La transmission dans les arts martiaux
J'ai posté il y a quelques jours un article en deux parties sur la transmission dans les arts martiaux sur Tsubakijournal (partie 1 et 2).
Bien entendu il est impossible de faire plus que survoler un tel sujet en quelques lignes et cet article n'a d'autre ambition que d'introduire le problème ou de faire naître quelques réflexions.
Voici un bref extrait de la fin qui ouvre un peu le sujet:
La preuve par Ueshiba
En ce sens l'exemple de Ueshiba est frappant car si sa pratique peut paraître incompréhensible dans certaines de ses démonstrations, pas une des personnes ayant pratiqué avec lui n'a déclaré avoir chuté par complaisance. Cela alors même qu'occasionnellement il a pu être critiqué sur d'autres sujets.
Au contraire les témoignages d'experts ne pratiquant pas l'Aïkido ou de personnes ayant essayé de le tester comme Terry Dobson sont légions et décrivent une efficacité "hors du commun", "incompréhensible". Au Japon il existe d'ailleurs un proverbe qui dit "Le propre du véritable Aïkido est d'avoir l'air faux.".
Depuis longtemps disparu la pratique de Ueshiba commence toutefois à être occasionnellement remise en question par des personnes ayant seulement vu des vidéos de lui. On peut craindre qu'une fois tous les témoins disparus le processus ne s'accélère tant sa pratique est hors du commun.
Aussi incroyable que cela puisse paraître il est malheureusement aujourd'hui fréquent que des gens se permettent de juger des maîtres de l'envergure de Ueshiba Moriheï, Kano Jigoro ou Funakoshi Gichin uniquement sur la base de photos ou de vidéos… Un rapide coup d'œil aux commentaires sous les films de ces géants sur Youtube laisse triste et perplexe.
Il ne s'agit pas de déifier qui que ce soit mais:
-de rester humble devant des maîtres que très très peu ont la compétence pour juger,
-de comprendre les limites d'un film ou d'une vidéo,
-de faire preuve de respect envers des personnes disparues.
J'ai évoqué le sujet avec Suga senseï dans sa dernière interview dans le numéro actuel de Dragon. Voici ce qu'il m'a répondu:
A propos de chutes, pensez-vous que, notamment à la fin de la vie d'Osenseï, il y avait des élèves qui chutaient par complaisance?
Je vais vous raconter une anecdote.
Maître Takano Sukesaburo (aussi appelé Sazaburo) a longtemps été considéré comme le meilleur kendoka du 20ème siècle. Dans sa jeunesse il a combattu contre Yamaoka Tesshu. Tesshu avait presque cinquante ans. Comme il est mort à cinquante-deux ans cela s'est passé à la fin de sa vie.
Durant le combat Takano frappa énormément tandis que Tesshu ne donnait quasiment aucun coup. De temps en temps il donnait simplement un léger tsuki. Takano se dit alors que maître Tesshu avait vieilli.
Une fois l'entraînement fini il enleva son casque et eu la soudaine sensation d'avoir un énorme trou dans la gorge. Les quelques tsuki légers de Tesshu étaient en réalité de véritables coups. C'était totalement différent de la débauche d'énergie et des gesticulations de pratiquants jeunes et dynamiques mais sans véritable efficacité. Chaque geste de Tesshu était définitif. Si quelqu'un ne le ressentait pas il n'avait pas le niveau.
Pour Maître Ueshiba c'est la même chose. Il pouvait faire plus mais ces simples gestes qui pouvaient n'avoir l'air de rien étaient suffisants. J'ai eu ce sentiment là de temps à autre avec Tamura senseï. Il m'arrive de lui faire face et d'être effrayé parce que je sais que si j'attaque je serai coupé ou je recevrai plusieurs atemi. Aujourd'hui beaucoup d'élèves ne ressentent pas cela. Ils n'ont pas cette sensibilité donc ils n'ont pas peur.
A l'époque un de mes amis plus avancé m'a raconté cette histoire. Il voulait attaquer Osenseï et l'attendait dans un coin avant le début du cours. Un quart d'heure avant le début maître Ueshiba est venu vers le dojo. Arrivé à sept ou huit mètres il s'est arrêté et est reparti pour revenir juste avant le début du cours.
Est-ce qu'Osenseï avait senti cela? Bien sûr il s'agit sans doute d'une coïncidence. Mais n'est-ce pas un choix? N'avait-il pas senti l'attaque? Déjà âgé il n'aurait sans doute pas eu d'autre choix que de blesser un jeune homme et il a préféré revenir plus tard pour le préserver.
Vous n'avez donc jamais eu l'impression qu'il y avait de la complaisance lorsque vous assistiez aux cours?
(rires) J'étais jeune et débutant. Alors un jour j'ai demandé à Maruyama senseï qui était un élève d'Osenseï: "Est-ce que vous ressentez vraiment quelque chose? Vous êtes réellement obligé de chuter?". J'avais dix-sept ans et j'ai pu me permettre de demander cela. Il m'a dit: "Oui, on sent réellement quelque chose.".
D'extérieur on voit une personne chuter alors qu'il semble n'y avoir qu'un simple geste. Mais il faut bien comprendre ce qu'il y a derrière, ce qui se passe réellement entre les deux êtres, pas juste ce qu'une vidéo a pu saisir.
Stage de Bruxelles en décembre, logement
Il est actuellement possible de réserver une chambre pour deux personnes au tarif de 50€.
