Questions sur la pratique de Hino senseï
"Bonjour Léo,
J'ai découvert le travail de Hino Akira au travers de ton site et je t'en remercie.
Ce qui me plait le plus est que, bien que les résultats soient déroutants, la méthode semble compréhensible et abordable. En le pratiquant par soit même, on peut même, assez rapidement, toucher du doigt la réalité de la chose.
Et du coup, je me pose quelques questions...
La puissance que parviens à développer Hino Akira dans ses mouvements correspond elle à l'énergie interne, le fameux Ki, des arts martiaux? Si oui, c'est bien la première fois que celà est appris librement au plus grand nombre.
Le Kokyu Ryokyu en Aikido est il une des applications des principes démontrés par Hino Akira ou est ce une source de 'puissance' supplémentaire ? Je penche pour la première option, sans quoi il va falloir augmenter la taille des dojos pour les projections :-)
Dans un interview, Hino Akira dit que les techniques ne sont rien. J'imagine qu'il faut comprendre qu'elles sont secondaires. Mais si 2 personnes qui s'affrontent ont le même niveau de maitrise dans la modification de l'utilisation du corps, la différence ne pourra se faire qu'au niveau technique et au niveau physique. En ce sens, la modification de l'utilisation du corps n'est elle pas 'simplement' une technique (redoutable) pour faire la différence contre une personne plus physique?
Hino Akira a démontré qu'en initiant ses mouvements depuis un point situé à proximité du sternum (ou au travers.. je n'ai pas la prétention d'avoir tout saisi soyons clair...) on pouvait développer une puissance décuplée. Depuis, je ne peux m'empêcher de percevoir ce mouvement chez d'autres maitres ou artistes martiaux:
- Bruce Lee lors de ses démonstrations de 'one-inch punch' donne bien l'impression de rentrer sa poitrine pendant la frappe.
- Shioda Sensei: on voit son épaule qui monte légèrement avant de transmettre la poussée
- Steven Seagal (heu, désolé..): bien que catalogué dans la rubrique grosses brutes, ses démonstrations d'antant en dojo sont convaincantes et efficaces. J'ai toujours noté que lorsqu'il entrait ses fameux Irimi à assomer un taureau, sa posture était particulière et surtout le mouvement de son buste. A y regarder de plus près, à l'éclairage des explications de Hino Akira, il me semble bien que le mouvement est initié au niveau du buste. Mais peut être souffre-je déjà de Hino-mania... :-)
Par contre, sur les vidéos de O Sensei, rien de m'a jamais semblé transparaitre de notable. L'imperceptible perfection ?
Merci encore de partager librement (et sans pub!!!) tes reflexions et nombreux interviews qui sont une aide précieuse pour apporter un recul indispensable sur notre pratique qui se limite pour la plupart d'entre nous au dojo et stages du coin (aussi sympatiques et dynamiques soient ils).
Willy"
Bonjour Willy,
"Ce qui me plait le plus est que, bien que les résultats soient déroutants, la méthode semble compréhensible et abordable."
En effet, la méthode de Hino senseï est simple à comprendre, même si elle est difficile mettre en œuvre, particulièrement au regard de la quantité de travail qu'elle demande notamment au début pour reprogrammer son corps, et développer de nouveaux circuits nerveux.
"En le pratiquant par soit même, on peut même, assez rapidement, toucher du doigt la réalité de la chose."
En effet, une grande partie du travail consiste en exercices à pratiquer seul, et les premiers résultats peuvent se faire sentir assez rapidement. Toutefois il est essentiel de sentir directement le travail, au risque quasiment inévitable de se faire de fausses idées. La variété des interprétations étant déjà souvent surprenante parmi les personnes présentes…
"Et du coup, je me pose quelques questions...
La puissance que parviens à développer Hino Akira dans ses mouvements correspond elle à l'énergie interne, le fameux Ki, des arts martiaux? Si oui, c'est bien la première fois que celà est appris librement au plus grand nombre."
Le ki est un terme populaire en occident, et qui a aussi été utilisé par de très rares adeptes pour attirer le grand public de l'archipel. De mon expérience, ce n'est EN AUCUN CAS un terme employé habituellement dans l'enseignement martial au Japon. De même, l'expression énergie interne ne fait pas partie du vocabulaire employé couramment dans la pratique martiale traditionnelle japonaise.
La personne qui a le plus parlé de ki au niveau de la pratique martiale dans l'archipel est Toheï Koichi. Et il l'a fait pour s'adresser au grand public. Mais encore une fois, c'est une exception.
Pour ce qui est de Hino senseï, je ne crois pas que le terme puissance soit le plus approprié pour parler de ses mouvements. Il est en effet difficile d'y résister, mais non pas à cause de la puissance dégagée. La sensation est très intéressante, et c'est pourquoi j'indiquai qu'il valait mieux aller expérimenter. En fait il s'agit généralement de mouvements dont l'action s'exerce sur nous d'une façon qu'il nous est difficile d'y réagir.
Hino senseï dit d'ailleurs dans sa première interview : "La puissance n'est pas du tout un élément fondamental.".
