Interview Jean-Pierre Vignau
Rencontrer maître Vignau c’est rencontrer quelqu’un hors du commun. Un homme fait du bois dont se nourrissent les légendes. Un aventurier qui a vécu sa vie à 200 à l’heure et qui l’a parfois payé au prix fort. Quelqu’un qui a voulu expérimenter et aller au-delà des apparences parfois trompeuses de l’efficacité au dojo. Mais c’est aussi rencontrer un homme abordable et ouvert au franc-parler indéniable. Voici une interview où il a bien voulu partager quelques réflexions tirées de sa pratique qui nourriront certainement la votre.
Pour commencer pourriez-vous nous retracer votre carrière dans les arts martiaux?
J'ai commencé en octobre 58 chez M. Jean Hugonnet à Sceaux. Judo, Karaté, Aïkido en même temps pendant quatorze ans. Au bout de quatorze ans mon caractère faisait que je me sentais mieux dans le Karaté. Une certaine distance, plus de "contact".
Dans votre pratique du Karaté quels sont les maîtres qui vous ont le plus marqué?
Ce n'est pas au pluriel, c'est un maître. Ca a été senseï Kaze avec qui j'ai travaillé pendant plusieurs années.
Qu'est-ce qui le distinguait des autres que vous avez rencontrés?
Le côté réaliste et efficace. Très technique et pas trop porté sur la compétition, même si ceux qui voulaient en faire et s'exprimer là-dedans pouvaient en faire, mais lui c'était plutôt le Karaté traditionnel.
Au niveau de votre entraînement personnel est-ce que vous continuez à vous entraîner, seul ou avec vos élèves ou est-ce que c'est seulement à travers vos cours que vous pratiquez?
Je m'entraîne à travers les cours en montrant les mouvements, je continue à m'entraîner seul, et je m'entraîne avec des gens comme Joël Bodet, Daniel Blanchet ou Pierre Portocarrero.
Est-ce que vous privilégiez un certain type de travail comme le makiwara, le ki, les kata?
Moi je travaille beaucoup sur le makiwara, la frappe au sac, les enchaînements, la self-défense. En plus comme j'ai la chance de pouvoir faire des stages un peu partout sur la planète je rencontre aussi d'autres gens, comme à Montréal Serge Bobil. Que ce soit en Russie, que ce soit en Estonie, que ce soit en Roumanie; il y a des gens qui surprennent par la technique qu'ils ont. Qui sont pointus. Qui sont pointus sur l'aspect compétition, pas tellement sur l'aspect self-défense, mais ça permets toujours de se remettre en question et de rencontrer d'autres gens qui ne sont pas forcément connus mais qui sont très bons. Ceci dit en France en self-défense au niveau du Karaté on n’est pas très bons non plus. Il y a quelques très bons, mais dans l'ensemble les clubs de Karaté travaillent pas beaucoup là-dessus.
Vous vous êtes entraîné au Japon. Est-ce que là c'était plutôt self-défense, plutôt kata...
Il y a des clubs qui sont très kata, d'autres qui sont portés compétition, d'autres "traditionnels", et les autres self-défense. Mais la grande majorité de la self moi je l'ai travaillée au Japon ou avec des japonais.
Et au niveau du ki, est-ce que c'est quelque chose que vous voyez comme une réalité, une théorie ou une image?
Je pense que le ki tout le monde l'interprète un peu à sa sauce. Moi je fais 21 cours par semaine et Takemi Takayasu m'a dit, "Pour arriver à faire 21 cours par semaine, il faut avoir du ki!".
Vous avez été mercenaire, videur, cascadeur... Est-ce que vous pouvez nous parler en quelques mots de votre vie professionnelle?
J'étais mercenaire en Afrique. Un mercenaire c'est un monsieur qui se fait payer pour faire le boulot des autres. Videur j'ai commencé en rentrant de l'armée en 68. J'étais videur dans les boîtes de nuit. Ca me permettait de pouvoir m'entraîner comme je voulais. Si on travaille à l'usine ou dans un bureau on ne peut s'entraîner que le soir et moi je voulais beaucoup m'entraîner donc j'aurai été limité. J'étais videur, je me levais il était une heure de l'après-midi, ça me permettait de prendre des cours avec senseï Kaze ou ailleurs quand il n'y en avait pas, comme chez Guy Sauvin, de m'entraîner tout seul, et de donner des cours le soir.
Qu'est-ce que les arts martiaux ont apporté à votre vie professionnelle et vice-versa?
Les arts martiaux c'est quand même dérivé d'un art de guerre. C'est martial, c'est à dire que l'origine des arts martiaux, c'était quand même pas dans la dentelle. J'étais videur et je faisais à l'époque 64kg pour 1m76, donc j'avais plus d'emmerdes que si j'avais fait 1m90 et 100kg. Ca m'a permis de tester les techniques sur des gens qui venaient mains nues, à un, deux ou trois, ou une lame dans la main, ou c'est arrivé quelques fois aussi, avec un flingue. Ca m'a permis de voir si elles marchaient vraiment. Ca passe ou ça casse. Ca a passé, ça a cassé quelques fois évidemment, mais, ça m'a permis d'aller au bout.
Moi je me vois mal en train de faire un boulot disons dans l'administration dans la journée et de venir faire deux cours par semaine de Karaté et d'expliquer à quelqu'un qu'il faut faire telle technique pour que ce soit efficace, alors que cette technique, j'aurai jamais eu l'occasion de voir si la tension que j'aurais eu à gérer ce jour-là me permettait de la passer. Il y en a quand même beaucoup c'est ça. Ca va être un peu dur, sec ce que je vais dire, mais j'aurai même un peu tendance à penser que ces gens-là sont des tricheurs parce qu'ils parlent vraiment de ce qu'ils ne connaissent pas. Alors en attendant ils prennent de l'argent, ils font leur cinéma.
Après les arts martiaux m'ont moi personnellement amené à la cascade, mais la cascade m'a permis de m'améliorer en Karaté. Au niveau de la concentration. Quand on est au bout d'une ligne droite à 800m d'un tremplin ou d'une voiture dans laquelle on va percuter, il faut savoir gérer l'adrénaline. C'est plus la bagarre contre un autre bonhomme, on est tout seul dans un tas de ferraille et à ce moment il faut y aller.
Est-ce qu'il y a des choses qui vous ont vraiment fait peur?
Videur ou cascadeur?
Les deux.
Videur oui, je me suis fait tirer dessus cinq fois et braquer trois fois. Donc la peur oui, évidemment. S'il n'y a pas la peur je ne vois même pas l'intérêt d'ailleurs. C'est peut-être du fait qu'il y a la peur qu'il y a un intérêt. C'est ce qui donne une valeur à la vie parce que si on n'a pas peur c'est qu'on est inconscient. Et si on est inconscient on n'est pas conscient des mauvaises mais pas des bonnes choses non plus. Donc la peur c'est même nécessaire.
Des grosses trouilles oui. Quand on vous met un flingue sur la tête par exemple. Parce que j'étais responsable des tentatives de racket, mises à l'amende de huit boîtes à l'époque. Donc c'était pas les petits gars de banlieue qui venaient nous emmerder. Enfin ça arrivait évidemment aussi.
Puis après au niveau de la cascade, oui. Quand on fait une cascade normale, traditionnelle, la petite trouille de la perfection, de louper la cascade à la rigueur. Maintenant quand on attaque comme moi je l'ai fait treize records du monde, que vous êtes le seul ou le premier, ou que vous améliorez énormément ce qui existe déjà, alors là oui.
