Le produit Léo Tamaki et début du "Masters tour"
J'ai donné un stage à Herblay lors de mon passage en France au mois d'avril. Comme toujours j'ai envoyé l'information à ma liste de contacts et je l'ai annoncé sur le blog. Par fainéantise je n'annonce jamais ce genre de choses sur les sites spécialisés ou les forums. Mauvais marketing ;-)
J'ai donc été assez surpris lorsque Mickaël m'a téléphoné hilare pour me dire qu'il y avait un sujet sur le stage sur le forum de la FFAAA.
En allant parcourir le sujet j'ai compris ce qui l'avait fait rire.
Un des membres du forum a eu la gentillesse de faire passer l'information du stage. Au départ un sujet très classique annonçant ce type d'évènement quand un forumiste fait remarquer:
"25 euros le stage, il se mouche pas du coude le gars. L'aikido, ça rapporte !"
J'étais hilare.
La discussion s'amorce alors sur le prix et l'intérêt des stages. Extraits:
"Ce monsieur essaye de surfer sur la vague des stages. Mais il y a stage et stage. 25 euros pour voir un expert reconnu, je dis pas. Mais 25 euros pour voir un inconnu qui n'a qu'un petit 4ème dan ... pffff ..."
"Personne ne t'oblige... Si la qualité se mesurait au nombre de dans, ça se saurait et il y aurait beaucoup moins de 6èmes et 7èmes dans..."
"Ils vont bientôt demander à être payés pour faire des stages et ils n'iront que si les frais de déplacement sont remboursés et que le repas du midi est déductible "
La valeur de notre pratique
Sincèrement je comprends qu'on puisse estimer que 25 euros est cher. Ou donné. Finalement il s'agit de savoir à quoi cela est comparé.
25 euros pour aller voir quelqu'un dont on a jamais entendu parler, je serai aussi assez tiède…
J'ai fixé le prix par rapport à ceux qui sont donnés en région parisienne. Sans chercher dans le détail si j'étais bien dans la moyenne d'ailleurs.
Concernant les tarifs dans l'absolu, je considère que les stages d'Aïkido sont vraiment donnés. De même que les cours.
Si on compare les arts martiaux en général à des activités comme le Yoga ou la poterie on se rend compte que c'est une des moins chères. En revanche c'est une de celles qui demande le plus de qualifications à son enseignant.
Si on compare maintenant l'Aïkido aux autres arts martiaux c'est un des plus donnés et de loin. Comme indiqué dans la discussion, il suffit de voir le prix moyen d'un stage de Taï Chi pour s'en convaincre.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de discuter avec des hauts gradés de ce sujet. La première fois que l'un d'entre eux m'a annoncé ses revenus j'étais sur le c_l! Bien sûr aucun ne s'est lancé dans la carrière de professionnel dans l'espoir de devenir riche. Mais voir que certains hauts gradés terminent difficilement leurs fins de mois après une vie de pratique, luttent pour payer la scolarité de leurs enfants… Et cela en donnant ce qu'ils considèrent comme la chose la plus importante à leurs yeux pour un prix finalement dérisoire.
Pour couronner le tout, les rares dont la réussite est évidente sont souvent conspués pour cette raison. Christian Tissier est ainsi souvent critiqué pour son "commercialisme". Je constate simplement qu'il s'est donné les moyens de pratiquer ce qu'il veut comme il veut et d'en vivre confortablement. Et que ceux qui le critiquent le font parfois avec une pointe de jalousie…
Personnellement je suis devenu professionnel en parfaite connaissance de cause. Tamura senseï, Suga Toshiro et Jacques Bardet m'avaient clairement exposé la difficulté d'un tel choix. Je l'ai fait et ne regrette rien. Je n'ai pas un centime de côté mais je vis ma passion.
Lorsque j'ai commencé à enseigner je cumulais trois emplois. Et aujourd'hui encore mes activités annexes comme l'écriture représentent une part majeure de mes revenus. Mais si un jour je vis uniquement de la pratique je n'en aurai aucune honte.
"Combien" vaut un grade?
