Budo no Nayami

Se relâcher ou disparaître

30 Avril 2008 , Rédigé par Léo Tamaki Publié dans #Avril 2008

Morishita-san m'a dit il y a quelques mois que j'avais réellement progressé. Il y a des moments où l'on sent que l'on progresse, que l'on comprend ou arrive mieux à faire quelque chose. Mais je n'avais pas particulièrement cette impression. Pourtant il m'a dit une chose qui m'a fait réfléchir.
"Il y a deux ans à Paris tu avais déjà progressé mais cela restait du domaine du relâchement. Tu devenais simplement de plus en plus souple. Mais aujourd'hui tu commences à disparaître. C'est normal que tu ne t'en rendes pas compte toi-même pour le moment."

Disparaître?
Bien sûr il ne s'agit pas de disparaître au sens où l'on est téléporté ou que l'on devient invisible. Comme souvent en japonais les mots sont utilisés pour transmettre un sentiment, une sensation. Comme lorsque
Kuroda senseï explique qu'un maître de Shodo n'arrivait pas à le voir derrière son jo:

" Quelle que soit le domaine un oeil exercé voit des choses que la plupart des gens ne voient pas. Il ne s'agit pas de choses mesurables qui sont faciles à voir et qui peuvent être contrefaites, mais de l'essence des choses. Du regard qui permet de voir au-delà des apparences souvent trompeuses et de voir même recouvert de boue le véritable trésor.
Dans le domaine des arts martiaux il n'est pas nécessaire par exemple d'être un pratiquant pour reconnaître de telles choses et Nishioka senseï, le maître de Shodo, voit parfaitement le seichusen alors qu'il reste invisible au commun des gens, même pratiquants.
Après avoir vu la vidéo où je pratique le bo il m'a dit: "Je voyais quelque chose de bizarre en la regardant mais je n'arrivait pas à savoir quoi jusqu'à ce que je vois que tout votre corps était en permanence caché par le bo."
La technique consiste effectivement à être en permanence protégé mais il ne s'agit pas d'être réellement derrière le bo dont le diamètre ne peut absolument pas cacher la largeur du corps même de profil. Mais il voyait et comprenait la technique. Si on parle de ça avec une personne qui ne possède pas cette vision elle répondra juste: "Evidemment on vous voit!"."

Lâcher prise

Les cours suivants j'ai alors cherché ce qui avait changé et effectivement ce que j'essayais de faire depuis un certain temps était différent et cela s'était fait inconsciemment.
Lorsqu'on se relâche on change la sensation de son corps mais on la conserve. Lorsqu'on essaye réellement de bouger sans à coups, sans que cela soit perceptible on ne doit plus "sentir" son corps. C'est quelque chose de très difficile car nous aimons naturellement nous sentir faire. Je me souviens du plaisir que j'avais à frapper au makiwara ou aux paos. L'impression de puissance est grisante. Mais je suis aujourd'hui certain qu'à terme cela ne peut mener qu'à une impasse.
Accepter de ne pas sentir sa puissance, sa force, laisser les choses se faire est une étape majeure dans laquelle j'ai le sentiment d'avoir mis un pied. C'est là aussi que la pratique physique rejoint le développement spirituel. On rentre alors dans le domaine de l'union et du lâcher-prise. C'est une sensation trouble et perturbante au départ mais qui me semble fondamentale.


Lâcher prise...
(photo Sébastien Chaventon)


