Iaïjutsu par Kono Yoshinori et recherche ou transmission
Le Iaï de Kono senseï est, après celui de maître Kuroda, celui qui m'a le plus impressionné. Elégant par sa sobriété, impressionnant par sa rapidité, il est aussi très rafraîchissant par son approche pragmatique.
La rencontre avec Kuroda senseï
Dans sa jeunesse Kono senseï a cherché à découvrir des maîtres capables de réaliser les prouesses des adeptes du passé. Insatisfait de ce qu'il découvrit, ne trouvant personne qu'il estima à même de lui enseigner ce qu'il désirait, il décida de chercher par lui-même. Ce n'est que quelques années plus tard qu'il fera la connaissance de Kuroda senseï, héritier d'une longue tradition martiale. Cette rencontre allait changer leurs pratiques à jamais.
A l'époque maître Kuroda n'est pas encore le maître célèbre qu'il est aujourd'hui mais il fait déjà parler de lui très favorablement. Lorsqu'il rencontre Kono senseï, celui-ci le convainc que les récits d'adeptes du passé sont basés sur des faits réels. Ensemble ils pratiqueront, chercheront, et développeront leurs arts.
Kuroda senseï possédait les formes, les théories et avait une vie de pratique derrière lui. Kono senseï amenait vingt ans de recherches, la certitude que les récits du passé ne reflétaient que la réalité, une ouverture d'esprit sans bornes et une approche pragmatique. Ensemble ils atteindront un niveau exceptionnel.
Practical Iaï
Kono senseï propose à Kuroda senseï de travailler les situations décrites dans certains densho qu'il a étudiés. Dans l'une d'entre elles l'attaquant vous fait face, sabre en main en garde haute, tandis que votre sabre est dans son fourreau. Ils appelèrent cette pratique "practical Iaï".
Avant de connaître cette histoire j'avais pu observer plusieurs iaïto de maître Kuroda. J'avais été sidéré par les nombreuses marques en dents de scie sur les lames, les saya cassées…
La semaine dernière nous avons pratiqué l'exercice que je décris plus haut lors d'un cours du Shinbukan. Je faisais face à un ancien du dojo en garde haute tandis qu'il était en position de dégainage. J'abattis soudain mon sabre et il dégaina. Trop tard.
Nos lames s'entrechoquèrent. Mon sabre, un Dotanuki de 2,60 shaku n'eut qu'une minuscule éraflure. Le sien avait un creux de plus de 5mm de profondeur d'autant que je puisse en juger de là où je me trouvais. L'erreur venait bien entendu de moi. J'aurai dû stopper ma coupe bien plus haut. J'avoue avec honte que j'ai eu du mal à retenir mon rire durant tout l'exercice car à chaque fois qu'il se mettait en garde jodan il regardait son sabre avec stupéfaction.
Une chose qui me surprit fut l'absence de choc. Par le passé j'ai eu plusieurs fois l'expérience d'entrechoquer des bokken. Le choc provoquait une vibration très désagréable. Là c'est à peine si je sentis le contact entre nos lames. Bien entendu le choc de lames en acier n'est en aucun cas comparable à celui de iaïto en alliage.
Extrait de l' interview de Kono senseï où il aborde sa pratique du Iaï:
Vous pratiquez aussi le Batto jutsu?
Oui. Au départ j'ai entre autre étudié le Kashima shin ryu mais ma pratique s'est modifiée petit à petit jusqu'à un travail assez personnel.
Comme vous le savez, au départ le Iaï ou Batto s'est développé à partir de situations où l'on affrontait un adversaire qui vous menaçait le sabre déjà en main. Mais c'est un travail qui n'existe plus dans aucune école. Aujourd'hui même en admettant que la lame de l'adversaire est à quelques centimètres de vous chacun s'emploie à armer. Il est évident que personne n'aurait pratiqué ainsi dans le passé! Le temps que l'on dégaine et arme, l'adversaire aura déjà coupé depuis longtemps.
Lorsqu'on lit les densho il est décrit des positions où le kissaki de l'adversaire se trouve près de votre koïguchi. Au moindre mouvement le poignet est coupé! Il est évident qu'on n'arme jamais dans ce type de situations. C'est une position extrêmement dangereuse.