Je reparlerai ultérieurement des grades en détail. Brièvement, pour moi un grade n'a pas grande valeur. Il s'agit d'un jalon. Considéré comme un outil le passage de grade nous permet de mesurer où en est notre pratique. Si nous avons la chance d'être jugé par quelqu'un que l'on estime c'est l'occasion d'avoir des indications sur la direction à suivre et les défauts à corriger. Ni plus, ni moins. Il ne permet en aucun cas de juger un pratiquant par rapport à un autre… D'autant qu'au-delà du 4ème dan il n'y a plus de jugement technique.
Je me considère meilleur que certains pratiquants plus gradés et il y a probablement des pratiquants moins gradés qui me surpassent.
J'avais abordé ce sujet dans un article sur l'Aïkikaï:
"Un grade peut être décerné pour de nombreuses raisons au Japon et c’est un fait qui est malheureusement mal compris en Occident. Voici quelques motifs qui peuvent valoir l’obtention d’un grade. Cette liste n’est pas exhaustive et les raisons peuvent se cumuler.
Un élève peut se voir décerner un grade parce qu’il est l’ami d’un senseï, parce qu’il est une personnalité du monde politique, des affaires ou du show business, parce qu’il est assidu, parce qu’il fait d’importantes contributions financières ou… parce qu’il est bon.
Un haut grade n’est donc pas nécessairement synonyme d’une grande compétence. Raison pour laquelle sans doute le système des grades n’existait pas lorsque les gens combattaient réellement sur un champ de bataille…"
500 euros pour quelques heures
"Un stage n'est jamais qu'un cours collectif qui se déroule le week-end. Il ne faut pas faire une religion de la participation aux stages. Le gain de ce monsieur s'obtient en multipliant le prix du stage par le nombre de participants. S'il y a vingt participants, ça fait 20 x 25 = 500 euros pour le stage. Pas mal pour quelques heures de travail !"
Le stage m'a rapporté exactement 520 euros bruts. Il m'a permis de payer une petite partie de mon billet d'avion pour venir au stage de Tamura senseï. Et surtout j'ai pu pratiquer avec des amis, élèves, et faire la connaissance de nouveaux pratiquants.
Pour quelques heures c'est évidemment correct. Mais combien de stages un enseignant peut-il donner? Combien d'heures à travailler sa technique sans être payé? Ce n'est pas une complainte mais un simple constat…
Personnellement je n'ai jamais regardé à la dépense pour pratiquer avec quelqu'un. Les transports seuls pour aller voir Kuroda senseï me coûtent 160 euros par mois. Pour aller voir Tamura senseï ça se calcule en billet d'avions! L'inverse lorsque je vivais en France.
Les stage, simples cours collectifs?
"A mon dojo il y a des cours collectifs, comme au stage. Et je continue d'aller aux stages même si je n'en fait pas une religion. C'est toujours l'occasion de pratiquer en supplément, mais je ne crois pas que ça ait des vertus particulières. Ce que j'aime particulièrement c'est voir un grand maitre, j'y vais juste pour le voir, c'est comme si j'étais un peintre qui pourrait rencontrer Picasso ou un amateur de voiture qui rencontrerait Enzo Ferrari."
Finalement concernant le fait qu'un stage soit un cours collectif c'est évident. Par contre le contenu doit à mon avis être très différent de celui d'un cours normal. On peut soit y aborder un sujet particulier en profondeur, soit voir un vaste éventail de techniques. Quoi qu'il en soit l'enseignement doit y être condensé.
Je crois aussi qu'un stage ne doit pas être conçu simplement comme l'occasion d'aller admirer un grand maître. Dans ce cas on court le risque de tomber dans l'idolâtrerie. Malheureusement aujourd'hui on a souvent l'impression d'aller à des grands messes où les adeptes viennent "toucher" le grand homme. J'ai toujours été en stage pour progresser et pratiquer. Côtoyer des "bons" ou devenir leur ami ne m'a jamais intéressé…
Lancement commercial du produit Léo Tamaki
La discussion a suivi en parallèle le sujet de mon lancement commercial :D
"Il tient un créneau, je me demandais quand il se lancerait vraiment vu comme il prépare le terrain depuis quelques temps. (légèrement aidé par certains il faut dire )"
"Possible. Il n'empêche que niveau marketing, le cas léo tamaki pourrait être étudié en école de commerce. Une ascension fulgurante, ça fait plaisir a voir"
"Ce que je critique ce n'est pas leo tamaki lui même (qui est sans doute un gars cool et passionné) mais le buzz autour de lui qui, peut-être, lui échappe dans une certaine mesure.
