighting arts