André Cognard, l'ouverture au monde
A travers les divers projets que je mène tels que les Hors-séries Aïkido, les Nuits des Arts Martiaux Traditionnels et les Taïkaïs, je suis amené à être en lien avec de nombreux adeptes. Chaque relation est unique et possède sa propre richesse, mais il y en a une que j'apprécie particulièrement, c'est celle qui s'est tissée au fil du temps avec maître Cognard.
André Cognard a débuté la pratique alors même que je n'étais pas né. A la tête de la plus ancienne organisation d'Aïkido en France, enseignant dans le monde entier, auteur de nombreux livres, il a tous les attributs extérieurs du succès. Le genre de chose qui peut facilement vous couper du monde, et vous amener à agir de façon hautaine. C'est l'absolu contraire. Malgré son emploi du temps surchargé Cognard senseï sait se rendre disponible. Loin de s'enfermer dans une bulle, il reste ouvert à ce qui se passe dans le monde de l'Aïkido, encourageant, aidant autant qu'il le peut. A travers chacun de ses actes, ses écrits, et les discussions que j'ai pu avoir avec lui, j'ai découvert sa connaissance et son amour profonds pour l'Aïkido.
L'ouverture au monde
Sûr de son identité, André Cognard n'a pas besoin de se protéger, s'enfermer et critiquer. En ce sens il préserve l'un des enseignements de son maître, Kobayashi Hirokazu. Voici ce qu'il dit sur le sujet dans sur Aikidojournal:
He helped everyone do aikido including those with whom he disagreed. It was one of his principles. "Too bad if we don't agree, it doesn't matter. He's here to practice aikido, if he supports O-Sensei's name, if he honors O-Sensei, okay we can help him." That was really his point of view.
Faisant vivre ce principe, André Cognard partage ses réflexions tout en s'ouvrant à celles des autres. Outre ses livres, il contribue régulièrement à l'Aikido Journal. Vous pouvez lire nombre de ses contributions ici.
Ne manquez pas non plus les deux premières parties d'une longue interview de maître Cognard que Stanley Pranin a publié sur son site. Partie 1, et partie 2.
Dans sa recherche du sens de l'enseignement de son maître, Cognard senseï a aussi étudié de nombreuses autres voies. Si cela a sans aucun doute approfondi sa compréhension de l'Aïkido, cela a aussi attiré à sa discipline des experts de nombreux autres domaines, faisant naître un mouvement positif à tous égards.
Voici enfin, deux extraits du premier article d'André Cognard pour les Hors-séries Aïkido.
"Aujourd’hui, certains pensent que l’Aïkido est divisé. Il y a ceux qui disent détenir l’Aïkido authentique, celui que faisait Osenseï. Il y a ceux qui pensent que l’Aïkido doit évoluer, a évolué. Heureusement que chacun pense que sa manière de faire l’Aïkido est la bonne sinon, pourquoi le ferait-il ainsi? Les élèves directs d’Osenseï faisaient déjà tous un Aïkido différent. Il est probable qu’en fonction de la période pendant laquelle ils furent proches du Maître, ils ne le virent pas enseigner les mêmes choses. Mais cela ne suffit pas à expliquer les différences de point de vue. Un maître authentique a de nombreux disciples et vit avec chacun une relation exceptionnelle. Ainsi, le point de vue de chaque disciple continuant à vivre avec lui, tous les points de vue du maître se propagent et mettent en évidence ce que fut sa recherche, son cheminement. Ainsi est transmise une voie au sens propre, c'est-à-dire pour chacun le droit de vivre librement son chemin personnel dans le respect des principes fondateurs de la pratique. C’est cela l’Aïkido, chacun fait le sien comme chacun fait sa vie. Chaque rencontre est unique et chaque rencontre nous fait être un peu plus. Je suis bien conscient que la technique d’Aïkido qu’enseignait mon maître différait déjà sensiblement de celle d’Osenseï. Leurs mondes intérieurs différaient forcément et chacune de leurs expériences d’aiki était unique. Mais il ne se référait qu’à Osenseï et ne dérogeait pas aux principes que celui-ci avait mis en