Il y a des gens qui ont besoin d'une relève et léo tamaki a le bon profil…
…Je ne doute pas un instant de l'avenir de ce jeune homme au sein de l'aikido français, sa place est bien chauffée et je ne suis pas sur que son niveau en aikido soit une condition a son rôle a venir"
Je ne sais pas quel créneau je tiens. Je suis devenu professionnel il y a sept ans et je donne des stages depuis six. Certaines personnes m'ont effectivement aidé, principalement Jacques Bardet. Cela dit leur aide a surtout été déterminante à mes débuts.
Aujourd'hui je ne fais rien de plus que ces dernières années. Simplement, petit à petit, effectivement une certaine notoriété s'installe. Je n'en ai pas honte.
Quand à la relève je ne saisis pas encore non plus de qui je suis censé être le remplaçant… Et croyez-moi ceux qui sont en place ont plus tendance à écraser les nouveaux venus qu'à les accueillir à bras ouverts. Mickaël ou Brahim en ont fait les frais.
Je ne sais pas quelle est ma place future, par contre je doute sincèrement que quelqu'un soit en train de me la préparer. Ou alors je suis très naïf et je n'ai pas découvert mes bienfaiteurs de l'ombre. Mais qu'ils n'hésitent pas à se manifester, je suis un gars reconnaissant :D
Compte-rendu de stage
La troisième et plus intéressante partie pour moi est en fait un compte-rendu de deux personnes qui sont venues participer au stage, Fogia et Urs du Tenchi Dojo:
"…Ambiance studieuse mais détendue. Beaucoup de jeunes mais pas uniquement. Beaucoup de monde en noir et blanc. Un Léo Tamaki qui revisite les techniques classiques sur le thème de la martialité. Comme dirait Fogia, on sent le travail des koryus derrière sa façon de bouger, au coeur de ce qu'il nous demande de travailler.
Une mise en condition axée sur la souplesse et le relachement.
On passe des étirements au chutes sans s'en apercevoir, et des chutes au coeur du travail dans le même mouvement. Le message est cohérent, il y a continuité d'un bout à l'autre : centrage et relachement. Ne pas se désunir, équilibrer l'effort, économiser le corps, rester vigilant.
Ce stage est fait pour moi, il est tout à fait dans la continuité de la discussion que nous avons eu sur son blog : à mon arrivée j'ai tout faux - du moins dans son système de référence. Je suis tonique là où il faudrait être relâché, je suis solide comme le roc là où il faudrait être fluide comme l'eau, je donne abondamment là où il faudrait être chiche en ouvertures ... Léo doit bien se marrer.
Et puis peu à peu je capte où il veut en venir. Rapidement j'essaie de laisser tomber mes tics et je me concentre sur son message. Pas trop de travail sur la forme, Léo nous laisse nous débrouiller avec ça, puisque nous venons d'horizons aikidoesques différents. Accessoirement nous partons d'ikkyo (omote/ura), que nous déclinons sur shomenuchi, katate dori, kata dori, kata dori men uchi, ... puis revenons sur la déclinaison shomen uchi avec des techniques comme irimi nage, uchi kaiten nage, ... pour finir la matinée par un jyu waza sur shomen uchi.
J'utilise donc sans scrupule - et sans avoir à faire d'adaptations trop foireuses, les acquis sur la forme répétés semaines après semaines depuis quelques mois chez Tenchi, pour me concentrer sur ce que montre Léo.
Léo utilise les techniques comme support pour montrer un travail d'escrime à main nue, tout en sensation, dans une volonté d'aiguiser ce qui se passe au début de la technique, au moment de la prise de contact : créer l'ouverture sans se découvrir et sans provoquer de réaction d'opposition d'uke, raccourcir le geste, minimiser l'effort pour le réaliser, supprimer les appels, réduire l'amplitude visuelle des déplacements, corriger l'angle de pénétration en fonction du déséquilibre généré sur uke, masquer le départ des atémis, concentrer la technique pour qu'elles soit réalisée quasi sur place, ..."