Dans le Iaï d'aujourd'hui personne n'est capable de dégainer dans ces circonstances extrêmement difficiles. Même lorsque les pratiquants s'exercent avec un partenaire celui-ci les laisse armer sans les couper alors qu'ils sont criblés d'ouvertures. On comprend au premier regard que ce type de travail n'a pas de sens! Pourtant personne ne prend cela en considération.
(N.d.a. –Densho: écrit transmettant les enseignements dans les écoles traditionnelles et se présentant généralement sous la forme de rouleaux.
-Koïguchi: littéralement bouche de carpe. Partie du fourreau proche de la garde par laquelle on introduit le sabre.)
Recherche ou transmission
Comme je le disais en début d'article, l'approche pragmatique de Kono senseï a un côté très rafraichissant. En revanche il est clair qu'elle est celle d'un chercheur et non d'un enseignant. Maître Kono a un petit dojo privé où il invite quelques connaissances pour échanger ou présenter l'état de ses recherches mais il n'enseigne pas. Lors des stages auxquels j'ai assisté au Japon il démontre, pratique avec le maximum de personnes pour faire sentir, explique les principes qu'il met en œuvre et répond aux questions mais il n'a pas formalisé de méthode ni de support d'enseignement.
L'approche de Kono senseï est passionnante et nourrit ma recherche. Je me suis plusieurs fois posé la question de savoir s'il formaliserait un jour son art afin qu'il puisse être transmis dans le temps. Je crois finalement que non. Je crois que Kono senseï cherchera toujours à perfectionner sa pratique et qu'il ne formalisera pas un travail qu'il estime imparfait.
Au-delà du résultat passionnant de ses recherches, l'ouverture d'esprit et le rejet des dogmes de Kono senseï m'ont poussé à persévérer dans l'étude. S'il ne facilite pas la tâche en n'enseignant pas, il est une des inspirations majeures qui me donne l'envie de pratiquer, encore et encore.
Kono senseï sera à Paris pour deux stages exceptionnels les 10 et 11 mai.
Note: Kono senseï pratique généralement (comme ici) le Iaï avec son sabre tranchant.
Sa lame et sa tsuka sont plus longues que celles utilisées par la majorité des pratiquants de Iaïdo.
La difficulté en est donc encore plus accentuée.
Sa lame et sa tsuka sont plus longues que celles utilisées par la majorité des pratiquants de Iaïdo.
La difficulté en est donc encore plus accentuée.
La rencontre avec Kuroda senseï
Dans sa jeunesse Kono senseï a cherché à découvrir des maîtres capables de réaliser les prouesses des adeptes du passé. Insatisfait de ce qu'il découvrit, ne trouvant personne qu'il estima à même de lui enseigner ce qu'il désirait, il décida de chercher par lui-même. Ce n'est que quelques années plus tard qu'il fera la connaissance de Kuroda senseï, héritier d'une longue tradition martiale. Cette rencontre allait changer leurs pratiques à jamais.
A l'époque maître Kuroda n'est pas encore le maître célèbre qu'il est aujourd'hui mais il fait déjà parler de lui très favorablement. Lorsqu'il rencontre Kono senseï, celui-ci le convainc que les récits d'adeptes du passé sont basés sur des faits réels. Ensemble ils pratiqueront, chercheront, et développeront leurs arts.
Kuroda senseï possédait les formes, les théories et avait une vie de pratique derrière lui. Kono senseï amenait vingt ans de recherches, la certitude que les récits du passé ne reflétaient que la réalité, une ouverture d'esprit sans bornes et une approche pragmatique. Ensemble ils atteindront un niveau exceptionnel.
Practical Iaï
Kono senseï propose à Kuroda senseï de travailler les situations décrites dans certains densho qu'il a étudiés. Dans l'une d'entre elles l'attaquant vous fait face, sabre en main en garde haute, tandis que votre sabre est dans son fourreau. Ils appelèrent cette pratique "practical Iaï".
Kuroda senseï (la première technique est une forme de "practical Iaï")
Avant de connaître cette histoire j'avais pu observer plusieurs iaïto de maître Kuroda. J'avais été sidéré par les nombreuses marques en dents de scie sur les lames, les saya cassées…
La semaine dernière nous avons pratiqué l'exercice que je décris plus haut lors d'un cours du Shinbukan. Je faisais face à un ancien du dojo en garde haute tandis qu'il était en position de dégainage. J'abattis soudain mon sabre et il dégaina. Trop tard.