Il y a eu les percussions automobiles à 237 km/h, les tonneaux en voitures sans toits et sans arceaux de sécurité. Là c'était un record facile et difficile, de toutes façons j'étais le seul au monde à le faire. Les sept autres qui ont essayé se sont tués. Donc là l'adrénaline est là. Elle est présente. Et elle est même bizarre parce que quand on fait des choses comme ça on s'habitue à avoir de l'adrénaline et quand on s'arrête éventuellement de faire des trucs, on en manque. C'est un peu comme une drogue. Comme quelqu'un qui est habitué à fumer.
Comme les gens qui font des sports extrêmes maintenant?
Voilà, donc on a besoin de ce truc là et c'est vrai que quand on arrête d'en faire pendant un moment on est en manque et quand on reprend c'est l'explosion.
Ca m'a amené à une expérience pas négligeable en 1980, le 20 juillet. Je faisais un record du monde de saut en longueur en voiture. 118m50 au premier impact et 67m de looping annoncés. Donc préparation de la voiture, des véhicules sur lesquels je retombai pour qu'ils puissent me renvoyer en l'air, de l'aileron à l'arrière, etc. Et en fait la maison qui a conçu le tremplin a oublié un détail. Ils ont oublié de souder une cornière du tremplin qui est rentrée derrière mon genou et ressortie derrière le rein. Donc j'ai eu trois arrêts cardiaques, vidé, plus de sang...
Alors c'est une expérience de la vie aussi parce que la vie sans savoir ce qu'il y a de l'autre coté on manque d'éléments. Enfin en ce qui me concerne moi, ça a été des choses qui m'ont amené à avoir une approche de la vie et des arts martiaux différente de beaucoup. Maintenant je ne dis pas qu'il faut que tout le monde fasse de la cascade, que tout le monde doit être videur, évidemment. Mais je veux dire par là que je pense que quand on est passé par des choses vraies, on sait un peu plus de quoi on parle, surtout en plus si on a le recul sur les expériences, qu'on a quand même analysé les choses avec une certaine sagesse. A partir de ce moment-là on est un peu plus dans le vrai quoi.
Quel impact cet accident grave a-t-il eu sur votre pratique?
J'ai eu le col du fémur cassé et je suis resté deux mois et demi à l'hôpital. Ils m'ont mis des plaques de ferrailles avec des vis pour recoller le fémur à la tête de fémur, et ça s'était relativement bien passé. Sauf que, problème, trois ans après où je m'étais bien remis, un monsieur a grillé un feu rouge, est rentré à gauche de ma voiture et a tout traversé. Les plaques qu'il était question qu'on m'enlève, pliées cassées arrachées, les vis arrachées, les côtes cassées, les poumons perforés, etc, etc... Donc là je suis reparti à la case départ à l'hôpital. Je suis resté quelques heures dans le coma et après on m'a enlevé les plaques et les vis. On devait me mettre une prothèse, je n'ai pas voulu, et j'ai marché pendant près de dix-sept ans avec un col du fémur cassé. Je voulais attendre que les techniques de prothèses s'améliorent, ce qui a été le cas. Et en 98 on m'a mis une prothèse.
Donc pendant ce temps en fait je n'ai pas pu m'entraîner comme je voulais évidemment. Je ne pouvais pas faire certains coups de pieds, je pouvais expliquer avec les bras, mais quand vous donnez des cours avec une béquille, vous êtes quand même limité à 80%. Les kata je ne pouvais pas les faire parce que je ne pouvais pas me mettre sur certaines positions sur la jambe arrière, ou sur la jambe avant.
Maintenant j'ai une prothèse, mais une prothèse ça limite autrement. Ca se déboîte. Une luxation de prothèse c'est comme une luxation normale. Donc je suis limité dans plein de techniques. Mais comme j'ai plein d'élèves qui sont avec moi, certains depuis plus de 25 ans, je demande aux anciens de montrer le mouvement, de montrer l'enchaînement. J'étais déjà un peu spécialisé dans la self-défense, je me suis TRES spécialisé dans la self-défense.
Je vous ai vu faire des démonstrations, casser des planches suspendues à un fil, etc... j'ai l'impression que vous n'avez rien à envier à ceux qui n'ont pas de prothèses.
Oui mais en ce qui me concerne je suis quand même diminué de 80%.
Par rapport à ce que vous pourriez avoir?
Par rapport à ce que j'étais. Alors j'ai compensé. Je casse des bouteilles en verre avec les mains, en rentrant dedans, en traversant, en tetsui, en taisho... Mais je suis quand même limité. L'autre jour en cassant une bouteille je me déboîte un genou. Parce que le côté ou j'ai la jambe esquintée ils m'ont bousillé un genou en me mettant en extension pendant deux mois et demi. J'ai mon genou qui se déboîte presque tout le temps. Alors je n'ai pas limité mes bras, je suis limité avec mes jambes.
Vous enseignez le Karaté sous tous ses angles, casse, combat réel, kata, sport. Quel est selon vous l'aspect le plus important?
Le kata ce n'est pas ma spécialité parce que je m'étais dit plus jeune que je me mettrai sérieusement au kata vers les cinquante ans. J'ai été limité puisqu'à trente-cinq ans j'étais déjà esquinté. Donc le kata que j'aurai bien voulu commencer à faire intensément, j'ai du mal à le faire, il faut que je l'adapte à moi. Je suis un peu limité sur les demi-tours parce que ce n'est pas évident sur la jambe gauche. Mais c'est très important aussi.
Je ne crois pas qu'il y ait un aspect qui soit plus important qu'un autre. Ils sont tous importants. C'est comme dans les arts martiaux, il n'y en a pas un qui soit inférieur aux autres. J'aurai tendance à penser que si on veut vraiment être efficace en Karaté on est obligé de passer par une connaissance du Judo et de l'Aïkido assez sérieuse.
Et je pense que si on veut vraiment être efficace au Judo c'est la même chose. Autrement on est un pratiquant de Judo, un pratiquant d'Aïkido ou un pratiquant de Karaté, mais on n’est pas un pratiquant d'arts martiaux. Pour être efficace au niveau du Judo il faut avoir une connaissance des coups de pieds, des coups de coudes, des coups de genoux du Karaté, et si on veut vraiment être efficace en Aïkido c'est la même chose. Je dirai quand même que l'Aïkido est resté plus dans la tradition que le Judo. Le Judo c'est très compétition. Si je ne me trompe pas c'est 500 000 licenciés en France. Tout le monde veut être champion, tout le monde veut être aux Jeux Olympiques, mais au détriment de la technique profonde. Parce que si ils sont gauchers, on va améliorer à gauche, à gauche, à gauche. Un peu à droite mais pas de trop. Et si on est droitier on va travailler à droite. On va travailler 25 techniques sur la saison, 5 spéciales pour la compétition, au détriment de tout le reste. Résultat on voit arriver le Ju-jitsu Brésilien qui est l'ancien Judo. Et le Ju-jitsu Brésilien a aussi créé une compétition.
Donc on est parti dans une dérive. Qui risque d'arriver au Karaté quand il va rentrer aux Jeux Olympiques. Tout le monde va vouloir être aux Jeux Olympiques. On va complètement, ça fait pas mal de temps d'ailleurs, oublier les techniques profondes. Même yoï, on n’en connaît pas la signification. Mis à part saluer il y a d'autres significations qui sont des défenses, des attaques. On est parti compétition, on salue, on s'attrape, on se rentre dedans.
