Entretien avec Shimizu senseï (1): compte-rendu de cours
Je prends bien trop rarement le temps d'aller pratiquer chez Shimizu senseï. Il est pourtant l'un des Aïkidokas que j'apprécie le plus. Quelques lignes sur ma dernière visite à son dojo avant son stage en France les 4 et 5 juillet prochains.
Aïki
Ce jour-là nous avons débuté le cours par shiho nage. Il expliqua:
"Aïki, le fait d'unir les énergies, est souvent compris superficiellement. Tori doit s'unir à aïte en l'absorbant en lui."
Shimizu senseï parle peu. Mais comme tous les gens économes de leurs paroles il parle bien. En quelques mots il éclaira la sensation diffuse que j'avais toujours eue en le regardant pratiquer.
Les toutes premières fois où je l'avais vu j'avais eu le sentiment que Shimizu senseï reculait beaucoup. J'avais rapidement changé d'avis mais sans pouvoir exprimer ce qu'il faisait clairement. Et qu'il exposa de façon si simple et évidente ce soir. Ses techniques étaient réalisées de telle façon qu'aïte était littéralement absorbé dans son mouvement.
Nagasu
Le second mouvement consistait en une série de tenkan contre une tentative de saisies en gyaku hanmi katate dori qui auraient aussi bien pu être des tsuki.
"Il est normal de se concentrer sur la forme extérieure pour les débutants, mais rester à ce niveau là est superficiel. Il est important de laisser s'écouler (nagasu) mais il ne s'agit pas simplement d'esquiver. Il faut simultanément rediriger afin de créer le déséquilibre qui permet de réaliser la technique."
Les premières fois que j'avais vu Shimizu senseï j'avais aussi eu le sentiment que ses techniques étaient très amples. Petit à petit je me suis aperçu qu'il allait exactement jusqu'au point où le partenaire était déséquilibré. C'est cela qui lui permet d'absorber le partenaire et d'exécuter ses techniques avec une grande efficacité. Les mouvements que je trouvais presque superflus étaient finalement ceux qui lui permettaient d'en faire le minimum.
A la façon d'Osenseï
Je ne sais pas comment pratiquait Osenseï. En revanche d'après les nombreux récits que j'ai lus ou recueillis, j'ai une idée claire de la façon dont il enseignait. Et Shimizu senseï enseigne quasiment de la même façon. Il projette son partenaire avec des techniques variées puis fait pratiquer la dernière de la série. Il observe d'un regard aiguisé tous les pratiquants mais corrige peu.
C'est une façon de faire qui, sans doute, ne facilite pas le travail des élèves. Jusqu'à aujourd'hui elle reste pourtant la seule qui ait permis l'émergence d'adeptes du plus haut niveau. Et cela fonctionne bien pour le Tendokan car l'ambiance du dojo est très familiale et les anciens prennent les débutants en main avec gentillesse et attention.
L'écart entre le vu et le vécu
Seuls les génies des arts martiaux sont capables de sentir ce qui se passe simplement en observant une démonstration. La plupart doutent qu'il soit possible de voir ce qui se passe en regardant un film. Avec Shimizu senseï j'eu une fois de plus la preuve de mes limites et de mon incapacité à saisir la finesse d'un travail en vidéo.
En voyant quelques films de lui j'avais eu la sensation qu'il avait un Aïkido puissant. Je fus d'autant stupéfait en passant entre ses mains par sa souplesse et la délicatesse de sa pratique. Il est impossible de résister tout simplement parce que son Aïkido repose sur une finesse technique incroyable. Finesse que j'avais été incapable de saisir à l'œil nu.
Protéger les fondements de l'Aïkido
Shimizu senseï expliqua que lorsqu'il fut invité en Europe la première fois il y a plus de trente ans, de nombreux pratiquants d'Aïkido vinrent à son stage. Parmi eux de nombreux premier et deuxième dan, grades relativement rares à l'époque. Lorsqu'il les vit pratiquer il leur dit qu'ils ne pratiquaient pas l'Aïkido. "Comment? Vous dites que mon senseï, maître X qui est japonais et tel grade ne pratique pas l'Aïkido?" Il leur répondit: "Je ne sais pas si ton maître pratique ou pas l'Aïkido, ce que je sais c'est que ce que tu fais n'est pas de l'Aïkido."