Nos lames s'entrechoquèrent. Mon sabre, un Dotanuki de 2,60 shaku n'eut qu'une minuscule éraflure. Le sien avait un creux de plus de 5mm de profondeur d'autant que je puisse en juger de là où je me trouvais. L'erreur venait bien entendu de moi. J'aurai dû stopper ma coupe bien plus haut. J'avoue avec honte que j'ai eu du mal à retenir mon rire durant tout l'exercice car à chaque fois qu'il se mettait en garde jodan il regardait son sabre avec stupéfaction.
Une chose qui me surprit fut l'absence de choc. Par le passé j'ai eu plusieurs fois l'expérience d'entrechoquer des bokken. Le choc provoquait une vibration très désagréable. Là c'est à peine si je sentis le contact entre nos lames. Bien entendu le choc de lames en acier n'est en aucun cas comparable à celui de iaïto en alliage.
Extrait de l' interview de Kono senseï où il aborde sa pratique du Iaï:
Vous pratiquez aussi le Batto jutsu?
Oui. Au départ j'ai entre autre étudié le Kashima shin ryu mais ma pratique s'est modifiée petit à petit jusqu'à un travail assez personnel.
Comme vous le savez, au départ le Iaï ou Batto s'est développé à partir de situations où l'on affrontait un adversaire qui vous menaçait le sabre déjà en main. Mais c'est un travail qui n'existe plus dans aucune école. Aujourd'hui même en admettant que la lame de l'adversaire est à quelques centimètres de vous chacun s'emploie à armer. Il est évident que personne n'aurait pratiqué ainsi dans le passé! Le temps que l'on dégaine et arme, l'adversaire aura déjà coupé depuis longtemps.
Lorsqu'on lit les densho il est décrit des positions où le kissaki de l'adversaire se trouve près de votre koïguchi. Au moindre mouvement le poignet est coupé! Il est évident qu'on n'arme jamais dans ce type de situations. C'est une position extrêmement dangereuse.
Dans le Iaï d'aujourd'hui personne n'est capable de dégainer dans ces circonstances extrêmement difficiles. Même lorsque les pratiquants s'exercent avec un partenaire celui-ci les laisse armer sans les couper alors qu'ils sont criblés d'ouvertures. On comprend au premier regard que ce type de travail n'a pas de sens! Pourtant personne ne prend cela en considération.
(N.d.a. –Densho: écrit transmettant les enseignements dans les écoles traditionnelles et se présentant généralement sous la forme de rouleaux.
-Koïguchi: littéralement bouche de carpe. Partie du fourreau proche de la garde par laquelle on introduit le sabre.)
Recherche ou transmission
Comme je le disais en début d'article, l'approche pragmatique de Kono senseï a un côté très rafraichissant. En revanche il est clair qu'elle est celle d'un chercheur et non d'un enseignant. Maître Kono a un petit dojo privé où il invite quelques connaissances pour échanger ou présenter l'état de ses recherches mais il n'enseigne pas. Lors des stages auxquels j'ai assisté au Japon il démontre, pratique avec le maximum de personnes pour faire sentir, explique les principes qu'il met en œuvre et répond aux questions mais il n'a pas formalisé de méthode ni de support d'enseignement.
L'approche de Kono senseï est passionnante et nourrit ma recherche. Je me suis plusieurs fois posé la question de savoir s'il formaliserait un jour son art afin qu'il puisse être transmis dans le temps. Je crois finalement que non. Je crois que Kono senseï cherchera toujours à perfectionner sa pratique et qu'il ne formalisera pas un travail qu'il estime imparfait.
Au-delà du résultat passionnant de ses recherches, l'ouverture d'esprit et le rejet des dogmes de Kono senseï m'ont poussé à persévérer dans l'étude. S'il ne facilite pas la tâche en n'enseignant pas, il est une des inspirations majeures qui me donne l'envie de pratiquer, encore et encore.
Kono senseï sera à Paris pour deux stages exceptionnels les 10 et 11 mai.
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