L'Aïkido, chance, les tentatives de compétitions ont avortées avant d'être nées, ils sont restés dans la tradition. Ce que j'aurai tendance à leur reprocher c'est le manque de conviction dans l'attaque. Donc si il y a manque de conviction dans l'attaque il n'y a pas de véritable conviction dans la défense. On a fait des expériences, si on rentre un mae-geri ou un tsuki "vrai" au niveau sternum, souvent l'autre le prend. Mais dans le Karaté je fais des déplacements d'Aïkido. Quand vous avez une masse devant vous qui est vicelarde, puissante, rapide et qui a l'expérience des métiers de videur ou de la rue, si vous n'avez pas des déplacements d'Aïkido, si vous restez bloqué comme un con en Karaté en face, vous allez manger. Donc l'Aïkido, les déplacements, etc... on revient au Ju-jitsu ancien. Attention pas Ju-jitsu brésilien. Ju-jitsu ancien c'était "un homme au sol est un homme mort". C'était la définition des samouraïs. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas travailler au sol, parce qu'on va travailler au sol pour apprendre à s'en sortir. Il faut aller dans le vrai. Dans le vrai.
Donc pour être efficace en Karaté il faut travailler en plus le Judo ou l'Aïkido, voir les deux si on peut. C'est l'idéal, encore que... après il y a le prolongement de soi par les armes d'Okinawa qui sont le Tonfa, le Nunchaku, le bâton...
Vous pratiquez donc aussi le Kobudo. Est-ce que vous pensez que c'est indispensable à partir d'un certain niveau?
C'est indispensable de travailler le Kobudo. Pareil, si on travaille Judo, Karaté, Aïkido et si on ne travaille pas les armes à coté, on est quand même un peu canard boiteux. Ca apporte en plus une autre forme de concentration. De ce côté l'Aïkido est resté traditionnel.
Parlant de déviations, que pensez-vous des combats "sans règles" type U.F.C., etc?
Je pense qu'à partir du moment que celui qui veut le faire est majeur et vacciné et qu'il a envie de le faire, pourquoi pas. Mais "sans règles", il y a quand même des règles. On a pas le droit de choper les cheveux, on n'a pas le droit de mettre les doigts dans les yeux, on n'a pas le droit d'exploser les couilles, on n'a pas le droit d'éclater la gorge, il y a quand même plein de règles. La règle de la rue, deux doigts dans les yeux c'est interdit par la loi mais ce n'est pas interdit pour sauver sa peau. Moi je veux bien faire trois ans de prison si j'ai explosé les cervicales d'un bonhomme qui était convaincu qu'il allait m'éventrer. Ca n'arrive pas qu'aux autres. Si on ne triche pas dans les chiffres des agressions histoire de minimiser leur nombre, il y a quand même un paquet de monde qui se fait menacer avec des lames. Il y en a un qui s'est fait éventrer il y a trois semaines là rue d'Avron à 50m du club. Il sort du restaurant, un mec qui est passé lui a mis une lame dans le ventre Il lui a mis douze centimètres de lame dans le ventre! Je pense qu'il y a des tas de gens qui fréquentent les dojo quel que soit le style et qui de toutes façons auraient pris la lame dans le ventre. Parce que quand on ne s'y attend pas, qu'on mange avec des copains, qu'on sort... Après il faut devenir à la limite parano. Mais parano ce n'est pas toujours bon non plus.
Mais l'idéal d'être toujours vigilant vous l'avez développé avec votre "travail"?
Moi pour certaines personnes qui pratiquent le Karaté, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j'enseigne des techniques qui se rapprochent de la réalité, mais en les dosant évidemment. On ne va pas péter l'articulation d'un genou ou crever les yeux d'un mec histoire de prouver que c'est efficace. A ce moment là on va faire de la casse pour voir si on est efficace. On va travailler au pao, on va travailler au sac, on va travailler la puissance. Ma spécialité c'est l'Atémi-jitsu. C'est tout ce qui est casse d'articulations, cervicales, colonne vertébrale, genoux, coudes, etc. C'est une connaissance que très peu ont. En fait c'est un approfondissement du Karaté.
Je le travaille beaucoup avec M. Alain Lalande qui travaille lui le Nihon Kempo. Je travaille avec des gens qui font des styles complètements différents, purs, propres. C'est une pointure, c'est un monsieur qui a quand même pratiqué pendant dix douze ans le Karaté, qui est parti sur le Nihon Kempo dans lequel il y a de l'Aïkido, on peut voir des techniques d'Aïki mais qui va plus loin dans certains domaines et dans certains autres domaines c'est l'Aïki qui va plus loin que lui. Ils ont fait une synthèse de plusieurs travails qui sont axés sur les articulations, sur les méridiens et autres. Je travaille ça maintenant depuis à peu de choses près une vingtaine d'années. Donc j'ai inclus ça aussi dans mon Karaté. Il y a des moments où la technique Karaté elle n'est pas suffisante.
Mais on ne va pas détruire systématiquement. Il y a l'avertissement, il y a la neutralisation, avant de passer à la destruction.
Je vous ai vu aussi exécuter des techniques de combat avec une ceinture. Est-ce que c'est une invention personnelle?
Oh je n'ai rien inventé, je suis bien trop con pour inventer quoi que ce soit! J'ai travaillé ça au Japon, et il y a encore une ou deux écoles qui l'enseignent. Ca peut-être une ceinture, mais ça peut aussi être un foulard, un fil de fer, une corde. On a la même chose avec les bâtons, sauf que le bâton ne se plie pas autour des poignets. On a la même chose avec un journal, on a la même chose avec plein de choses. Moi je me suis spécialisé dans le travail de la ceinture. Rien que le travail de la ceinture c'est 540 techniques. Sur les coups de poings, sur les saisies, sur les coups de pieds, sur la tête. Si on a des menottes, qu'on est verrouillés, qu'on est attachés, on peut travailler en neutralisation, en immobilisation et en destruction. Une femme peut travailler avec ses bas, ça étrangle facilement.
Quel plaisir vous apporte l'enseignement?
Je dirai que donner des cours c'est plus important que d'avoir une jambe en moins. Parce que donner des cours c'est d'abord aider des gens à croire en eux-mêmes, à les faire progresser, à améliorer le mental, la concentration... En ce qui me concerne c'est le plaisir absolu. C'est le plaisir d'avoir des élèves comme celui qui est en train de me remplacer pendant qu'on est là, qui a commencé à cinq ans et a vingt ans maintenant.
C'est assez remarquable de garder un élève aussi longtemps de nos jours.
Je pense que la condition incontournable d'un prof ou d'un expert, puisqu'on est expert qu'à partir de 6ème dan, c'est de pouvoir amener les élèves, et non pas les clients, les élèves qu'on a en face de nous à éveiller une curiosité, et de nourrir cette curiosité, amener toujours quelque chose de nouveau. Parce que s'il faut commencer une saison en faisant en ce qui nous concerne nous en Karaté, gedan baraï, tsuki, gyaku tsuki et mae geri et recommencer toutes les saisons à peu près avec la même chose, il faut aussi continuer à l'améliorer. Dans les kata il y a tous les bunkaï, parce que le kata tout seul c'est une coquille d’œuf vide. Mais les bunkaï qui sont les applications de combat sont infinis.