"Le Kokyu Ryokyu en Aikido est il une des applications des principes démontrés par Hino Akira ou est ce une source de 'puissance' supplémentaire ? Je penche pour la première option, sans quoi il va falloir augmenter la taille des dojos pour les projections :-)"
Si le terme kokyu ryoku possède une traduction littérale, ses manifestations et explications peuvent être très variables selon les enseignants. Ce que j'ai ressenti en recevant les mouvements de Hino senseï est en tout cas différent de ce que j'ai pu ressentir chez les autres maîtres que j'ai rencontrés. Attention, il n'y a rien de surhumain, et lorsque j'indique différent, je ne signifie pas que c'est supérieur en quelque sens que ce soit. Simplement je pense qu'une partie des principes qu'il utilise n'étant pas utilisée par les autres experts que j'ai rencontrés, la sensation est donc unique.
"Dans un interview, Hino Akira dit que les techniques ne sont rien. J'imagine qu'il faut comprendre qu'elles sont secondaires. Mais si 2 personnes qui s'affrontent ont le même niveau de maitrise dans la modification de l'utilisation du corps, la différence ne pourra se faire qu'au niveau technique et au niveau physique. En ce sens, la modification de l'utilisation du corps n'est elle pas 'simplement' une technique (redoutable) pour faire la différence contre une personne plus physique?"
Sans doute faut-il relativiser. Hino senseï dit d'ailleurs en parlant des katas, les "mémos" techniques :
"Les katas sont extrêmement importants. On ne peut pas pratiquer un kata ou une technique de la manière qui nous plaît. Le kata impose un mouvement précis pour une raison précise. Et on doit chercher le sens de ce travail avec son propre corps.
Dans tel kata on va bouger comme cela, en Yagyu on va bouger ainsi… et il faut chercher, avec le corps et non pas la tête, les raisons de tel ou tel mouvement, le sens de ce travail. Ce sont des éléments pédagogiques indispensables. Pratiquer sans ces fondements revient à vouloir écrire sans connaître l'alphabet."
Le passage sur la technique dit :
"Il ne faut donc pas se reposer sur une efficacité purement technique.
Absolument. Lorsque j'enseigne je résume souvent le problème ainsi: j'attaque, vous bloquez durement, j'ai mal et mon bras est sans doute brisé. L'amertume est inévitable…
Une victoire temporaire qui ne brise pas le cycle de la violence n'est pas le résultat de l'étude du Budo.
Il ne faut absolument pas chercher à faire mal. La victoire est sans importance. Il faut chercher à toucher l'esprit, les sentiments de l'adversaire. Lui infliger des dommages physiques est sans intérêt."
Je crois que Hino senseï n'est pas intéressé par une technique qui ne serait qu'une chorégraphie sans profondeur, une coquille vide. En revanche il est très précis techniquement, et le montre à l'occasion, comme à Bruxelles lors de son dernier passage en Europe où il a fait travailler des applications de son kata favori. C'est toutefois rare car le public qui vient à ses stages travaille déjà des éléments techniques dans sa discipline, et Hino senseï insiste donc sur des principes qui peuvent être utilisés de façon transversale. Charge à chacun de les appliquer dans son cursus technique, et au-delà dans chaque instant de sa vie.
"Hino Akira a démontré qu'en initiant ses mouvements depuis un point situé à proximité du sternum (ou au travers.. je n'ai pas la prétention d'avoir tout saisi soyons clair...) on pouvait développer une puissance décuplée. Depuis, je ne peux m'empêcher de percevoir ce mouvement chez d'autres maitres ou artistes martiaux:
- Bruce Lee lors de ses démonstrations de 'one-inch punch' donne bien l'impression de rentrer sa poitrine pendant la frappe.
- Shioda Sensei: on voit son épaule qui monte légèrement avant de transmettre la poussée
- Steven Seagal (heu, désolé..): bien que catalogué dans la rubrique grosses brutes, ses démonstrations d'antant en dojo sont convaincantes et efficaces. J'ai toujours noté que lorsqu'il entrait ses fameux Irimi à assomer un taureau, sa posture était particulière et surtout le mouvement de son buste. A y regarder de plus près, à l'éclairage des explications de Hino Akira, il me semble bien que le mouvement est initié au niveau du buste. Mais peut être souffre-je déjà de Hino-mania... :-)"
Hino senseï invite à se concentrer sur le sternum. C'est une base de son travail, mais qui amène à des applications très intéressantes. La génération de mouvement peut ensuite se faire à partir de n'importe quel endroit du corps.
Je ne saurai dire qui utilise ou pas le sternum, et si cela est fait consciemment ou pas. Il est toutefois probable que ce soit un élément que l'on retrouve ailleurs, de façon plus ou moins marquée.
"Par contre, sur les vidéos de O Sensei, rien de m'a jamais semblé transparaitre de notable. L'imperceptible perfection ?"
En effet, cela ne semble pas visible sur les mouvements d'Osenseï. Soit il ne l'utilisait pas, soit cela était fait de façon invisible. Hino senseï démontre parfois l'étape supérieure, avec un mouvement invisible du sternum. Le processus et l'effet sont là, mais ils ne sont pas visibles de l'extérieur. C'est évidemment le but afin d'être aussi rapide que possible, et de ne pas être perçu. Au quotidien le mouvement est exagéré dans les cours et démonstrations pour faciliter le travail.
"Merci encore de partager librement (et sans pub!!!) tes reflexions et nombreux interviews qui sont une aide précieuse pour apporter un recul indispensable sur notre pratique qui se limite pour la plupart d'entre nous au dojo et stages du coin (aussi sympatiques et dynamiques soient ils)."
Je t'en prie. Merci pour la lecture, bonne pratique et bonnes réflexions !
Léo
Hino senseï reviendra en mai (informations à venir) et en juillet. Informations ici.