"Sur la forme de la pratique, vous vous en doutez, c'est au antipode d'Iwama, mais pas forcément incompatible. Les saisies sont les légères, mais vous sentez (au moins quand c'est avec lui) que il a le contrôle par un positionnement très fin et qu'il ne sera pas possible de rentrer comme un bourin. J'ai pas joué au con non plus, mais par exemple, je n'est pas eu cette sensation avec Bardet (ça va le faire bondir, si il nous lit, car LT était élève de Bardet). La martialité n'est pas ostentatoire mais bien présente, les atémis sont porté dans des positions logiques sans nuire au mouvement.
Comme il le dit sur son blog, il a développé plusieurs niveaux de pratique, en partant des qqch de très "mécanique" pour aller vers un travail ou on va par nos actions induire des réactions chez uke qui vont nous permettre de faire un mouvement. Dans le dernier niveau, les actions sont très fines, un simple relâchement de l'épaule peu suffire. C'est assez surprenant, cela à plutôt bien fonctionner sur moi alors que je ne suis pas du tout conditionner à leur forme travail (là encore j'ai pas joué au con).
Le bouleau de uke est essentiellement lié à sa propre préservation, il ne suit pas comme un toutou, cela reste logique et il se protége, se replace, pas d'aberration flagrante de ce coté là. D'ailleurs il doit être très difficile de lui (LT) placé qqch car il se repositionne et se protége en permanence et les atémis donnés de façon trop visible sont tous bloqués.
Son travail est basé sur une grande capacité perception de la part de uke et tori et également sur l'utilisation de réaction chaîne induite par cette perception des mouvements et des intentions. C'est vraiment très intéressant, si on veille bien à ce que les réactions de uke reste naturelles, logiques et pas stéréotypées, car ça pourrait vite devenir un grand n'importe quoi, il y a d'ailleurs insister sur le sujet (en cassant du sucre sur le dos d'un sensei du Hombu!!!! ).
Ma seule interrogation vient du fait que je pense que ce type de façon de travailler implique que les 2 protagonistes soient d'un niveau martial très élevé, que se passe-t-il si uke ne perçoit pas car il n'en est pas capable ou choisit le blocage en force plutôt que le mouvement pour se protéger, les techniques fonctionne-t-elle toujours ou doit on passé par la casse pour "maîtrisé" uke (ses déplacements le placent très bien pour ça pendant les techniques!!).
Pour finir je dirai que ça valait largement le déplacement, que je vous invite aller le voir si vous en avez l'occasion et que j'y retournerai avec plaisir. Je pense que son travail peu être assez complémentaire avec travail "rude", ne serait ce que pour développer la capacité de perception."
Avoir la chance de lire une vision détaillée de son travail est inestimable. J'ai sincèrement appris beaucoup en lisant ces comptes-rendus. Ils m'ont été très utiles pour plusieurs raisons.
Tout d'abord ils ont été écrits par des personnes que je n'avais jamais rencontrées. Ensuite ces pratiquants étaient issus d'un style, Iwama, que je connaîs peu et mal, et qui à priori est assez éloigné de ma recherche.
J'ai pu voir grâce à ce compte-rendu ce que les gens comprenaient de ce que j'essayais de transmettre et j'ai été surpris de l'étonnante acuité de l'analyse. De plus, intellectualisant peu la pratique, lire une formulation claire de ce que je cherche m'a été très profitable.
Fogia si tu lis ceci:
Le travail pour le tori consiste en fait à ne PAS être perçu par uke. La technique peut alors s'arrêter très vite si cet objectif est rempli. Effectivement les formes que nous travaillons sont des katas où l'on suppose, comme tu l'as compris, que les deux protagonistes sont de niveau élevé.
Maintenant concrètement dans une situation de combat avec un adversaire de bas niveau les choses peuvent se passer très différemment. Si ton niveau est suffisament supérieur à celui de ton attaquant alors il est généralement possible de le contrôler en douceur. Sinon il faut détruire.
Merci Mickaël de m'avoir prévenu, j'ai ri et appris beaucoup ;-)
Retrouvez l'intégralité des débats ici ;-)
Masters tour
Aujourd'hui Isseï, Brahim, David, Julien, Julien et Arnaud viennent rejoindre Sébastien et moi. Pendant deux semaines nous allons aller pratiquer chez plusieurs maîtres à travers le japon. Nous pratiquerons chez les maîtres Kuroda, Kono, Hino, Shimizu, Akuzawa, etc... Un "masters tour" comme l'a surnommé France ;-)
Je continuerai à poster mais je risque de ne pas répondre très rapidement aux commentaires...