Moi j'ai des élèves qui sont avec moi depuis vingt-cinq ans. Tous les ans, tous les ans on retravaille ce qu'on a déjà vu, mais je leur fais aussi travailler quelque chose qu'ils n'ont jamais vu. Moi-même je continue à m'entraîner par exemple avec Daniel Blanchet qui est 8ème dan de Karaté Wado-ryu et 9ème dan Ju-jitsu traditionnel. J'apprends des techniques à chaque fois qu'on fait des stages ensembles.
J'ai 59 ans, j'ai commencé le Karaté en 58, ça fera donc 46 ans de pratique au mois d'octobre, et je dis que quand je fais un stage avec certaines personnes, ils me rappellent des techniques ou des enchaînements oubliés, et j'en apprends de nouveaux. Moi ça me remet en question, et les bénéficiaires ce sont les élèves. Daniel Blanchet a été l'élève pendant trente-cinq ans de Phil Midler qui fut garde du corps de la reine d'Angleterre et vécut une dizaine d'années au Tibet et au Japon. Des gens comme ça sont des pointures. Alors qu'on n'entend pas parler d'eux dans les magazines. Papier vernis, propre, nickel chrome mais en fait on n'apprend rien. On voit des gens dont on n’a jamais entendu parler qui ont 25 ans, expert de ceci, expert de cela...
Vous enseignez en stages, est-ce important d'en faire?
Indispensable à partir du moment où la personne a un certain niveau, quelle que soit les techniques. Nous, nous faisons des stages ouverts à tous les arts martiaux et tous les styles. Parce qu'en Karaté il y a pas mal de styles, Wado-ryu, Shito-ryu, Goju-ryu, Kyokushinkaï ou autre. Une personne du Judo peut découvrir d'autres techniques, en Aïkido, ou en Karaté. Très souvent quand on travaille dans son style et qu'on n'ouvre pas les yeux pour regarder ailleurs on a l'impression que notre style est le meilleur. Il n'y a pas de style meilleur ou mauvais. Il y a des individus qui sont meilleurs que d'autres. Il n'y a pas de mauvais styles, il y a des gens mauvais à la rigueur.
Vous enseignez aussi aux enfants. Est-ce que c'est plus dur?
Un prof qui ne donne pas de cours à des enfants n'est pas un prof. Parce que autant on peut raconter nos salades avec les adultes, les faire rêver quand ils sont un peu mythos et paranos, l'efficacité, la casse, les trucs, les machins..., là ils vous regardent. Ils vont voir un film avec Van Damme, c'est le meilleur, Bruce Lee, c'est le meilleur. On a quand même un paquet de débiles mentaux sérieux. Parce que dans les clubs c'est quand même chaud hein. Attention, je suis le premier à aller voir un film avec Van Damme, j'allais voir les films de Bruce Lee et j'ai les cassettes, je ne loupe pas un film avec Steven Seagal. Au niveau cinématographique, ils placent bien les caméras, mais c'est autre chose.
Maintenant je reviens au problème des enfants, avec les enfants on ne peut pas tricher. On peut berner les parents, on ne peut pas tricher avec les enfants. J'ai quand même 250 enfants ici sur 500 élèves. On ne peut pas tricher avec les enfants, il faut les intéresser, être vrai. On doit être capable de donner des cours à des enfants, qu'ils reviennent semaine après semaine.
Il y en a une petite partie qui fait de la compétition avec casque protège-dents, gants... Et s'il y en a qui s'orientent là-dedans c'est bien parce qu'il y en a qui ne sont pas favorisés par la vie, socialement parlant j'entends. Et s'ils peuvent devenir profs, être compétiteur, avoir des résultats ça leur évitera peut-être de faire les cons dans la rue et de se retrouver un jour avec les menottes. Les autres ils prennent de l'assurance sur eux-mêmes, ils ont un meilleur équilibre, une meilleure perception. Ils se débarrassent petit à petit de leur timidité. S'ils font des bêtises ils sont punis et vont au coin. Ils passent des ceintures, on leur donne la ceinture avec un diplôme avec la date et la couleur de la ceinture, on prend une photo. Ils ont des souvenirs pour plus tard.
Il faut les intéresser, leur faire croire en quelque chose. Quand ils font du Karaté, du Judo ou de l'Aïkido les résultats scolaires sont meilleurs parce qu'on leur apprend à se concentrer, à être capables de durer tant de temps sur tel travail. Ils vont un peu plus loin, ils gagnent une minute, deux minutes, un quart d'heure... Moi, j'ai la chance d'être à cote d'une école donc il y a beaucoup d'enfants.
Enseigner aux enfants c'est incontournable. On apprend tellement de choses sur soi-même en leur donnant des cours, ça remet en question. On se rappelle aussi ce qu'on a été. Parce qu'on n’a pas toujours été des flèches hein.
Il y a trois choses qui rentrent en ligne de compte pour être un bon prof, d'abord aimer donner des cours, deuxièmement donner des cours aux enfants, troisièmement, être capable de s'occuper des plantes vertes.
Parce qu'il y a bien quelque chose avec lequel on ne peut pas tricher, c'est les plantes vertes. Parce que tout le monde pense qu'une plante c'est une plante, qu'on la coupe ça ne lui fait rien, qu'on lui donne pas à boire ce n'est pas grave... Non non non non non, une plante ça pense, c'est sensible, et là il y en a plein. Et il n'y a que moi qui m'occupe de mes plantes. Personne ne s'occupe de mes plantes. Et mes plantes avec moi ne meurent pas. On m'amène des plantes qui meurent, et elles repartent, elles reverdissent. Je ne comprends rien du tout d'ailleurs parce que je ne connais rien aux les plantes. Je les arrose, je les nettoie, je leur parle. Je sais qu'il leur faut de la lumière, de la bonne terre et de l'eau. Je crois que si quelqu'un est négatif bêtement les plantes meurent.
Quel est selon vous le but de la pratique des arts martiaux?
Déjà il faut prendre conscience que 5000 ans en arrière il y a des gens qui donnaient leur vie pour améliorer ça. Le but c'est de s'améliorer soi-même en ne négligeant pas le passé, la culture. Ca apporte un bien-être, un équilibre, une façon de penser. Ce n'est pas une secte, ni une religion. C'est un respect. Les arts martiaux c'est aussi, vous mangez un bonbon et vous ne jetez pas le papier par terre, vous le mettez dans une poubelle. On ne triche pas. On ne triche pas à un feu rouge en voiture ou en vélo. On ne triche pas dans la vie, on ne triche pas au dojo. On est loyaux, on est honnêtes, on est fidèles. Ca fait partie de ça.
Alors ça peut paraître un peu paradoxal, on peut penser que c'est une incitation à la violence. Non, plus on est capable d'être efficace et moins on est tenté et on a besoin de taper dans la tête de l'autre.
C'est en même temps, pourquoi pas et des moins négligeables, de pouvoir un jour défendre sa femme, ses enfants ou quelqu'un qui est dans une position un peu délicate par rapport à une, deux ou trois autres personnes. C'est un ensemble. C'est de se remettre en question soi-même et ainsi peut-être être capable de remettre en question quelqu'un d'autre. Maintenant si on ne se mesure qu'aux autres ça ne veut pas dire qu'on se soit remis en cause forcément nous-mêmes.
Est-ce que vous avez un message ou un conseil pour finir?
Je dirai que dans la vie on a toujours ce qu'on mérite. Si on a fait un mauvais choix c'est qu'instinctivement on était attiré par quelque chose qui n'était pas bon. Il faut apprendre à choisir, regarder. Que les pratiquants continuent à pratiquer. Bonne continuation à TOUS.