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T
Salut tout le monde,ca décoiffe ici ! "Le fond du fond qui est vide mais plein de potentialités"...Je pense que meme si nous nuancons chacun notre temps,  le vide,  la conscience, nous tournerons tjs autour du pot ! Sautons a pieds joints dedans sans le casser et l'on s'apercevra que le vide de l'interieur est le meme que celui qui est a l'exterieur ! Après il est clair que les mots ne peuvent rendre complètement compte du vécu/ressenti, un fameux précepte dans les Arts Martiaux n'est -il pas  I shin den Shin ? De mon Ame a ton Ame ?Un Maitre du Kriya Yoga (Lahiri Mahasaya) disait " faites, faites, et un jour le travail sera fait"I Shin den Shinement votreTangi
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L
<br /> <br /> L'essentiel ne peut en effet qu'être vécu. En parler est vain, surtout si nous ne l'avons pas expérimenté. (ce qui est mon cas :D)<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
S
Bonjour Isa.Oui je l'ai déjà lu et je suis d'ailleurs en train de le relire :-)ce genre de livre est comme le livres Budo d'Osensei, on a besoin de les relire à plusieurs moments de sa vie pour y trouver à chaque fois qqch de plus pour étayer sa pratique et qu'au fur et à mesure nous en découvrons d'autres.Mon esprit n'est pas encore assez entrainé mais je pense que je mettrais à jour à la lecture de Koan. Ca doit être très interessant.Bien amicalement 
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L
<br /> <br /> Effectivement les livres essentiels recèlent plusieurs niveaux de lecture et il est important de les relire à intervalles réguliers pour y découvrir ce que l'on n'avait pas su voir...<br /> <br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
I
http://www.masamune-store.com/boutique/liste_produits.cfm?code_lg=lg_fr&type=49&num=111"L'essence du zen" est très bien aussi ;-)Amicalement Isa (usagi chan)
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L
<br /> Et aussi "Esprit zen, esprit neuf" de Suzuki...<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br />
S
Bonjour Leo,Ce qu'il ya de formidable dans les arts martiaux c'est cette ambiguité entre spiritualité et technique. Chacun y prend ce qui lui plait mais nul ne doit ignorer les deux aspects pour sa progression.Pour ma part je cherche toujours dans ma pratique l'essentiel de la technique, le fondamental. J'essaye de m'appliquer rigoureusement et consciencieusement à reproduire la technique la plus juste mais il y a un aspect spirituel que l'on ne peut dénigrer.Je m'interesse beaucoup aux principes du Bouddhisme Zen et à ses applications dans le Budo. D'ailleurs il y a des livres incontournables pour ceux interessés tel que le "Heiho Kadensho" de Yagiu Munenori et biensur le fameux "Esprit Indomptable" du célèbre moine Takuan Soho.Les notions de "vide", "lacher prise" ou "vacuité" sont des principes qui pour aller plus loin dans sa recherche doivent être incluses. Je suis très loin de maitriser encore tous ses principes mais je m'efforce de les rechercher car je pense qu'ils peuvent apporter une compréhension supplémentaire là où la technique pure a atteint sa limite. De plus cet esprit permet un relachement qui apporte équilibre et bien-être. Il ouvre l'Esprit, développe les sens et  permet de se mettre d'avantage à l'écoute de son partenaire.Bien Amicalement
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L
<br /> <br /> Bonjour Shotokan,<br /> <br /> Effectivement développement physique et spirituel doivent aller de pair dans la pratique des Budo. C'est un de leurs plus grands bienfaits.<br /> <br /> Les fondamentaux de la pratique sont évidemment les choses qui doivent être le plus travaillé, je suis d'accord avec toi.<br /> <br /> <br /> Et effectivement un esprit calme est indispensable si l'on veut pénétrer les plus hauts niveaux de pratique. C'est malheureusement plus que rare de nos jours...<br /> Amicalement,<br /> <br /> Léo<br /> <br /> <br /> <br />
E
Bonsoir Léo,ah nooooooooooooooooonnnnnnnnnnnnnnn, me demander de ne pas répondre sur un sujet sur lequel je suis lancée, c'est d'une cruautééééééééééééééé!!!! de surcroit, je ne pense pas que tu sois nul en philo...Ne pirouette pas, s'il te plait, même si c'est de la Haute Voltige:-DBon, enfin brièvement: Le temps existe sur l'Homme, sur tout ce qui existe d'ailleurs...Nous sommes sur une planète "qui bouge" comme  le cosmos, comme TOUT. c'est le Mouvement qui nous détermine, et le mouvement, c'est du Temps. en revanche, la manière dont nous abordons le Temps, l'interprétation que nous en faisons, oui, cela est souvent une illusion. Car dans le fond du fond, nous ne savons RIEN de tout cela, rien de rien. :-DOk, je me tais maintenant:-DDDAmicalementEmmanuelle