"Le Judo d'aujourd'hui est l'opposé absolu de la pratique de ses fondateurs. Ses principes mêmes ont disparus et les premiers maîtres ne reconnaitraient pas leur discipline. Il est important que cela n'arrive pas à l'Aïkido. Ma pratique est différente de celle d'Osenseï car mon âme et mon corps sont différents mais les fondements en sont les mêmes et c'est cela qu'il faut protéger."
Efficacité martiale
Shimizu senseï était un bagarreur dans sa jeunesse. Il m'a avoué lui-même à plusieurs reprises qu'il avait un tempérament très fougueux.
"Lorsque je suis arrivé à l'Aïkikaï j'avais un caractère… difficile. Je ne chutais pas pour rien même avec les enseignants et les uchi deshi et, après que je les ai bloqués, plus aucun ne venait travailler avec moi. Le seul qui me passait les techniques était Tamura senseï."
Shimizu senseï démontre souvent lors de ses cours des formes anciennes qui ne sont plus pratiquées aujourd'hui, sutemi, kaeshiwaza et manières dévastatrices de passer la technique sur des partenaires qui bloquent…
Stage
Shimizu senseï sera en France les 4 et 5 juillet. J'espère que les pratiquants ne manqueront pas l'occasion d'aller voir ce maître que j'apprécie particulièrement, l'un des derniers géants de l'Aïkido.
Notes: Au fil de mes rencontres avec les maîtres mes notes se sont accumulées. La plupart sont issues d'entretiens privés mais certaines viennent aussi de cours. Je n'ai pas enregistré ces entretiens et les écris généralement de mémoire ou sur la base de brèves notes. Il est donc possible que des erreurs se soient glissées dans ces retranscriptions mais j'ai pensé que l'intérêt des réponses dépassait le risque de mes erreurs. Je prie toutefois les lecteurs de ne prendre cela que comme une conversation rapportée qui pourrait nourrir des réflexions et non comme paroles d'évangiles.
Aïki
Ce jour-là nous avons débuté le cours par shiho nage. Il expliqua:
"Aïki, le fait d'unir les énergies, est souvent compris superficiellement. Tori doit s'unir à aïte en l'absorbant en lui."
Shimizu senseï parle peu. Mais comme tous les gens économes de leurs paroles il parle bien. En quelques mots il éclaira la sensation diffuse que j'avais toujours eue en le regardant pratiquer.
Les toutes premières fois où je l'avais vu j'avais eu le sentiment que Shimizu senseï reculait beaucoup. J'avais rapidement changé d'avis mais sans pouvoir exprimer ce qu'il faisait clairement. Et qu'il exposa de façon si simple et évidente ce soir. Ses techniques étaient réalisées de telle façon qu'aïte était littéralement absorbé dans son mouvement.
Nagasu
Le second mouvement consistait en une série de tenkan contre une tentative de saisies en gyaku hanmi katate dori qui auraient aussi bien pu être des tsuki.
"Il est normal de se concentrer sur la forme extérieure pour les débutants, mais rester à ce niveau là est superficiel. Il est important de laisser s'écouler (nagasu) mais il ne s'agit pas simplement d'esquiver. Il faut simultanément rediriger afin de créer le déséquilibre qui permet de réaliser la technique."
Les premières fois que j'avais vu Shimizu senseï j'avais aussi eu le sentiment que ses techniques étaient très amples. Petit à petit je me suis aperçu qu'il allait exactement jusqu'au point où le partenaire était déséquilibré. C'est cela qui lui permet d'absorber le partenaire et d'exécuter ses techniques avec une grande efficacité. Les mouvements que je trouvais presque superflus étaient finalement ceux qui lui permettaient d'en faire le minimum.
