Entretien avec Hino senseï (5): kehaï, percevoir l'intention
Vous développez un travail axé sur la sensation. Comment travaillez-vous la perception de l'intention adverse?
Il y a beaucoup d'exercices qui permettent de développer cette capacité. Les techniques sur le triangle que nous avons travaillé la dernière fois en sont une application.
Percevoir l'intention est essentiel en combat réel car il n'y a pas le temps d'esquiver. On n'esquive en aucun cas. Mais cela n'est possible que si on sait percevoir le kehaï…
Est-ce une chose que l'on perçoit avec l'esprit ou que l'on sent avec le corps?
C'est une chose que l'on sent avec le corps. La tête réagit trop lentement. (rires)
Bien entendu au départ on utilise la tête, la conscience. On n'y peut rien. Mais peu à peu le corps réagit seul sans que la conscience intervienne. L'action terminée on ne sait pas ce que l'on a fait. C'est cela qui est correct.
Pas de véritable irimi sans saisie de l'intention
De tous les principes techniques de l'Aïkido Irimi est celui qui me semble aujourd'hui le plus important. Celui que je fais le plus travailler à mes élèves et que j'essaye le plus d'affiner dans ma pratique. C'est incroyable de voir à quel point irimi peut être contraire aux réflexes de plus de 95% des gens. Au départ le recul est probablement la réaction la plus habituelle. L'immobilité aussi, parfois. Et souvent, surtout lorsque les pratiquants ont un passé martial, en Aïkido ou dans une autre discipline, l'esquive.
"Irimi permet d'esquiver, esquiver ne permet pas de faire irimi."
C'est une phrase simpliste comme toutes les généralisations mais qui m'apparait pourtant importante et que je répète souvent aux élèves. Je considère qu'il est impossible de faire un irimi correct sans saisir l'intention de l'adversaire. Si nous décidons de faire irimi après avoir vu le départ de l'action nous devons nous reposer sur nos capacités athlétiques. Sans doute seront-elles suffisantes la plupart du temps. Mais l'âge, la fatigue, une blessure, les diminuent considérablement. Cela ne porte pas à conséquence aujourd'hui où notre vie est rarement en jeu mais on comprend pourquoi les samouraïs accordaient autant d'importance à la saisie de l'intention…
"Il y a beaucoup d'exercices qui permettent de développer cette capacité."
Le plus impressionnant, et que je n'oublierai jamais est celui où Hino senseï est en position de salut, son adversaire hors de son champ de vision l'attaquant avec un sabre. Sa capacité à saisir l'intention dans cette situation était stupéfiante. "Sentir avec le crâne." disait-il… J'ai sans doute trop de cheveux.
"Les techniques sur le triangle que nous avons travaillé la dernière fois en sont une application."
J'avais rapporté cet exercice dans cet article. Voici ce que j'écrivais alors:
"Nous sommes ensuite passés à un travail contre jodan tsuki, coup de poing au visage. En position naturelle, shizen taï, tori attend la frappe. Lorsqu'elle arrive à distance de bras il lève ses deux bras en extension, joints paume contre paume. Exécuté dans le temps cela dévie très efficacement l'attaque et permet de prendre le contrôle du centre du partenaire."
"Face à une attaque réalisée correctement et avec intensité l'exercice devenait assez difficile mais prenait tout son intérêt. Le travail du uke s'enrichit encore plus lorsqu'il esquivait dans le mouvement d'attaque lorsqu'il était pris par le mouvement de tori. Cela rejoignait alors ce que Hino senseï avait montré avec Isseï chez Brahim le vendredi. Le uke n'est plus alors une victime qui persiste dans une attaque vouée à l'échec. Situation malheureusement trop courante dans les pratiques martiales où les uke ont pour rôle de s'obstiner dans une situation sans issue."
J'étais totalement passé à côté du travail sur l'intention qui seul permettait de réaliser la technique dans le temps sans se précipiter…
"Mais peu à peu le corps réagit seul sans que la conscience intervienne. L'action terminée on ne sait pas ce que l'on a fait. C'est cela qui est correct."
Beaucoup de pratiquants utilisent trop leur intellect. Tout adepte qui aura abordé le combat de façon intense et sérieuse sait que celui-ci ne laisse absolument pas le temps à la réflexion. Plus encore lorsque l'attaque est soudaine et inattendue. Le combat se termine alors sans que l'on ait réellement été conscient, dans une sorte de transe.
J'avais apprécié la première moitié du "Dernier samouraï" mais pas la seconde. Il m'est toutefois arrivé plusieurs fois après m'être battu, aussi surprenant que cela puisse paraître, de revoir la scène au ralenti alors que tout venait de se terminer, de la même façon que le personnage après le combat qui l'oppose à plusieurs assaillants de nuit,.
Lorsque j'ai compris que la conscience était un frein j'ai cherché en travaillant le combat à ne pas fixer ma pensée. Je pense que c'est un point essentiel.
Hino senseï donnera un stage du 8 au 16 novembre à Paris et fera une démonstration exceptionnelle à la Nuit des Arts martiaux Traditionnels 09 (NAMT09).
Note: Je n'ai pas enregistré ces entretiens et les écrits de mémoire. Il est donc possible que des erreurs se soient glissées dans ces retranscriptions mais j'ai pensé que l'intérêt des réponses dépassait le risque de mes erreurs. Je prie toutefois les lecteurs de ne prendre cela que comme une conversation rapportée qui pourrait nourrir des réflexions et non comme paroles d'évangiles.
