Pratique martiale, être efficace au-delà de soixante ans
« On disait que si l’on ne pouvait combattre à soixante ans, ce n’était pas une véritable pratique martiale. À présent les gens disent « Je n’ai plus l’âge. ». Bien, alors il suffit d’arrêter et de se mettre au ping-pong. Que devient l’exemple que nous ont montré les anciens ? Où va la tradition ? Si nos capacités disparaissent avec l’âge, c’est une simple activité sportive.
Bien sûr l’état physique influe. Mais la technique doit permettre de surpasser le déclin des qualités athlétiques. Le raffinement du geste permet de faire fonctionner le mouvement avec une amplitude plus courte, moins d’énergie. Cette année j’ai 75 ans. Je suis confiant dans le fait que je pourrai progresser en combat au moins jusqu’à 80 ans. C’est à moi aujourd’hui d’incarner ce modèle. Non pas pour rivaliser, mais pour inspirer comme je l’ai été. »
Kenyu Chinen
Interview complète dans le n°4 du magazine Yashima
(En kiosque le 15 mai, disponible sur abonnement en Version Exclusive)
Les traditions martiales sont nées pour augmenter les chances de survie de leurs adeptes. Si elles ont évoluées avec le temps, sublimant cet objectif pour devenir des voies de développement de l’homme, leur applicabilité reste un élément fondamental pour nombre de leurs plus grands représentants. Parmi eux, Kenyu Chinen, 9ème dan de Shorin ryu Karate et 9ème dan d’Okinawa Kobudo.
Le taureau d’Okinawa
Le pas assuré, irradiant une énergie sourde, maître Chinen scrute ses interlocuteurs avec bienveillance. Comme tous les adeptes qui ont derrière eux une vie de pratique, il sait en un instant à qui il a affaire et s’adapte. Mais sous ses airs débonnaires l’œil avisé percevra la puissance dévastatrice d’un combattant qui cumule six décennies de pratique.
Kenyu Chinen a commencé à pratiquer avec les légendes d’Okinawa, à l’âge d’or du Karate. Ayant étudié avec des maîtres pour qui l’efficacité martiale était au cœur du Budo, il met un point d’honneur à perpétuer un Karate qui permet à ses adeptes de faire face aux ravages du temps comme aux assauts d’un attaquant.
Kenyu Chinen et Thierry Michel
(par Julie Glassberg, pour le magazine Yashima)
Les secrets de longévité du Budo
C’est en étant stupéfait à 21 ans par les capacités martiales de Tamura Nobuyoshi, un « vieillard » de 62 ans à l’époque, que j’ai plongé dans l’Aïkido. Et j’eu par la suite la chance de rencontrer des dizaines de maîtres démontrant une efficacité hors de proportions avec leur âge. D’Okamoto Seïgo à Royama Hatsuo en passant par Hino Akira, chacun d’entre eux avait développé une méthode qui lui était propre. Mais leurs pratiques reposaient TOUTES sur trois éléments communs :
-une modification de l’utilisation du corps,
-un raffinement technique,
-une pratique délibérée.
Modification de l’utilisation du corps
Les qualités athlétiques du corps déclinent. Oui, un travail régulier permet de limiter de façon spectaculaire les ravages du temps. Il n’empêche que si certains adeptes ayant passé soixante-dix ans restent aussi mobiles et souples que des trentenaires, aucun ne court aussi vite qu’un jeune de vingt ans. Mais ce qui leur permet de faire face physiquement à de jeunes assaillants est la modification de l’utilisation du corps. Du travail de l’onde de maître Mochizuki à celui du Kyokotsu de maître Hino, chacun a réussi à développer une méthode aux résultats aussi impressionnants qu’indiscutables.
Raffinement technique
Il est passionnant d’observer un adepte âgé faire face aux attaques vigoureuses d’un jeune pratiquant. Aux gestes rapides et amples qui se succèdent, le maître répond par d’imperceptibles mouvements. Son expérience qui lui permet de lire dans son adversaire comme dans un livre ouvert lui laisse la marge de réaliser un mouvement plus lent mais qui, plus direct, touchera le premier.
Pratique délibérée
Les adeptes qui ont su passer outre les ravages de l’âge n’ont pas réussi simplement parce qu’ils ont cumulé les années et les heures de pratique. Ce sont leurs réflexions, leur présence à chaque instant de leur entraînement qui leur ont permis de se hisser parmi les géants du Budo.
De tout temps, nombreux sont ceux qui ont cru qu’il suffisait de passer du temps et verser de la sueur pour atteindre le haut niveau. Oui ces éléments sont indispensables. Mais ils ne sont rien sans une pratique délibérée, conscientisée. Car répéter inlassablement les mêmes gestes l’esprit absent revient à ânonner des prières en pensant au menu du déjeuner. C’est un spectacle désolant et une perte de temps pure et simple.
Bien entendu les capacités martiales extraordinaires des adeptes qui défient le temps ne se résument pas à ces quelques pistes. Leur expérience, leur force mentale, sont aussi autant de points qu’ils ont en commun. Simplement l’absence d’un des éléments précités dans le parcours et l’enseignement d’un adepte peuvent laisser présager des résultats très mitigés dans sa pratique comme celle de ses élèves.
Mochizuki Hiroo
(par Julie Glassberg, pour le magazine Yashima)
Inspiration
Les conditions extérieures sont telles que chaque pratiquants ne peut consacrer sa vie à suivre l’enseignement d’un géant du Budo. Pour autant les rencontrer est à la portée de tous. UN stage a changé ma vie. Quelle que soit votre discipline, faites l’effort d’aller à la rencontre d’un de ces adeptes qui défient le temps. De Mochizuki senseï à Chinen senseï, en passant par Hino senseï, chacun saura vous inspirer. De la même façon que ma première rencontre avec maître Tamura m’imprègne encore, le modèle qu’ils incarnent vous donnera un élan qui durera toute votre vie de Budoka.
À la rencontre des traditions d’Okinawa
Maître Chinen Kenyu participera à la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels et au Taïkaï 2019. Saisissez cette occasion exceptionnelle de venir admirer et pratiquer avec un géant du Budo.
Pour prolonger la lecture
Tamura Nobuyoshi, l'Aigle de l'Aïkido
Yashima, Au coeur du Japon éternel
Okamoto Seïgo, le maître de l'Aïki
Royama Hatsuo, trois maîtres pour une légende
Hino Akira, le tengu de Wakayama
Mochizuki Hiroo, le vieux Lion
Programme complet de la NAMT et du Taïkaï 2019