A la façon d'Osenseï
Je ne sais pas comment pratiquait Osenseï. En revanche d'après les nombreux récits que j'ai lus ou recueillis, j'ai une idée claire de la façon dont il enseignait. Et Shimizu senseï enseigne quasiment de la même façon. Il projette son partenaire avec des techniques variées puis fait pratiquer la dernière de la série. Il observe d'un regard aiguisé tous les pratiquants mais corrige peu.
C'est une façon de faire qui, sans doute, ne facilite pas le travail des élèves. Jusqu'à aujourd'hui elle reste pourtant la seule qui ait permis l'émergence d'adeptes du plus haut niveau. Et cela fonctionne bien pour le Tendokan car l'ambiance du dojo est très familiale et les anciens prennent les débutants en main avec gentillesse et attention.
L'écart entre le vu et le vécu
Seuls les génies des arts martiaux sont capables de sentir ce qui se passe simplement en observant une démonstration. La plupart doutent qu'il soit possible de voir ce qui se passe en regardant un film. Avec Shimizu senseï j'eu une fois de plus la preuve de mes limites et de mon incapacité à saisir la finesse d'un travail en vidéo.
En voyant quelques films de lui j'avais eu la sensation qu'il avait un Aïkido puissant. Je fus d'autant stupéfait en passant entre ses mains par sa souplesse et la délicatesse de sa pratique. Il est impossible de résister tout simplement parce que son Aïkido repose sur une finesse technique incroyable. Finesse que j'avais été incapable de saisir à l'œil nu.
Protéger les fondements de l'Aïkido
Shimizu senseï expliqua que lorsqu'il fut invité en Europe la première fois il y a plus de trente ans, de nombreux pratiquants d'Aïkido vinrent à son stage. Parmi eux de nombreux premier et deuxième dan, grades relativement rares à l'époque. Lorsqu'il les vit pratiquer il leur dit qu'ils ne pratiquaient pas l'Aïkido. "Comment? Vous dites que mon senseï, maître X qui est japonais et tel grade ne pratique pas l'Aïkido?" Il leur répondit: "Je ne sais pas si ton maître pratique ou pas l'Aïkido, ce que je sais c'est que ce que tu fais n'est pas de l'Aïkido."
"Le Judo d'aujourd'hui est l'opposé absolu de la pratique de ses fondateurs. Ses principes mêmes ont disparus et les premiers maîtres ne reconnaitraient pas leur discipline. Il est important que cela n'arrive pas à l'Aïkido. Ma pratique est différente de celle d'Osenseï car mon âme et mon corps sont différents mais les fondements en sont les mêmes et c'est cela qu'il faut protéger."
Efficacité martiale
Shimizu senseï était un bagarreur dans sa jeunesse. Il m'a avoué lui-même à plusieurs reprises qu'il avait un tempérament très fougueux.
"Lorsque je suis arrivé à l'Aïkikaï j'avais un caractère… difficile. Je ne chutais pas pour rien même avec les enseignants et les uchi deshi et, après que je les ai bloqués, plus aucun ne venait travailler avec moi. Le seul qui me passait les techniques était Tamura senseï."
Shimizu senseï démontre souvent lors de ses cours des formes anciennes qui ne sont plus pratiquées aujourd'hui, sutemi, kaeshiwaza et manières dévastatrices de passer la technique sur des partenaires qui bloquent…
Stage
Shimizu senseï sera en France les 4 et 5 juillet. J'espère que les pratiquants ne manqueront pas l'occasion d'aller voir ce maître que j'apprécie particulièrement, l'un des derniers géants de l'Aïkido.
Notes: Au fil de mes rencontres avec les maîtres mes notes se sont accumulées. La plupart sont issues d'entretiens privés mais certaines viennent aussi de cours. Je n'ai pas enregistré ces entretiens et les écris généralement de mémoire ou sur la base de brèves notes. Il est donc possible que des erreurs se soient glissées dans ces retranscriptions mais j'ai pensé que l'intérêt des réponses dépassait le risque de mes erreurs. Je prie toutefois les lecteurs de ne prendre cela que comme une conversation rapportée qui pourrait nourrir des réflexions et non comme paroles d'évangiles.
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