Merci beaucoup maître Vignau.
Biographie Jean-Pierre Vignau.
Pour commencer pourriez-vous nous retracer votre carrière dans les arts martiaux?
J'ai commencé en octobre 58 chez M. Jean Hugonnet à Sceaux. Judo, Karaté, Aïkido en même temps pendant quatorze ans. Au bout de quatorze ans mon caractère faisait que je me sentais mieux dans le Karaté. Une certaine distance, plus de "contact".
Dans votre pratique du Karaté quels sont les maîtres qui vous ont le plus marqué?
Ce n'est pas au pluriel, c'est un maître. Ca a été senseï Kaze avec qui j'ai travaillé pendant plusieurs années.
Qu'est-ce qui le distinguait des autres que vous avez rencontrés?
Le côté réaliste et efficace. Très technique et pas trop porté sur la compétition, même si ceux qui voulaient en faire et s'exprimer là-dedans pouvaient en faire, mais lui c'était plutôt le Karaté traditionnel.
Au niveau de votre entraînement personnel est-ce que vous continuez à vous entraîner, seul ou avec vos élèves ou est-ce que c'est seulement à travers vos cours que vous pratiquez?
Je m'entraîne à travers les cours en montrant les mouvements, je continue à m'entraîner seul, et je m'entraîne avec des gens comme Joël Bodet, Daniel Blanchet ou Pierre Portocarrero.
Est-ce que vous privilégiez un certain type de travail comme le makiwara, le ki, les kata?
Moi je travaille beaucoup sur le makiwara, la frappe au sac, les enchaînements, la self-défense. En plus comme j'ai la chance de pouvoir faire des stages un peu partout sur la planète je rencontre aussi d'autres gens, comme à Montréal Serge Bobil. Que ce soit en Russie, que ce soit en Estonie, que ce soit en Roumanie; il y a des gens qui surprennent par la technique qu'ils ont. Qui sont pointus. Qui sont pointus sur l'aspect compétition, pas tellement sur l'aspect self-défense, mais ça permets toujours de se remettre en question et de rencontrer d'autres gens qui ne sont pas forcément connus mais qui sont très bons. Ceci dit en France en self-défense au niveau du Karaté on n’est pas très bons non plus. Il y a quelques très bons, mais dans l'ensemble les clubs de Karaté travaillent pas beaucoup là-dessus.
Vous vous êtes entraîné au Japon. Est-ce que là c'était plutôt self-défense, plutôt kata...
Il y a des clubs qui sont très kata, d'autres qui sont portés compétition, d'autres "traditionnels", et les autres self-défense. Mais la grande majorité de la self moi je l'ai travaillée au Japon ou avec des japonais.
Et au niveau du ki, est-ce que c'est quelque chose que vous voyez comme une réalité, une théorie ou une image?
Je pense que le ki tout le monde l'interprète un peu à sa sauce. Moi je fais 21 cours par semaine et Takemi Takayasu m'a dit, "Pour arriver à faire 21 cours par semaine, il faut avoir du ki!".
Vous avez été mercenaire, videur, cascadeur... Est-ce que vous pouvez nous parler en quelques mots de votre vie professionnelle?
J'étais mercenaire en Afrique. Un mercenaire c'est un monsieur qui se fait payer pour faire le boulot des autres. Videur j'ai commencé en rentrant de l'armée en 68. J'étais videur dans les boîtes de nuit. Ca me permettait de pouvoir m'entraîner comme je voulais. Si on travaille à l'usine ou dans un bureau on ne peut s'entraîner que le soir et moi je voulais beaucoup m'entraîner donc j'aurai été limité. J'étais videur, je me levais il était une heure de l'après-midi, ça me permettait de prendre des cours avec senseï Kaze ou ailleurs quand il n'y en avait pas, comme chez Guy Sauvin, de m'entraîner tout seul, et de donner des cours le soir.
Qu'est-ce que les arts martiaux ont apporté à votre vie professionnelle et vice-versa?
Les arts martiaux c'est quand même dérivé d'un art de guerre. C'est martial, c'est à dire que l'origine des arts martiaux, c'était quand même pas dans la dentelle. J'étais videur et je faisais à l'époque 64kg pour 1m76, donc j'avais plus d'emmerdes que si j'avais fait 1m90 et 100kg. Ca m'a permis de tester les techniques sur des gens qui venaient mains nues, à un, deux ou trois, ou une lame dans la main, ou c'est arrivé quelques fois aussi, avec un flingue. Ca m'a permis de voir si elles marchaient vraiment. Ca passe ou ça casse. Ca a passé, ça a cassé quelques fois évidemment, mais, ça m'a permis d'aller au bout.
Moi je me vois mal en train de faire un boulot disons dans l'administration dans la journée et de venir faire deux cours par semaine de Karaté et d'expliquer à quelqu'un qu'il faut faire telle technique pour que ce soit efficace, alors que cette technique, j'aurai jamais eu l'occasion de voir si la tension que j'aurais eu à gérer ce jour-là me permettait de la passer. Il y en a quand même beaucoup c'est ça. Ca va être un peu dur, sec ce que je vais dire, mais j'aurai même un peu tendance à penser que ces gens-là sont des tricheurs parce qu'ils parlent vraiment de ce qu'ils ne connaissent pas. Alors en attendant ils prennent de l'argent, ils font leur cinéma.
Après les arts martiaux m'ont moi personnellement amené à la cascade, mais la cascade m'a permis de m'améliorer en Karaté. Au niveau de la concentration. Quand on est au bout d'une ligne droite à 800m d'un tremplin ou d'une voiture dans laquelle on va percuter, il faut savoir gérer l'adrénaline. C'est plus la bagarre contre un autre bonhomme, on est tout seul dans un tas de ferraille et à ce moment il faut y aller.
Est-ce qu'il y a des choses qui vous ont vraiment fait peur?
Videur ou cascadeur?
Les deux.
Videur oui, je me suis fait tirer dessus cinq fois et braquer trois fois. Donc la peur oui, évidemment. S'il n'y a pas la peur je ne vois même pas l'intérêt d'ailleurs. C'est peut-être du fait qu'il y a la peur qu'il y a un intérêt. C'est ce qui donne une valeur à la vie parce que si on n'a pas peur c'est qu'on est inconscient. Et si on est inconscient on n'est pas conscient des mauvaises mais pas des bonnes choses non plus. Donc la peur c'est même nécessaire.
Des grosses trouilles oui. Quand on vous met un flingue sur la tête par exemple. Parce que j'étais responsable des tentatives de racket, mises à l'amende de huit boîtes à l'époque. Donc c'était pas les petits gars de banlieue qui venaient nous emmerder. Enfin ça arrivait évidemment aussi.
Puis après au niveau de la cascade, oui. Quand on fait une cascade normale, traditionnelle, la petite trouille de la perfection, de louper la cascade à la rigueur. Maintenant quand on attaque comme moi je l'ai fait treize records du monde, que vous êtes le seul ou le premier, ou que vous améliorez énormément ce qui existe déjà, alors là oui.
Il y a eu les percussions automobiles à 237 km/h, les tonneaux en voitures sans toits et sans arceaux de sécurité. Là c'était un record facile et difficile, de toutes façons j'étais le seul au monde à le faire. Les sept autres qui ont essayé se sont tués. Donc là l'adrénaline est là. Elle est présente. Et elle est même bizarre parce que quand on fait des choses comme ça on s'habitue à avoir de l'adrénaline et quand on s'arrête éventuellement de faire des trucs, on en manque. C'est un peu comme une drogue. Comme quelqu'un qui est habitué à fumer.