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L
<br /> ;-)<br /> <br /> Léo <br />  <br /> <br /> <br />
E
Rebonsoir,petite précision pour Sylvain...Quand je disais "merci de me répondre" à la fin de mon post, je voulais dire "merci de m'avoir répondu":-D Je ne sous entendais nullement une sorte d'obligation à le faire....Oups, suis fatiguée je crois...:-DBonne nuit donc :-DCordialementEmmanuelle
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E
Bonsoir Léo,Je pense que le Présent est vrai dans la mesure où il est vérifiable par l'action. Quelle que soit l'interprétation ou l'expression divergente, quand je mets un pied devant l'autre, c'est vrai, puisque je suis en trains de le faire, au moment où je le fais. Après, je suis bien d'accord...tout est envisageable:-DPour le degré...Oui, je suis d'accord, nous ne sommes pas au même degré:-DDDD Mais ce que je voulais dire est que MOI, à mon petit niveau, ce sentiment d'être dans une perception de mes sensations au minimum vital et syndical:-D s'est déclenché de la manière dont je l'ai exprimé. Par la suite, oui, cela en effet s'est produit sans ce déclencheur "intentionnel", et réducteur, mais je parlais de mes premières fois et de comment cela s'est déclenché.AmicalementEmmanuelle
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L
<br /> Hmm sur le présent et les illusions...<br /> Si nos perceptions ne sont que des illusions? Qu'est-ce que le temps? :D<br /> Non ne réponds pas je suis nul en philo de toute façon. ;-)<br /> <br /> Pour le degré je ne voulais surtout pas parler de différences entre nous. En tout cas je comprends mieux ce dont tu parlais en sachant qu'il s'agissait de tes "premières fois".<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Léo<br /> <br />  <br /> <br /> <br />
E
Bonsoir Sylvain,Oui, en quleque sorte. Mais je crois que je ressens plus les choses en terme d'éveil, de réceptivité presque "surnaturelle":-D au final. Une sorte d'acuité à ce qui nous entoure comlètement "exacerbée" par un vécu, une presque "visualisation" de ce qui se passe en nous, c'est difficile à exprimer, même si je pense que "décrire" un vécu est important aussi, parce que c'est aussi cela qui permet de transmettre et aussi d'avancer, à notre petit niveau , certes, mais aussi et surtout au niveau de l'Humanité, plus généralement.Je n'ai pas lu les ouvrages dont tu parles, mais j'aime beaucoup cette notion d'être-Temps. En fait, c'est le Temps qui détermine notre appartenance au Monde, au cosmos...Et à l'Humanité aussi. Nous sommes humains, parce que nous sommes simultanément dans le mouvement du temps, et que nous en avons conscience, et que pour certains, nous ressentons le désir d'en témoigner.Bonne soirée Sylvain et merci de me répondre Emmanuelle
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S
Bonsoir Léo,effectivement, j'ai déjà eu l'occasion de lire ces ouvrages mais je préfère aller à la source, c'est-à-dire les essais de Dogen qui ont été par la suite réunis pour donner le Shôbôgenzo.Mon préféré est Uji (être-temps) une réflexion sur le temps. Dogen insiste sur l'idée que "être" (l'existence) et "temps" sont synonymes.Une référence selon moi en ce qui concerne le zen sôtô et qui est susceptible d'intéresser tout budoka. 
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L
<br /> Bonsoir Sylvain,<br /> <br /> Effectivement une source d'enseignements pour tous les pratiquants qui cherchent à approfondir l'aspect spirituel.<br /> <br /> Léo <br /> <br /> <br />
S
Salut Emmanuelle,merci de me faire partager ta vision des choses! Vide serait donc un état dans lequel on est disponible, capable de saisir dans l'instant (ici et maintenant) l'ensemble des possibilités qui se manifeste?Ceci me rappelle la vision de Taïsen Desshimaru qui a introduit le zen en France et qui avait écrit un bouquin très intéressant : "Zen et arts martiaux". Un bouquin à lire!
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L
<br /> "Zen et arts martiaux" est intéressant mais je trouve les deux autres titres que je t'ai indiqués plus vastes si tu ne les as pas déja lus.<br /> <br /> Tamura senseï a fréquenté Deshimaru roshi pendant de longues années. Si j'y pense je lui demanderai en juin quand j'irai le voir quelle type de personnes il était et quels enseignements lui sont<br /> restés.<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Léo <br /> <br /> <br />