Il y a beaucoup d'exercices qui permettent de développer cette capacité. Les techniques sur le triangle que nous avons travaillé la dernière fois en sont une application.
Percevoir l'intention est essentiel en combat réel car il n'y a pas le temps d'esquiver. On n'esquive en aucun cas. Mais cela n'est possible que si on sait percevoir le kehaï…
Est-ce une chose que l'on perçoit avec l'esprit ou que l'on sent avec le corps?
C'est une chose que l'on sent avec le corps. La tête réagit trop lentement. (rires)
Bien entendu au départ on utilise la tête, la conscience. On n'y peut rien. Mais peu à peu le corps réagit seul sans que la conscience intervienne. L'action terminée on ne sait pas ce que l'on a fait. C'est cela qui est correct.
Pas de véritable irimi sans saisie de l'intention
De tous les principes techniques de l'Aïkido Irimi est celui qui me semble aujourd'hui le plus important. Celui que je fais le plus travailler à mes élèves et que j'essaye le plus d'affiner dans ma pratique. C'est incroyable de voir à quel point irimi peut être contraire aux réflexes de plus de 95% des gens. Au départ le recul est probablement la réaction la plus habituelle. L'immobilité aussi, parfois. Et souvent, surtout lorsque les pratiquants ont un passé martial, en Aïkido ou dans une autre discipline, l'esquive.
"Irimi permet d'esquiver, esquiver ne permet pas de faire irimi."
C'est une phrase simpliste comme toutes les généralisations mais qui m'apparait pourtant importante et que je répète souvent aux élèves. Je considère qu'il est impossible de faire un irimi correct sans saisir l'intention de l'adversaire. Si nous décidons de faire irimi après avoir vu le départ de l'action nous devons nous reposer sur nos capacités athlétiques. Sans doute seront-elles suffisantes la plupart du temps. Mais l'âge, la fatigue, une blessure, les diminuent considérablement. Cela ne porte pas à conséquence aujourd'hui où notre vie est rarement en jeu mais on comprend pourquoi les samouraïs accordaient autant d'importance à la saisie de l'intention…
"Il y a beaucoup d'exercices qui permettent de développer cette capacité."
Le plus impressionnant, et que je n'oublierai jamais est celui où Hino senseï est en position de salut, son adversaire hors de son champ de vision l'attaquant avec un sabre. Sa capacité à saisir l'intention dans cette situation était stupéfiante. "Sentir avec le crâne." disait-il… J'ai sans doute trop de cheveux.
"Les techniques sur le triangle que nous avons travaillé la dernière fois en sont une application."
J'avais rapporté cet exercice dans cet article. Voici ce que j'écrivais alors:
"Nous sommes ensuite passés à un travail contre jodan tsuki, coup de poing au visage. En position naturelle, shizen taï, tori attend la frappe. Lorsqu'elle arrive à distance de bras il lève ses deux bras en extension, joints paume contre paume. Exécuté dans le temps cela dévie très efficacement l'attaque et permet de prendre le contrôle du centre du partenaire."
"Face à une attaque réalisée correctement et avec intensité l'exercice devenait assez difficile mais prenait tout son intérêt. Le travail du uke s'enrichit encore plus lorsqu'il esquivait dans le mouvement d'attaque lorsqu'il était pris par le mouvement de tori. Cela rejoignait alors ce que Hino senseï avait montré avec Isseï chez Brahim le vendredi. Le uke n'est plus alors une victime qui persiste dans une attaque vouée à l'échec. Situation malheureusement trop courante dans les pratiques martiales où les uke ont pour rôle de s'obstiner dans une situation sans issue."
J'étais totalement passé à côté du travail sur l'intention qui seul permettait de réaliser la technique dans le temps sans se précipiter…
"Mais peu à peu le corps réagit seul sans que la conscience intervienne. L'action terminée on ne sait pas ce que l'on a fait. C'est cela qui est correct."
Beaucoup de pratiquants utilisent trop leur intellect. Tout adepte qui aura abordé le combat de façon intense et sérieuse sait que celui-ci ne laisse absolument pas le temps à la réflexion. Plus encore lorsque l'attaque est soudaine et inattendue. Le combat se termine alors sans que l'on ait réellement été conscient, dans une sorte de transe.
J'avais apprécié la première moitié du "Dernier samouraï" mais pas la seconde. Il m'est toutefois arrivé plusieurs fois après m'être battu, aussi surprenant que cela puisse paraître, de revoir la scène au ralenti alors que tout venait de se terminer, de la même façon que le personnage après le combat qui l'oppose à plusieurs assaillants de nuit,.
Lorsque j'ai compris que la conscience était un frein j'ai cherché en travaillant le combat à ne pas fixer ma pensée. Je pense que c'est un point essentiel.
Hino senseï donnera un stage du 8 au 16 novembre à Paris et fera une démonstration exceptionnelle à la Nuit des Arts martiaux Traditionnels 09 (NAMT09).
Note: Je n'ai pas enregistré ces entretiens et les écrits de mémoire. Il est donc possible que des erreurs se soient glissées dans ces retranscriptions mais j'ai pensé que l'intérêt des réponses dépassait le risque de mes erreurs. Je prie toutefois les lecteurs de ne prendre cela que comme une conversation rapportée qui pourrait nourrir des réflexions et non comme paroles d'évangiles.
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