Souplesse des chevilles en Aïkido
Amine, un lecteur m'a récemment posé deux questions. Voici la première :
"La première question : j’ai lu un article, je ne sais plus de quelle personne, qui disait que pour gagner en souplesse dans les chutes il faut avoir des chevilles souples."
Toshiro Suga et Isseï Tamaki
(photo Frédérick Carnet)
L'exemple des Anciens
La seule personne que j'ai entendu parler de l'importance de la souplesse des chevilles en Aïkido est Suga senseï. Il l'évoque par exemple dans cette interview :
"L'Aïkido de Tamura senseï était exceptionnel. Mais c'était le résultat d'un concours de circonstances unique, de ses années d'études auprès du fondateur et de ses capacités physiques et mentales. J'ai souvent dit par exemple que j'admirais la souplesse de ses chevilles. C'est quelque chose que je ne retrouve que sur les films 8mm d'Osenseï. Cela peut sembler anecdotique mais c'est pour moi un élément essentiel qui leur permettait de réaliser leurs techniques. Sans cette souplesse une stricte imitation restera imparfaite car la technique est liée au corps de celui qui l'exécute. Sans la compréhension intuitive exceptionnelle de maître Tamura on risque aussi de rester dans la gesticulation."
Cela dit, malgré l'exemple des Anciens tels que Tamura senseï, peu d'enseignants d'Aïkido travaillent sérieusement leur souplesse. J'avoue ne pas le faire particulièrement moi-même, même si je fais en sorte de conserver une mobilité articulaire minimum. Par ailleurs, s'il ne faut pas confondre souplesse articulaire et relâchement, j'ai toujours été très étonné de voir de hauts gradés raides comme des bouts de bois, alors que leur maître continuait à leur donner l'exemple à soixante-dix ans passés.
Note donc bien que si souplesse et relâchement sont des choses distinctes, elles ne prennent leur réelle ampleur que lorsqu'elles fonctionnent de concert.
Toshiro Suga, un uke d'une disponibilité et d'une générosité rares
Développer un corps harmonieux
En ce qui me concerne, je ne vois pas un intérêt particulier dans la souplesse des chevilles, dans le sens où ce n'est pas une charnière qui me semble plus importante que les autres dans le corps. En revanche, elle n'est en aucun cas moins importante. Et il est possible que la personne qui évoquait les chevilles ait voulu parler de cela.
En effet, si beaucoup travaillent le grand écart et autres exercices spectaculaires, bien peu se préoccupent de l'ensemble de leurs chaînes articulaires. Et comme chez les bodybuilders du dimanche qui ne développent que les muscles de plage (pectoraux, biceps, abdominaux…), ce développement déséquilibré augmente significativement le risque de blessures.
Toshiro Suga avec Julien Coup
Le maillon faible
Lorsqu'ils subissent un mouvement en contrainte articulaire, comme la plupart des nikyos ura, la majorité des débutants en Aïkido a mal au poignet. Et de nombreux exercices ont été développés pour assouplir et renforcer cette articulation. A mesure qu'ils utilisent ces outils, les élèves cessent généralement de souffrir des poignets. Mais ils ont souvent des tendinites aux coudes, des douleurs aux épaules, etc…
Dans sa réalisation la plus classique (qui soit dit en passant ne m'intéresse guère), une force passe donc dans le corps du uke. Et la première articulation raide la subit de plein fouet. Travailler sur celle-ci pour en faire un maillon fort ne fait que décaler le problème. C'est donc l'ensemble du corps qui doit être assoupli et/ou renforcé afin qu'il n'y ait pas de maillon faible. Ce n'est qu'ainsi qu'il deviendra capable de renvoyer ou laisser s'écouler la force.
Et les chevilles alors ?
Un des problèmes des chevilles raides, est que leurs conséquences sont souvent anodines au quotidien. Elles ne se traduisent pas par une douleur localisée, et occasionnent rarement de blessures spectaculaires, mis à part la rupture du tendon d'Achille. Elles ne doivent pas pour autant être négligées, et il est important qu'elles aient un degré de mobilité en harmonie avec le reste du corps. Vous trouverez ci-dessous deux exercices les ciblant:
Une limitation dans la mobilité de la cheville se traduira naturellement par une limitation dans le choix et l'amplitude des mouvements possibles. Les ukémis en Aïkido nécessitent un corps souple (et relâché) dans sa globalité. C'est à cette seule condition qu'il sera capable de ne pas subir, mais de s'harmoniser au mouvement. Capacité qui lui permettra ensuite de le retourner grâce à des kaeshi wazas.
Toshiro Suga avec Isseï Tamaki