Kono Yoshinori, la pratique martiale au service de l'art
Art martial. Le mot art revêt bien sûr ici le sens de technique et non de recherche esthétique. Si une pratique martiale peut être appréciée pour l'élégance de la sobriété de ses gestes, il ne s'agit que d'une conséquence et non d'un but en soi. Il existe pourtant des liens entre les Budo/Bujutsu et les activités artistiques classiques, notamment la danse et la musique. Hino Akira et Kono Yoshinori sont les deux fers de lance de ce mouvement qui lie deux des plus anciennes activités humaines.
Kono Yoshinori
Kono senseï est célèbre pour être régulièrement consulté par les sportifs professionnels des disciplines les plus diverses. Il a, grâce à sa subtile connaissance du corps humain issue de la pratique martiale, permis à nombre d'entre eux d'atteindre leur plus haut niveau en remettant en question leur entraînement traditionnel. Bien que son travail avec les artistes soit moins médiatisé, il n'y consacre pas moins une partie importante de son temps et donne notamment plusieurs séminaires mensuels à l'attention de musiciens et danseurs à Tokyo.
Ce soir-là le séminaire a lieu dans une célèbre école de musique à Shinjuku, au cœur de la capitale. Une quarantaine d'artistes professionnels sont présents. Certains sont des habitués tandis que d'autres rencontrent Kono senseï pour la première fois. L'ambiance est électrique et chacun attend avec impatience l'arrivée du plus célèbre maître d'arts martiaux de l'archipel.
Kono senseï débutera le stage par quelques exercices simples issus de la pratique martiale, montrant comment une modification de l'utilisation du corps augmente l'efficacité du geste. Il démontrera notamment comment le chemin qu'emprunte un membre jusqu'à une certaine position modifie la sensation dans la position finale et les muscles utilisés pour la conserver. Enseignement très important qu'il mettra en pratique peu après pour répondre aux questions de certains élèves.
Kono senseï démontra aussi comment aider à relever ou asseoir une personne impotente. A travers ces exercices et ceux issus de la pratique martiale il amena graduellement les participants à éveiller la sensibilité de leur corps et à leur faire prendre conscience de l'intérêt de l'utiliser dans sa globalité.
La première question vint d'une joueuse de flûte. Il apparaît que les flutistes professionnels, comme la majorité des musiciens, souffrent de nombreuses pathologies dues à la pratique quotidienne de leur instrument. Ce soir là la flutiste expliqua souffrir de tensions dans le bras et l'épaule droits. Kono senseï observa le geste, réfléchit quelques instants, fit quelques mouvements dans le vide puis demanda à une élève de l'assister. Utilisant son jo comme une flûte il prit position, comme s'il allait jouer, et demanda à l'élève de mettre sa main sous son coude afin de supporter la majeure partie du bras. Il imita brièvement les mouvements puis demanda à l'élève de retirer son appui. Il laissa alors descendre son bras qui adopta une étrange position. Il expliqua alors:
"Avant de jouer vous êtes dans une position naturelle confortable. C'est à partir de cette position, idéale pour le repos en station debout que vous montez votre flûte. Vous devez faire l'inverse et trouver une position de jeu naturelle. En vous faisant aider de quelqu'un qui vous soutiendra le bras vous devez chercher une position confortable pour jouer. Lorsque votre aide enlèvera sa main vous devez conserver cette sensation lors du retour à la normale. Votre bras sera alors dans une position inadaptée à l'attente debout. Bien sûr vous pouvez corriger cela immédiatement mais il faut que vous conserviez cette sensation quelques instants. Répétez l'exercice régulièrement jusqu'à intégrer cette position confortable de jeu."
La flûtiste essaya et finit le séminaire enchantée.
La question suivante vint d'une pianiste qui expliqua souffrir aussi de tensions, notamment lors de l'exécution de glissando, geste qui consiste à faire glisser le dos de la main sur chaque touche du piano dans sa longueur. Kono senseï l'observa, se fit expliquer la réalisation du mouvement, fit plusieurs essais puis réalisa plusieurs glissando.
Alors qu'il ne joue dans la vie quotidienne d'aucun instrument, les musiciens de l'assistance furent stupéfaits par la justesse de son exécution. Il démontra alors à la pianiste comment faire ce geste en utilisant le corps dans sa globalité au lieu de n'utiliser que le bras. Un problème récurrent dans les pratiques martiales.
Suivirent des questions posées par un joueur de batterie, un violoniste et… un professeur de danse hawaïenne. Chaque fois Kono senseï observa, analysa, testa et proposa une solution. Le voir confronté à des situations si variées auxquelles il répondait en utilisant sa connaissance intime du fonctionnement du corps humain acquise grâce à la pratique martiale fut aussi passionnant que distrayant.
L'instinct de survie est probablement le plus fort de ceux qui nous habitent. Il a donné naissance à la plus subtile des sciences du corps humain, la pratique martiale. Aujourd'hui les arts martiaux ne sont plus une question de survie. Ils n'en restent pas moins un réservoir inépuisable d'enseignements précieux. Grâce à des maîtres tels que Kono Yoshinori ou Hino Akira, l'activité humaine la plus destructrice est devenue une des sources de la plus créative. Un des plus beaux paradoxes de l'histoire humaine…
Kono Yoshinori donnera une série de
stages exceptionnels en Europe du 19 au 26 juin.