Comme les gens qui font des sports extrêmes maintenant?
Voilà, donc on a besoin de ce truc là et c'est vrai que quand on arrête d'en faire pendant un moment on est en manque et quand on reprend c'est l'explosion.
Ca m'a amené à une expérience pas négligeable en 1980, le 20 juillet. Je faisais un record du monde de saut en longueur en voiture. 118m50 au premier impact et 67m de looping annoncés. Donc préparation de la voiture, des véhicules sur lesquels je retombai pour qu'ils puissent me renvoyer en l'air, de l'aileron à l'arrière, etc. Et en fait la maison qui a conçu le tremplin a oublié un détail. Ils ont oublié de souder une cornière du tremplin qui est rentrée derrière mon genou et ressortie derrière le rein. Donc j'ai eu trois arrêts cardiaques, vidé, plus de sang...
Alors c'est une expérience de la vie aussi parce que la vie sans savoir ce qu'il y a de l'autre coté on manque d'éléments. Enfin en ce qui me concerne moi, ça a été des choses qui m'ont amené à avoir une approche de la vie et des arts martiaux différente de beaucoup. Maintenant je ne dis pas qu'il faut que tout le monde fasse de la cascade, que tout le monde doit être videur, évidemment. Mais je veux dire par là que je pense que quand on est passé par des choses vraies, on sait un peu plus de quoi on parle, surtout en plus si on a le recul sur les expériences, qu'on a quand même analysé les choses avec une certaine sagesse. A partir de ce moment-là on est un peu plus dans le vrai quoi.
Quel impact cet accident grave a-t-il eu sur votre pratique?
J'ai eu le col du fémur cassé et je suis resté deux mois et demi à l'hôpital. Ils m'ont mis des plaques de ferrailles avec des vis pour recoller le fémur à la tête de fémur, et ça s'était relativement bien passé. Sauf que, problème, trois ans après où je m'étais bien remis, un monsieur a grillé un feu rouge, est rentré à gauche de ma voiture et a tout traversé. Les plaques qu'il était question qu'on m'enlève, pliées cassées arrachées, les vis arrachées, les côtes cassées, les poumons perforés, etc, etc... Donc là je suis reparti à la case départ à l'hôpital. Je suis resté quelques heures dans le coma et après on m'a enlevé les plaques et les vis. On devait me mettre une prothèse, je n'ai pas voulu, et j'ai marché pendant près de dix-sept ans avec un col du fémur cassé. Je voulais attendre que les techniques de prothèses s'améliorent, ce qui a été le cas. Et en 98 on m'a mis une prothèse.
Donc pendant ce temps en fait je n'ai pas pu m'entraîner comme je voulais évidemment. Je ne pouvais pas faire certains coups de pieds, je pouvais expliquer avec les bras, mais quand vous donnez des cours avec une béquille, vous êtes quand même limité à 80%. Les kata je ne pouvais pas les faire parce que je ne pouvais pas me mettre sur certaines positions sur la jambe arrière, ou sur la jambe avant.
Maintenant j'ai une prothèse, mais une prothèse ça limite autrement. Ca se déboîte. Une luxation de prothèse c'est comme une luxation normale. Donc je suis limité dans plein de techniques. Mais comme j'ai plein d'élèves qui sont avec moi, certains depuis plus de 25 ans, je demande aux anciens de montrer le mouvement, de montrer l'enchaînement. J'étais déjà un peu spécialisé dans la self-défense, je me suis TRES spécialisé dans la self-défense.
Je vous ai vu faire des démonstrations, casser des planches suspendues à un fil, etc... j'ai l'impression que vous n'avez rien à envier à ceux qui n'ont pas de prothèses.
Oui mais en ce qui me concerne je suis quand même diminué de 80%.
Jean-Pierre Vignau à la NAMT07 (photo Pierre Sivisay)
Par rapport à ce que vous pourriez avoir?
Par rapport à ce que j'étais. Alors j'ai compensé. Je casse des bouteilles en verre avec les mains, en rentrant dedans, en traversant, en tetsui, en taisho... Mais je suis quand même limité. L'autre jour en cassant une bouteille je me déboîte un genou. Parce que le côté ou j'ai la jambe esquintée ils m'ont bousillé un genou en me mettant en extension pendant deux mois et demi. J'ai mon genou qui se déboîte presque tout le temps. Alors je n'ai pas limité mes bras, je suis limité avec mes jambes.
Vous enseignez le Karaté sous tous ses angles, casse, combat réel, kata, sport. Quel est selon vous l'aspect le plus important?
Le kata ce n'est pas ma spécialité parce que je m'étais dit plus jeune que je me mettrai sérieusement au kata vers les cinquante ans. J'ai été limité puisqu'à trente-cinq ans j'étais déjà esquinté. Donc le kata que j'aurai bien voulu commencer à faire intensément, j'ai du mal à le faire, il faut que je l'adapte à moi. Je suis un peu limité sur les demi-tours parce que ce n'est pas évident sur la jambe gauche. Mais c'est très important aussi.
Je ne crois pas qu'il y ait un aspect qui soit plus important qu'un autre. Ils sont tous importants. C'est comme dans les arts martiaux, il n'y en a pas un qui soit inférieur aux autres. J'aurai tendance à penser que si on veut vraiment être efficace en Karaté on est obligé de passer par une connaissance du Judo et de l'Aïkido assez sérieuse.
Et je pense que si on veut vraiment être efficace au Judo c'est la même chose. Autrement on est un pratiquant de Judo, un pratiquant d'Aïkido ou un pratiquant de Karaté, mais on n’est pas un pratiquant d'arts martiaux. Pour être efficace au niveau du Judo il faut avoir une connaissance des coups de pieds, des coups de coudes, des coups de genoux du Karaté, et si on veut vraiment être efficace en Aïkido c'est la même chose. Je dirai quand même que l'Aïkido est resté plus dans la tradition que le Judo. Le Judo c'est très compétition. Si je ne me trompe pas c'est 500 000 licenciés en France. Tout le monde veut être champion, tout le monde veut être aux Jeux Olympiques, mais au détriment de la technique profonde. Parce que si ils sont gauchers, on va améliorer à gauche, à gauche, à gauche. Un peu à droite mais pas de trop. Et si on est droitier on va travailler à droite. On va travailler 25 techniques sur la saison, 5 spéciales pour la compétition, au détriment de tout le reste. Résultat on voit arriver le Ju-jitsu Brésilien qui est l'ancien Judo. Et le Ju-jitsu Brésilien a aussi créé une compétition.
Donc on est parti dans une dérive. Qui risque d'arriver au Karaté quand il va rentrer aux Jeux Olympiques. Tout le monde va vouloir être aux Jeux Olympiques. On va complètement, ça fait pas mal de temps d'ailleurs, oublier les techniques profondes. Même yoï, on n’en connaît pas la signification. Mis à part saluer il y a d'autres significations qui sont des défenses, des attaques. On est parti compétition, on salue, on s'attrape, on se rentre dedans.