J'ai donc été assez surpris lorsque Mickaël m'a téléphoné hilare pour me dire qu'il y avait un sujet sur le stage sur le forum de la FFAAA.
En allant parcourir le sujet j'ai compris ce qui l'avait fait rire.
Un des membres du forum a eu la gentillesse de faire passer l'information du stage. Au départ un sujet très classique annonçant ce type d'évènement quand un forumiste fait remarquer:
"25 euros le stage, il se mouche pas du coude le gars. L'aikido, ça rapporte !"
J'étais hilare.
La discussion s'amorce alors sur le prix et l'intérêt des stages. Extraits:
"Ce monsieur essaye de surfer sur la vague des stages. Mais il y a stage et stage. 25 euros pour voir un expert reconnu, je dis pas. Mais 25 euros pour voir un inconnu qui n'a qu'un petit 4ème dan ... pffff ..."
"Personne ne t'oblige... Si la qualité se mesurait au nombre de dans, ça se saurait et il y aurait beaucoup moins de 6èmes et 7èmes dans..."
"Ils vont bientôt demander à être payés pour faire des stages et ils n'iront que si les frais de déplacement sont remboursés et que le repas du midi est déductible "
(photo Sébastien Chaventon)
La valeur de notre pratique
Sincèrement je comprends qu'on puisse estimer que 25 euros est cher. Ou donné. Finalement il s'agit de savoir à quoi cela est comparé.
25 euros pour aller voir quelqu'un dont on a jamais entendu parler, je serai aussi assez tiède…
J'ai fixé le prix par rapport à ceux qui sont donnés en région parisienne. Sans chercher dans le détail si j'étais bien dans la moyenne d'ailleurs.
Concernant les tarifs dans l'absolu, je considère que les stages d'Aïkido sont vraiment donnés. De même que les cours.
Si on compare les arts martiaux en général à des activités comme le Yoga ou la poterie on se rend compte que c'est une des moins chères. En revanche c'est une de celles qui demande le plus de qualifications à son enseignant.
Si on compare maintenant l'Aïkido aux autres arts martiaux c'est un des plus donnés et de loin. Comme indiqué dans la discussion, il suffit de voir le prix moyen d'un stage de Taï Chi pour s'en convaincre.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de discuter avec des hauts gradés de ce sujet. La première fois que l'un d'entre eux m'a annoncé ses revenus j'étais sur le c_l! Bien sûr aucun ne s'est lancé dans la carrière de professionnel dans l'espoir de devenir riche. Mais voir que certains hauts gradés terminent difficilement leurs fins de mois après une vie de pratique, luttent pour payer la scolarité de leurs enfants… Et cela en donnant ce qu'ils considèrent comme la chose la plus importante à leurs yeux pour un prix finalement dérisoire.
Pour couronner le tout, les rares dont la réussite est évidente sont souvent conspués pour cette raison. Christian Tissier est ainsi souvent critiqué pour son "commercialisme". Je constate simplement qu'il s'est donné les moyens de pratiquer ce qu'il veut comme il veut et d'en vivre confortablement. Et que ceux qui le critiquent le font parfois avec une pointe de jalousie…
Personnellement je suis devenu professionnel en parfaite connaissance de cause. Tamura senseï, Suga Toshiro et Jacques Bardet m'avaient clairement exposé la difficulté d'un tel choix. Je l'ai fait et ne regrette rien. Je n'ai pas un centime de côté mais je vis ma passion.
Lorsque j'ai commencé à enseigner je cumulais trois emplois. Et aujourd'hui encore mes activités annexes comme l'écriture représentent une part majeure de mes revenus. Mais si un jour je vis uniquement de la pratique je n'en aurai aucune honte.
(photo Sébastien Chaventon)
"Combien" vaut un grade?
Je reparlerai ultérieurement des grades en détail. Brièvement, pour moi un grade n'a pas grande valeur. Il s'agit d'un jalon. Considéré comme un outil le passage de grade nous permet de mesurer où en est notre pratique. Si nous avons la chance d'être jugé par quelqu'un que l'on estime c'est l'occasion d'avoir des indications sur la direction à suivre et les défauts à corriger. Ni plus, ni moins. Il ne permet en aucun cas de juger un pratiquant par rapport à un autre… D'autant qu'au-delà du 4ème dan il n'y a plus de jugement technique.