Mifune Kyuzo et Kano Jigoro
Bien entendu il est impossible de faire plus que survoler un tel sujet en quelques lignes et cet article n'a d'autre ambition que d'introduire le problème ou de faire naître quelques réflexions.
Voici un bref extrait de la fin qui ouvre un peu le sujet:
La preuve par Ueshiba
En ce sens l'exemple de Ueshiba est frappant car si sa pratique peut paraître incompréhensible dans certaines de ses démonstrations, pas une des personnes ayant pratiqué avec lui n'a déclaré avoir chuté par complaisance. Cela alors même qu'occasionnellement il a pu être critiqué sur d'autres sujets.
Au contraire les témoignages d'experts ne pratiquant pas l'Aïkido ou de personnes ayant essayé de le tester comme Terry Dobson sont légions et décrivent une efficacité "hors du commun", "incompréhensible". Au Japon il existe d'ailleurs un proverbe qui dit "Le propre du véritable Aïkido est d'avoir l'air faux.".
Depuis longtemps disparu la pratique de Ueshiba commence toutefois à être occasionnellement remise en question par des personnes ayant seulement vu des vidéos de lui. On peut craindre qu'une fois tous les témoins disparus le processus ne s'accélère tant sa pratique est hors du commun.
Ueshiba Moriheï
Aussi incroyable que cela puisse paraître il est malheureusement aujourd'hui fréquent que des gens se permettent de juger des maîtres de l'envergure de Ueshiba Moriheï, Kano Jigoro ou Funakoshi Gichin uniquement sur la base de photos ou de vidéos… Un rapide coup d'œil aux commentaires sous les films de ces géants sur Youtube laisse triste et perplexe.
Il ne s'agit pas de déifier qui que ce soit mais:
-de rester humble devant des maîtres que très très peu ont la compétence pour juger,
-de comprendre les limites d'un film ou d'une vidéo,
-de faire preuve de respect envers des personnes disparues.
Funakoshi Gichin
J'ai évoqué le sujet avec Suga senseï dans sa dernière interview dans le numéro actuel de Dragon. Voici ce qu'il m'a répondu:
A propos de chutes, pensez-vous que, notamment à la fin de la vie d'Osenseï, il y avait des élèves qui chutaient par complaisance?
Je vais vous raconter une anecdote.
Maître Takano Sukesaburo (aussi appelé Sazaburo) a longtemps été considéré comme le meilleur kendoka du 20ème siècle. Dans sa jeunesse il a combattu contre Yamaoka Tesshu. Tesshu avait presque cinquante ans. Comme il est mort à cinquante-deux ans cela s'est passé à la fin de sa vie.
Durant le combat Takano frappa énormément tandis que Tesshu ne donnait quasiment aucun coup. De temps en temps il donnait simplement un léger tsuki. Takano se dit alors que maître Tesshu avait vieilli.
Une fois l'entraînement fini il enleva son casque et eu la soudaine sensation d'avoir un énorme trou dans la gorge. Les quelques tsuki légers de Tesshu étaient en réalité de véritables coups. C'était totalement différent de la débauche d'énergie et des gesticulations de pratiquants jeunes et dynamiques mais sans véritable efficacité. Chaque geste de Tesshu était définitif. Si quelqu'un ne le ressentait pas il n'avait pas le niveau.
Pour Maître Ueshiba c'est la même chose. Il pouvait faire plus mais ces simples gestes qui pouvaient n'avoir l'air de rien étaient suffisants. J'ai eu ce sentiment là de temps à autre avec Tamura senseï. Il m'arrive de lui faire face et d'être effrayé parce que je sais que si j'attaque je serai coupé ou je recevrai plusieurs atemi. Aujourd'hui beaucoup d'élèves ne ressentent pas cela. Ils n'ont pas cette sensibilité donc ils n'ont pas peur.
Yamaoka Tesshu
A l'époque un de mes amis plus avancé m'a raconté cette histoire. Il voulait attaquer Osenseï et l'attendait dans un coin avant le début du cours. Un quart d'heure avant le début maître Ueshiba est venu vers le dojo. Arrivé à sept ou huit mètres il s'est arrêté et est reparti pour revenir juste avant le début du cours.
Est-ce qu'Osenseï avait senti cela? Bien sûr il s'agit sans doute d'une coïncidence. Mais n'est-ce pas un choix? N'avait-il pas senti l'attaque? Déjà âgé il n'aurait sans doute pas eu d'autre choix que de blesser un jeune homme et il a préféré revenir plus tard pour le préserver.
Vous n'avez donc jamais eu l'impression qu'il y avait de la complaisance lorsque vous assistiez aux cours?
(rires) J'étais jeune et débutant. Alors un jour j'ai demandé à Maruyama senseï qui était un élève d'Osenseï: "Est-ce que vous ressentez vraiment quelque chose? Vous êtes réellement obligé de chuter?". J'avais dix-sept ans et j'ai pu me permettre de demander cela. Il m'a dit: "Oui, on sent réellement quelque chose.".
D'extérieur on voit une personne chuter alors qu'il semble n'y avoir qu'un simple geste. Mais il faut bien comprendre ce qu'il y a derrière, ce qui se passe réellement entre les deux êtres, pas juste ce qu'une vidéo a pu saisir.
Stage de Bruxelles en décembre, logement
Il est actuellement possible de réserver une chambre pour deux personnes au tarif de 50€.
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