Le kata, réflexions d'un chercheur et opinions de maîtres
Une portion de l'itinéraire que j'emprunte plusieurs fois par semaine pour aller au dojo, à Valence, est très escarpé.
Il m'a fallu quelques mois pour passer du rythme de l'escargot à celui du lièvre. J'ai d'abord songé que cette amélioration était due à ma connaissance du chemin. Jusqu'à ce que je découvre que ma conduite s'était aussi améliorée sur d'autre tronçons...
Alors que je pensais apprendre un enchaînement de virage (une forme), je travaillais sur des principes de conduites (le fond)…
Le but n'est pas de connaître parfaitement le kata, de savoir où placer son pied et son petit doigt, mais de le vivre.
… un katageiko mal effectué nous rend plus mauvais combattant que si nous n'avions rien pratiqué.
Ces courts extraits sont issus d'un texte écrit par Germain Chamot, que vous pouvez retrouver sur son blog que je vous conseille vivement.
Un esprit curieux
Il y a deux ans lorsque je présentais Germain sur mon blog, je l'ai décrit comme un esprit curieux. Les années passant n'ont fait que confirmer que c'était un de ses traits de caractère essentiels.
"Si comme beaucoup Germain est curieux, au contraire de la majorité il a le courage d'aller expérimenter. C'est ainsi que je l'ai rencontré. C'est ainsi qu'il a développé une vaste connaissance des traditions corporelles, que ce soit dans le domaine martial mais aussi celui des thérapies manuelles, et des voies du corps tout simplement, comme le Yoga. En Aïkido il a été pratiquer les courants les plus divers, mais s'est aussi essayé à d'autres disciplines, et est enfin venu découvrir le travail des maîtres Hino et Kuroda dont il suit maintenant l'enseignement.
L'ouverture de Germain et la richesse de ses expériences font la richesse de son parcours et de ses pratiques, tant en Aïkido qu'en Shiatsu. Parce que loin de se satisfaire d'étudier ces disciplines, il a à cœur d'en explorer les moindres recoins, et sait faire en sorte que les nombreuses sources qu'il a rencontrées nourrissent les voies qu'il suit au lieu de les diluer."
Elève de Kuroda Tetsuzan, il a ainsi une expérience directe de l'étude des katas avec l'un de ses plus fervents défenseurs. Mais sans surprise, s'intégrer à la masse des idolâtres béats ou pouvoir plastronner avant de murmurer avec un air mystérieux qu'il fait partie du Shinbukan ne l'intéresse pas. Puisant dans cette nouvelle expérience, il en a développé une meilleure compréhension du katageiko qu'il a entre autres partagée dans l'article que j'ai évoqué plus haut.
Qu'en pensent les maîtres ?
Sans surprise, les katas comme tout autre sujet, sont abordés, compris et utilisés de façon différente selon les experts. Toutefois si Henry Plée fut le pourfendeur le plus célèbre de ce type de travail, et en expliqua régulièrement ses limites, la majorité trouve toutefois dans cet outil un véhicule de transmission précieux. Je leur laisse le dernier mot :-)
Kono Yoshinori et le kata
L'entraînement aux kata est-il important ?
Bien sûr. Malheureusement aujourd'hui cela ne consiste généralement qu'à imiter une forme. Les gens qui peuvent transmettre l'essence d'un kata comme Kuroda senseï sont très rares. C'est parce qu'un travail des kata vide de sens s'était déjà développé inutilement à l'époque Edo que Chiba Shusaku a développé l'entraînement en armures. Le sens des katas est très difficile à comprendre et dans le passé aussi les gens capables de les faire vivre étaient rares.
Royama Hatsuo et le kata
Que représentent les katas pour vous ?
Beaucoup de personnes considèrent que les katas ne sont que des formes. Mais ce sont ces formes qui renferment l'essence du Karaté. Les katas sont le support de la transmission. Non seulement de la transmission technique mais aussi de la transmission de l'esprit de la discipline.
On retrouve souvent le cœur du Karaté dans des maximes célèbres :
"La pratique commence et se termine par le salut (l'étiquette)."
"Karaté ni sente nashi. (Il n'y a pas d'attaque en Karaté)"
Et ces maximes vivent dans les katas ! Les katas commencent et se terminent par le salut. Les katas ne débutent jamais par une attaque. Les katas sont l'âme du Karaté.
Hino Akira et le kata
Dans les Budo/Bujutsu certaines écoles attachent énormément d'importance aux katas tandis que d'autres les considèrent presque comme secondaires. Quelle est votre opinion ?
Les katas sont extrêmement importants. On ne peut pas pratiquer un kata ou une technique de la manière qui nous plaît. Le kata impose un mouvement précis pour une raison précise. Et on doit chercher le sens de ce travail avec son propre corps.
Dans tel kata on va bouger comme cela, en Yagyu on va bouger ainsi… et il faut chercher, avec le corps et non pas la tête, les raisons de tel ou tel mouvement, le sens de ce travail. Ce sont des éléments pédagogiques indispensables. Pratiquer sans ces fondements revient à vouloir écrire sans connaître l'alphabet.
Mais vous n'enseignez pas de katas ?
(Rires) Oui.
C'est assez paradoxal…
La difficulté est que parmi les gens qui viennent étudier avec moi il y en a beaucoup qui arrivent avec des objectifs très divers. Ils cherchent à étudier des principes qu'ils pourront utiliser dans la danse, le Kick-boxing, le combat libre ou d'autres arts martiaux.
Si on pratique les katas il faut le faire scrupuleusement pour que cela ait un sens. Il est plus simple pour moi de leur enseigner le mécanisme d'utilisation du corps avant d'enseigner le kata à ceux qui approfondiront leur pratique. Au départ j'enseigne donc surtout les principes qui sont ensuite pratiqués sous forme de katas par les anciens.