L'Aïkido, chance, les tentatives de compétitions ont avortées avant d'être nées, ils sont restés dans la tradition. Ce que j'aurai tendance à leur reprocher c'est le manque de conviction dans l'attaque. Donc si il y a manque de conviction dans l'attaque il n'y a pas de véritable conviction dans la défense. On a fait des expériences, si on rentre un mae-geri ou un tsuki "vrai" au niveau sternum, souvent l'autre le prend. Mais dans le Karaté je fais des déplacements d'Aïkido. Quand vous avez une masse devant vous qui est vicelarde, puissante, rapide et qui a l'expérience des métiers de videur ou de la rue, si vous n'avez pas des déplacements d'Aïkido, si vous restez bloqué comme un con en Karaté en face, vous allez manger. Donc l'Aïkido, les déplacements, etc... on revient au Ju-jitsu ancien. Attention pas Ju-jitsu brésilien. Ju-jitsu ancien c'était "un homme au sol est un homme mort". C'était la définition des samouraïs. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas travailler au sol, parce qu'on va travailler au sol pour apprendre à s'en sortir. Il faut aller dans le vrai. Dans le vrai.
Donc pour être efficace en Karaté il faut travailler en plus le Judo ou l'Aïkido, voir les deux si on peut. C'est l'idéal, encore que... après il y a le prolongement de soi par les armes d'Okinawa qui sont le Tonfa, le Nunchaku, le bâton...
Vous pratiquez donc aussi le Kobudo. Est-ce que vous pensez que c'est indispensable à partir d'un certain niveau?
C'est indispensable de travailler le Kobudo. Pareil, si on travaille Judo, Karaté, Aïkido et si on ne travaille pas les armes à coté, on est quand même un peu canard boiteux. Ca apporte en plus une autre forme de concentration. De ce côté l'Aïkido est resté traditionnel.
Parlant de déviations, que pensez-vous des combats "sans règles" type U.F.C., etc?
Je pense qu'à partir du moment que celui qui veut le faire est majeur et vacciné et qu'il a envie de le faire, pourquoi pas. Mais "sans règles", il y a quand même des règles. On a pas le droit de choper les cheveux, on n'a pas le droit de mettre les doigts dans les yeux, on n'a pas le droit d'exploser les couilles, on n'a pas le droit d'éclater la gorge, il y a quand même plein de règles. La règle de la rue, deux doigts dans les yeux c'est interdit par la loi mais ce n'est pas interdit pour sauver sa peau. Moi je veux bien faire trois ans de prison si j'ai explosé les cervicales d'un bonhomme qui était convaincu qu'il allait m'éventrer. Ca n'arrive pas qu'aux autres. Si on ne triche pas dans les chiffres des agressions histoire de minimiser leur nombre, il y a quand même un paquet de monde qui se fait menacer avec des lames. Il y en a un qui s'est fait éventrer il y a trois semaines là rue d'Avron à 50m du club. Il sort du restaurant, un mec qui est passé lui a mis une lame dans le ventre Il lui a mis douze centimètres de lame dans le ventre! Je pense qu'il y a des tas de gens qui fréquentent les dojo quel que soit le style et qui de toutes façons auraient pris la lame dans le ventre. Parce que quand on ne s'y attend pas, qu'on mange avec des copains, qu'on sort... Après il faut devenir à la limite parano. Mais parano ce n'est pas toujours bon non plus.
Mais l'idéal d'être toujours vigilant vous l'avez développé avec votre "travail"?
Moi pour certaines personnes qui pratiquent le Karaté, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j'enseigne des techniques qui se rapprochent de la réalité, mais en les dosant évidemment. On ne va pas péter l'articulation d'un genou ou crever les yeux d'un mec histoire de prouver que c'est efficace. A ce moment là on va faire de la casse pour voir si on est efficace. On va travailler au pao, on va travailler au sac, on va travailler la puissance. Ma spécialité c'est l'Atémi-jitsu. C'est tout ce qui est casse d'articulations, cervicales, colonne vertébrale, genoux, coudes, etc. C'est une connaissance que très peu ont. En fait c'est un approfondissement du Karaté.
Je le travaille beaucoup avec M. Alain Lalande qui travaille lui le Nihon Kempo. Je travaille avec des gens qui font des styles complètements différents, purs, propres. C'est une pointure, c'est un monsieur qui a quand même pratiqué pendant dix douze ans le Karaté, qui est parti sur le Nihon Kempo dans lequel il y a de l'Aïkido, on peut voir des techniques d'Aïki mais qui va plus loin dans certains domaines et dans certains autres domaines c'est l'Aïki qui va plus loin que lui. Ils ont fait une synthèse de plusieurs travails qui sont axés sur les articulations, sur les méridiens et autres. Je travaille ça maintenant depuis à peu de choses près une vingtaine d'années. Donc j'ai inclus ça aussi dans mon Karaté. Il y a des moments où la technique Karaté elle n'est pas suffisante.
Mais on ne va pas détruire systématiquement. Il y a l'avertissement, il y a la neutralisation, avant de passer à la destruction.
Je vous ai vu aussi exécuter des techniques de combat avec une ceinture. Est-ce que c'est une invention personnelle?
Oh je n'ai rien inventé, je suis bien trop con pour inventer quoi que ce soit! J'ai travaillé ça au Japon, et il y a encore une ou deux écoles qui l'enseignent. Ca peut-être une ceinture, mais ça peut aussi être un foulard, un fil de fer, une corde. On a la même chose avec les bâtons, sauf que le bâton ne se plie pas autour des poignets. On a la même chose avec un journal, on a la même chose avec plein de choses. Moi je me suis spécialisé dans le travail de la ceinture. Rien que le travail de la ceinture c'est 540 techniques. Sur les coups de poings, sur les saisies, sur les coups de pieds, sur la tête. Si on a des menottes, qu'on est verrouillés, qu'on est attachés, on peut travailler en neutralisation, en immobilisation et en destruction. Une femme peut travailler avec ses bas, ça étrangle facilement.
Jean-Pierre Vignau à la NAMT07 (photo Pierre Sivisay)
Quel plaisir vous apporte l'enseignement?
Je dirai que donner des cours c'est plus important que d'avoir une jambe en moins. Parce que donner des cours c'est d'abord aider des gens à croire en eux-mêmes, à les faire progresser, à améliorer le mental, la concentration... En ce qui me concerne c'est le plaisir absolu. C'est le plaisir d'avoir des élèves comme celui qui est en train de me remplacer pendant qu'on est là, qui a commencé à cinq ans et a vingt ans maintenant.
C'est assez remarquable de garder un élève aussi longtemps de nos jours.
Je pense que la condition incontournable d'un prof ou d'un expert, puisqu'on est expert qu'à partir de 6ème dan, c'est de pouvoir amener les élèves, et non pas les clients, les élèves qu'on a en face de nous à éveiller une curiosité, et de nourrir cette curiosité, amener toujours quelque chose de nouveau. Parce que s'il faut commencer une saison en faisant en ce qui nous concerne nous en Karaté, gedan baraï, tsuki, gyaku tsuki et mae geri et recommencer toutes les saisons à peu près avec la même chose, il faut aussi continuer à l'améliorer. Dans les kata il y a tous les bunkaï, parce que le kata tout seul c'est une coquille d’œuf vide. Mais les bunkaï qui sont les applications de combat sont infinis.
Moi j'ai des élèves qui sont avec moi depuis vingt-cinq ans. Tous les ans, tous les ans on retravaille ce qu'on a déjà vu, mais je leur fais aussi travailler quelque chose qu'ils n'ont jamais vu. Moi-même je continue à m'entraîner par exemple avec Daniel Blanchet qui est 8ème dan de Karaté Wado-ryu et 9ème dan Ju-jitsu traditionnel. J'apprends des techniques à chaque fois qu'on fait des stages ensembles.