Je me considère meilleur que certains pratiquants plus gradés et il y a probablement des pratiquants moins gradés qui me surpassent.
J'avais abordé ce sujet dans un article sur l'Aïkikaï:
"Un grade peut être décerné pour de nombreuses raisons au Japon et c’est un fait qui est malheureusement mal compris en Occident. Voici quelques motifs qui peuvent valoir l’obtention d’un grade. Cette liste n’est pas exhaustive et les raisons peuvent se cumuler.
Un élève peut se voir décerner un grade parce qu’il est l’ami d’un senseï, parce qu’il est une personnalité du monde politique, des affaires ou du show business, parce qu’il est assidu, parce qu’il fait d’importantes contributions financières ou… parce qu’il est bon.
Un haut grade n’est donc pas nécessairement synonyme d’une grande compétence. Raison pour laquelle sans doute le système des grades n’existait pas lorsque les gens combattaient réellement sur un champ de bataille…"
(photo Sébastien Chaventon)
500 euros pour quelques heures
"Un stage n'est jamais qu'un cours collectif qui se déroule le week-end. Il ne faut pas faire une religion de la participation aux stages. Le gain de ce monsieur s'obtient en multipliant le prix du stage par le nombre de participants. S'il y a vingt participants, ça fait 20 x 25 = 500 euros pour le stage. Pas mal pour quelques heures de travail !"
Le stage m'a rapporté exactement 520 euros bruts. Il m'a permis de payer une petite partie de mon billet d'avion pour venir au stage de Tamura senseï. Et surtout j'ai pu pratiquer avec des amis, élèves, et faire la connaissance de nouveaux pratiquants.
Pour quelques heures c'est évidemment correct. Mais combien de stages un enseignant peut-il donner? Combien d'heures à travailler sa technique sans être payé? Ce n'est pas une complainte mais un simple constat…
Personnellement je n'ai jamais regardé à la dépense pour pratiquer avec quelqu'un. Les transports seuls pour aller voir Kuroda senseï me coûtent 160 euros par mois. Pour aller voir Tamura senseï ça se calcule en billet d'avions! L'inverse lorsque je vivais en France.
Les stage, simples cours collectifs?
"A mon dojo il y a des cours collectifs, comme au stage. Et je continue d'aller aux stages même si je n'en fait pas une religion. C'est toujours l'occasion de pratiquer en supplément, mais je ne crois pas que ça ait des vertus particulières. Ce que j'aime particulièrement c'est voir un grand maitre, j'y vais juste pour le voir, c'est comme si j'étais un peintre qui pourrait rencontrer Picasso ou un amateur de voiture qui rencontrerait Enzo Ferrari."
Finalement concernant le fait qu'un stage soit un cours collectif c'est évident. Par contre le contenu doit à mon avis être très différent de celui d'un cours normal. On peut soit y aborder un sujet particulier en profondeur, soit voir un vaste éventail de techniques. Quoi qu'il en soit l'enseignement doit y être condensé.
Je crois aussi qu'un stage ne doit pas être conçu simplement comme l'occasion d'aller admirer un grand maître. Dans ce cas on court le risque de tomber dans l'idolâtrerie. Malheureusement aujourd'hui on a souvent l'impression d'aller à des grands messes où les adeptes viennent "toucher" le grand homme. J'ai toujours été en stage pour progresser et pratiquer. Côtoyer des "bons" ou devenir leur ami ne m'a jamais intéressé…
Lancement commercial du produit Léo Tamaki
La discussion a suivi en parallèle le sujet de mon lancement commercial :D
"Il tient un créneau, je me demandais quand il se lancerait vraiment vu comme il prépare le terrain depuis quelques temps. (légèrement aidé par certains il faut dire )"
"Possible. Il n'empêche que niveau marketing, le cas léo tamaki pourrait être étudié en école de commerce. Une ascension fulgurante, ça fait plaisir a voir"
"Ce que je critique ce n'est pas leo tamaki lui même (qui est sans doute un gars cool et passionné) mais le buzz autour de lui qui, peut-être, lui échappe dans une certaine mesure.