évidence. Je fais un Aïkido qui est le mien. Je me contraints à être le plus fidèle possible à ce que j’ai reçu tout en sachant que je ne pourrai jamais faire son Aïkido car je ne suis pas lui. Ce que je dois trouver dans ma pratique n’est pas ce qu’il devait trouver dans la sienne car je n’ai pas à être lui. Les fantômes qu’il combattait ne sont pas ceux que j’ai à combattre. L’Aïkido n’est pas divisé. Il est unique en chaque pratiquant et nous avons besoin de tous les styles, toutes les sensibilités, pour que s’exprime ce qui fait le vrai Aïkido, cette voie vers l’unicité du sujet. Je suis heureux de penser que d’autres le conçoivent différemment de moi. J’essaie de me tenir au courant de la recherche des uns et des autres et je sais que mêmes les recherches que j’ignore, faites par des pratiquants que je ne connais pas, sont utiles à mon travail car elles participent à la construction d’une culture commune, d’une conscience indifférenciée de ceux qui veulent perpétuer l’œuvre d’Osenseï. Comment pourrions-nous nous dire Aïkidoka et ne pas respecter l’expérience relationnelle que tous les maîtres vivent avec ceux qui les suivent dans leurs voies? Il est facile et dangereux de confondre la loyauté à son maître avec la revendication d’une exclusivité de l’Aïkido. Cette loyauté est louable et nécessaire pour vivre l’expérience enrichissante de l’engagement. La revendication d’une quelconque exclusivité précipite l’Aïkido dans le gouffre de l’intolérance, à l’instar des intégrismes religieux. La pratique d’Osenseï est morte avec lui mais l’Aïkido continue à vivre car chacun puise à la source de son esprit fondateur l’inspiration pour conduire sa propre vie d’Aïkidoka."
Kobayashi Hirokazu et André Cognard
"Il m’est impossible de savoir ce qui vient de sa recherche personnelle (Kobayashi senseï) et ce qui correspondrait à une transmission restreinte à l’apport d’Osenseï mais cela ne m’intéresse guère. Si Osenseï s’était contenté de retransmettre exactement ce qu’enseignait Takeda Sokaku senseï, aucun d’entre nous ne ferait de l’Aïkido. Ce qui me semble essentiel, c’est d’avoir vécu une relation maître-disciple profonde, sincère, véritable. Ce que nous avons partagé, je souhaite à tout pratiquant de le vivre avec celui qu’il a choisi comme maître et il ne me viendrait pas à l’idée d’en critiquer, pas même d’en commenter la plus petite parcelle. L’Aïkido est bien vivant. Il évolue grâce aux efforts et à l’intensité des disciples de Saïto senseï, de Yamaguchi senseï, de Tamura senseï et, ne pouvant les citer tous je dirai, de tant d’autres. Vouloir dire comment les autres devraient faire l’Aïkido, c’est comme vouloir dire à quelqu’un ce qu’il doit ressentir devant la beauté de la nature ou devant une œuvre d’art. C’est comme vouloir imposer à un fils comment il doit aimer son père ou à un homme comment il doit aimer son épouse ou ses enfants.
Oui, les disciples d’Osenseï ont enseigné un Aïkido différent parce que chacun d’entre eux a vécu avec Osenseï une relation unique et a transmis à partir de cette expérience unique, faisant ainsi faire à leur tour à chacun de leur disciple l’expérience de soi-même. Oui, la pratique est là : essayer vraiment son mental, son corps et finalement son âme dans une relation avec celui que l’on élit comme maître, en se nourrissant de l’expérience de ce dernier.
L’Aïkido est multiple et n’a pas fini de se multiplier, comme tout ce qui vit. Ceux qui voudraient le standardiser en seraient les fossoyeurs."
André Cognard à la 8ème Nuit des Arts Martiaux Traditionnels et au 5ème Aïki Taïkaï
Maître Cognard avait un stage important programmé de longue date le week-end de la NAMT et du Taïkaï. Lorsque je lui ai proposé de participer à ces deux évènements, il a eu la très grande gentillesse de modifier le lieu du stage et son emploi du temps afin de pouvoir être présent et partager avec les pratiquants. J'espère qu'ils seront nombreux à aller à la découverte de ce grand adepte.