J'ai 59 ans, j'ai commencé le Karaté en 58, ça fera donc 46 ans de pratique au mois d'octobre, et je dis que quand je fais un stage avec certaines personnes, ils me rappellent des techniques ou des enchaînements oubliés, et j'en apprends de nouveaux. Moi ça me remet en question, et les bénéficiaires ce sont les élèves. Daniel Blanchet a été l'élève pendant trente-cinq ans de Phil Midler qui fut garde du corps de la reine d'Angleterre et vécut une dizaine d'années au Tibet et au Japon. Des gens comme ça sont des pointures. Alors qu'on n'entend pas parler d'eux dans les magazines. Papier vernis, propre, nickel chrome mais en fait on n'apprend rien. On voit des gens dont on n’a jamais entendu parler qui ont 25 ans, expert de ceci, expert de cela...
Vous enseignez en stages, est-ce important d'en faire?
Indispensable à partir du moment où la personne a un certain niveau, quelle que soit les techniques. Nous, nous faisons des stages ouverts à tous les arts martiaux et tous les styles. Parce qu'en Karaté il y a pas mal de styles, Wado-ryu, Shito-ryu, Goju-ryu, Kyokushinkaï ou autre. Une personne du Judo peut découvrir d'autres techniques, en Aïkido, ou en Karaté. Très souvent quand on travaille dans son style et qu'on n'ouvre pas les yeux pour regarder ailleurs on a l'impression que notre style est le meilleur. Il n'y a pas de style meilleur ou mauvais. Il y a des individus qui sont meilleurs que d'autres. Il n'y a pas de mauvais styles, il y a des gens mauvais à la rigueur.
Vous enseignez aussi aux enfants. Est-ce que c'est plus dur?
Un prof qui ne donne pas de cours à des enfants n'est pas un prof. Parce que autant on peut raconter nos salades avec les adultes, les faire rêver quand ils sont un peu mythos et paranos, l'efficacité, la casse, les trucs, les machins..., là ils vous regardent. Ils vont voir un film avec Van Damme, c'est le meilleur, Bruce Lee, c'est le meilleur. On a quand même un paquet de débiles mentaux sérieux. Parce que dans les clubs c'est quand même chaud hein. Attention, je suis le premier à aller voir un film avec Van Damme, j'allais voir les films de Bruce Lee et j'ai les cassettes, je ne loupe pas un film avec Steven Seagal. Au niveau cinématographique, ils placent bien les caméras, mais c'est autre chose.
Maintenant je reviens au problème des enfants, avec les enfants on ne peut pas tricher. On peut berner les parents, on ne peut pas tricher avec les enfants. J'ai quand même 250 enfants ici sur 500 élèves. On ne peut pas tricher avec les enfants, il faut les intéresser, être vrai. On doit être capable de donner des cours à des enfants, qu'ils reviennent semaine après semaine.
Il y en a une petite partie qui fait de la compétition avec casque protège-dents, gants... Et s'il y en a qui s'orientent là-dedans c'est bien parce qu'il y en a qui ne sont pas favorisés par la vie, socialement parlant j'entends. Et s'ils peuvent devenir profs, être compétiteur, avoir des résultats ça leur évitera peut-être de faire les cons dans la rue et de se retrouver un jour avec les menottes. Les autres ils prennent de l'assurance sur eux-mêmes, ils ont un meilleur équilibre, une meilleure perception. Ils se débarrassent petit à petit de leur timidité. S'ils font des bêtises ils sont punis et vont au coin. Ils passent des ceintures, on leur donne la ceinture avec un diplôme avec la date et la couleur de la ceinture, on prend une photo. Ils ont des souvenirs pour plus tard.
Il faut les intéresser, leur faire croire en quelque chose. Quand ils font du Karaté, du Judo ou de l'Aïkido les résultats scolaires sont meilleurs parce qu'on leur apprend à se concentrer, à être capables de durer tant de temps sur tel travail. Ils vont un peu plus loin, ils gagnent une minute, deux minutes, un quart d'heure... Moi, j'ai la chance d'être à cote d'une école donc il y a beaucoup d'enfants.
Enseigner aux enfants c'est incontournable. On apprend tellement de choses sur soi-même en leur donnant des cours, ça remet en question. On se rappelle aussi ce qu'on a été. Parce qu'on n’a pas toujours été des flèches hein.
Il y a trois choses qui rentrent en ligne de compte pour être un bon prof, d'abord aimer donner des cours, deuxièmement donner des cours aux enfants, troisièmement, être capable de s'occuper des plantes vertes.
Parce qu'il y a bien quelque chose avec lequel on ne peut pas tricher, c'est les plantes vertes. Parce que tout le monde pense qu'une plante c'est une plante, qu'on la coupe ça ne lui fait rien, qu'on lui donne pas à boire ce n'est pas grave... Non non non non non, une plante ça pense, c'est sensible, et là il y en a plein. Et il n'y a que moi qui m'occupe de mes plantes. Personne ne s'occupe de mes plantes. Et mes plantes avec moi ne meurent pas. On m'amène des plantes qui meurent, et elles repartent, elles reverdissent. Je ne comprends rien du tout d'ailleurs parce que je ne connais rien aux les plantes. Je les arrose, je les nettoie, je leur parle. Je sais qu'il leur faut de la lumière, de la bonne terre et de l'eau. Je crois que si quelqu'un est négatif bêtement les plantes meurent.
Quel est selon vous le but de la pratique des arts martiaux?
Déjà il faut prendre conscience que 5000 ans en arrière il y a des gens qui donnaient leur vie pour améliorer ça. Le but c'est de s'améliorer soi-même en ne négligeant pas le passé, la culture. Ca apporte un bien-être, un équilibre, une façon de penser. Ce n'est pas une secte, ni une religion. C'est un respect. Les arts martiaux c'est aussi, vous mangez un bonbon et vous ne jetez pas le papier par terre, vous le mettez dans une poubelle. On ne triche pas. On ne triche pas à un feu rouge en voiture ou en vélo. On ne triche pas dans la vie, on ne triche pas au dojo. On est loyaux, on est honnêtes, on est fidèles. Ca fait partie de ça.
Alors ça peut paraître un peu paradoxal, on peut penser que c'est une incitation à la violence. Non, plus on est capable d'être efficace et moins on est tenté et on a besoin de taper dans la tête de l'autre.
C'est en même temps, pourquoi pas et des moins négligeables, de pouvoir un jour défendre sa femme, ses enfants ou quelqu'un qui est dans une position un peu délicate par rapport à une, deux ou trois autres personnes. C'est un ensemble. C'est de se remettre en question soi-même et ainsi peut-être être capable de remettre en question quelqu'un d'autre. Maintenant si on ne se mesure qu'aux autres ça ne veut pas dire qu'on se soit remis en cause forcément nous-mêmes.
Est-ce que vous avez un message ou un conseil pour finir?
Je dirai que dans la vie on a toujours ce qu'on mérite. Si on a fait un mauvais choix c'est qu'instinctivement on était attiré par quelque chose qui n'était pas bon. Il faut apprendre à choisir, regarder. Que les pratiquants continuent à pratiquer. Bonne continuation à TOUS.
Merci beaucoup maître Vignau.
Biographie Jean-Pierre Vignau.
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