Il y a des gens qui ont besoin d'une relève et léo tamaki a le bon profil…
…Je ne doute pas un instant de l'avenir de ce jeune homme au sein de l'aikido français, sa place est bien chauffée et je ne suis pas sur que son niveau en aikido soit une condition a son rôle a venir"
Je ne sais pas quel créneau je tiens. Je suis devenu professionnel il y a sept ans et je donne des stages depuis six. Certaines personnes m'ont effectivement aidé, principalement Jacques Bardet. Cela dit leur aide a surtout été déterminante à mes débuts.
Aujourd'hui je ne fais rien de plus que ces dernières années. Simplement, petit à petit, effectivement une certaine notoriété s'installe. Je n'en ai pas honte.
Quand à la relève je ne saisis pas encore non plus de qui je suis censé être le remplaçant… Et croyez-moi ceux qui sont en place ont plus tendance à écraser les nouveaux venus qu'à les accueillir à bras ouverts. Mickaël ou Brahim en ont fait les frais.
Je ne sais pas quelle est ma place future, par contre je doute sincèrement que quelqu'un soit en train de me la préparer. Ou alors je suis très naïf et je n'ai pas découvert mes bienfaiteurs de l'ombre. Mais qu'ils n'hésitent pas à se manifester, je suis un gars reconnaissant :D
(photo Sébastien Chaventon)
Compte-rendu de stage
La troisième et plus intéressante partie pour moi est en fait un compte-rendu de deux personnes qui sont venues participer au stage, Fogia et Urs du Tenchi Dojo:
"…Ambiance studieuse mais détendue. Beaucoup de jeunes mais pas uniquement. Beaucoup de monde en noir et blanc. Un Léo Tamaki qui revisite les techniques classiques sur le thème de la martialité. Comme dirait Fogia, on sent le travail des koryus derrière sa façon de bouger, au coeur de ce qu'il nous demande de travailler.
Une mise en condition axée sur la souplesse et le relachement.
On passe des étirements au chutes sans s'en apercevoir, et des chutes au coeur du travail dans le même mouvement. Le message est cohérent, il y a continuité d'un bout à l'autre : centrage et relachement. Ne pas se désunir, équilibrer l'effort, économiser le corps, rester vigilant.
Ce stage est fait pour moi, il est tout à fait dans la continuité de la discussion que nous avons eu sur son blog : à mon arrivée j'ai tout faux - du moins dans son système de référence. Je suis tonique là où il faudrait être relâché, je suis solide comme le roc là où il faudrait être fluide comme l'eau, je donne abondamment là où il faudrait être chiche en ouvertures ... Léo doit bien se marrer.
Et puis peu à peu je capte où il veut en venir. Rapidement j'essaie de laisser tomber mes tics et je me concentre sur son message. Pas trop de travail sur la forme, Léo nous laisse nous débrouiller avec ça, puisque nous venons d'horizons aikidoesques différents. Accessoirement nous partons d'ikkyo (omote/ura), que nous déclinons sur shomenuchi, katate dori, kata dori, kata dori men uchi, ... puis revenons sur la déclinaison shomen uchi avec des techniques comme irimi nage, uchi kaiten nage, ... pour finir la matinée par un jyu waza sur shomen uchi.
J'utilise donc sans scrupule - et sans avoir à faire d'adaptations trop foireuses, les acquis sur la forme répétés semaines après semaines depuis quelques mois chez Tenchi, pour me concentrer sur ce que montre Léo.
Léo utilise les techniques comme support pour montrer un travail d'escrime à main nue, tout en sensation, dans une volonté d'aiguiser ce qui se passe au début de la technique, au moment de la prise de contact : créer l'ouverture sans se découvrir et sans provoquer de réaction d'opposition d'uke, raccourcir le geste, minimiser l'effort pour le réaliser, supprimer les appels, réduire l'amplitude visuelle des déplacements, corriger l'angle de pénétration en fonction du déséquilibre généré sur uke, masquer le départ des atémis, concentrer la technique pour qu'elles soit réalisée quasi sur place, ..."
(photo Sébastien Chaventon)
"Sur la forme de la pratique, vous vous en doutez, c'est au antipode d'Iwama, mais pas forcément incompatible. Les saisies sont les légères, mais vous sentez (au moins quand c'est avec lui) que il a le contrôle par un positionnement très fin et qu'il ne sera pas possible de rentrer comme un bourin. J'ai pas joué au con non plus, mais par exemple, je n'est pas eu cette sensation avec Bardet (ça va le faire bondir, si il nous lit, car LT était élève de Bardet). La martialité n'est pas ostentatoire mais bien présente, les atémis sont porté dans des positions logiques sans nuire au mouvement.
Comme il le dit sur son blog, il a développé plusieurs niveaux de pratique, en partant des qqch de très "mécanique" pour aller vers un travail ou on va par nos actions induire des réactions chez uke qui vont nous permettre de faire un mouvement. Dans le dernier niveau, les actions sont très fines, un simple relâchement de l'épaule peu suffire. C'est assez surprenant, cela à plutôt bien fonctionner sur moi alors que je ne suis pas du tout conditionner à leur forme travail (là encore j'ai pas joué au con).
Le bouleau de uke est essentiellement lié à sa propre préservation, il ne suit pas comme un toutou, cela reste logique et il se protége, se replace, pas d'aberration flagrante de ce coté là. D'ailleurs il doit être très difficile de lui (LT) placé qqch car il se repositionne et se protége en permanence et les atémis donnés de façon trop visible sont tous bloqués.
Son travail est basé sur une grande capacité perception de la part de uke et tori et également sur l'utilisation de réaction chaîne induite par cette perception des mouvements et des intentions. C'est vraiment très intéressant, si on veille bien à ce que les réactions de uke reste naturelles, logiques et pas stéréotypées, car ça pourrait vite devenir un grand n'importe quoi, il y a d'ailleurs insister sur le sujet (en cassant du sucre sur le dos d'un sensei du Hombu!!!! ).
Ma seule interrogation vient du fait que je pense que ce type de façon de travailler implique que les 2 protagonistes soient d'un niveau martial très élevé, que se passe-t-il si uke ne perçoit pas car il n'en est pas capable ou choisit le blocage en force plutôt que le mouvement pour se protéger, les techniques fonctionne-t-elle toujours ou doit on passé par la casse pour "maîtrisé" uke (ses déplacements le placent très bien pour ça pendant les techniques!!).
Pour finir je dirai que ça valait largement le déplacement, que je vous invite aller le voir si vous en avez l'occasion et que j'y retournerai avec plaisir. Je pense que son travail peu être assez complémentaire avec travail "rude", ne serait ce que pour développer la capacité de perception."
Avoir la chance de lire une vision détaillée de son travail est inestimable. J'ai sincèrement appris beaucoup en lisant ces comptes-rendus. Ils m'ont été très utiles pour plusieurs raisons.
Tout d'abord ils ont été écrits par des personnes que je n'avais jamais rencontrées. Ensuite ces pratiquants étaient issus d'un style, Iwama, que je connaîs peu et mal, et qui à priori est assez éloigné de ma recherche.
J'ai pu voir grâce à ce compte-rendu ce que les gens comprenaient de ce que j'essayais de transmettre et j'ai été surpris de l'étonnante acuité de l'analyse. De plus, intellectualisant peu la pratique, lire une formulation claire de ce que je cherche m'a été très profitable.
Fogia si tu lis ceci:
Le travail pour le tori consiste en fait à ne PAS être perçu par uke. La technique peut alors s'arrêter très vite si cet objectif est rempli. Effectivement les formes que nous travaillons sont des katas où l'on suppose, comme tu l'as compris, que les deux protagonistes sont de niveau élevé.
Maintenant concrètement dans une situation de combat avec un adversaire de bas niveau les choses peuvent se passer très différemment. Si ton niveau est suffisament supérieur à celui de ton attaquant alors il est généralement possible de le contrôler en douceur. Sinon il faut détruire.
Merci Mickaël de m'avoir prévenu, j'ai ri et appris beaucoup ;-)
Retrouvez l'intégralité des débats ici ;-)
(photo Sébastien Chaventon)
Masters tour
Aujourd'hui Isseï, Brahim, David, Julien, Julien et Arnaud viennent rejoindre Sébastien et moi. Pendant deux semaines nous allons aller pratiquer chez plusieurs maîtres à travers le japon. Nous pratiquerons chez les maîtres Kuroda, Kono, Hino, Shimizu, Akuzawa, etc... Un "masters tour" comme l'a surnommé France ;-)
Je continuerai à poster mais je risque de ne pas répondre très rapidement aux commentaires...
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