Retour de deux semaines de pratique intensive au Japon
Je profite des quelques heures qui séparent mon retour de deux semaines au Japon de mon départ pour une semaine au Shumeïkan, à Bras, pour passer quelques instants derrière le clavier.
Masters Tour Sakura
Lors des Masters Tours, j'ai généralement à cœur de présenter le travail d'un grand nombre d'adeptes aux personnes qui m'accompagnent au Japon. Cette fois-ci le voyage était un peu particulier dans la mesure où le groupe était composé exclusivement d'élèves du Shinbukan, l'école de maître Kuroda.
Ce sont donc tous les cours hebdomadaires de Kuroda senseï ainsi que des cours particuliers que lui et Kono senseï nous ont prodigués, que nous avons suivis durant deux semaines. Je désirai aussi voir Hino senseï mais malheureusement nous n'avons pu harmoniser nos emplois du temps surchargés.
Kono senseï nous a, une fois de plus, généreusement reçu chez lui. Virevoltant, il nous a démontré de nombreux exercices, notamment un qu'il a développé récemment et qui est très impressionnant.
Le bras en l'air il laisse une personne se positionner sous son coude et le tenir vers le haut à deux mains. Il descend alors son bras avec une puissance phénoménale qui n'a laissé aucune chance à tous les présents, quelles que soient les dizaines d'années de moins, et les dizaines de kilos de plus que senseï. Il faut dire qu'il a récemment démontré ce travail sur un champion de Judo et un lutteur de Sumo professionnel. Il semble d'ailleurs que, suite à sa rencontre avec maître Kono, et contrairement au but recherché, le lutteur de Sumo ait perdu toute confiance en ses capacités. Ce n'est heureusement pas le cas de tous les champions dont les performances sont très souvent améliorées après leur rencontre avec lui.
Je me suis demandé si le fait qu'il s'agisse d'une pratique apparentée n'ait pas rendu le choc plus important que pour d'autres. Un pongiste ou un sprinteur est sans nul doute impressionné par ce que fait maître Kono, mais cela ne remet pas obligatoirement directement en cause ce qu'il a fait jusqu'à présent. A l'inverse lorsqu'il s'agit de pratiques martiales ou apparentées, on peut avoir le sentiment de s'être engagé sur une route sans issue…
La majorité de la pratique s'est toutefois faite sous la direction de maître Kuroda. Le temps passant, les adeptes capables de m'enthousiasmer se font plus rares. Lorsque je suis parti étudier au Japon à 24 ans, j'ai suivi pendant un temps les cours de tous les maîtres de l'Aïkikaï et de certains en dehors. Près de quinze ans plus tard, je ne porte plus le même intérêt à tous. Il y a toujours un immense respect mais, avec les années, mes choix de pratique se sont faits plus précis.
Comme toujours, les cours se sont partagés entre travail d'exercices issus des enchaînements, destinés à mettre l'accent sur le travail spécifique de telle ou telle utilisation du corps, et pratique des katas.
Grande satisfaction
En deux semaines de pratique intensive il est habituel que l'on progresse. Qu'on le remarque soi-même ou non. Cela est la plupart du temps d'ordre général, et ce sont d'ailleurs les progrès les plus profonds car, arriver à mieux faire une technique s'apparente à un "truc", une recette de cuisine. Tandis qu'une véritable évolution se ressent dans tous les mouvements réalisés.
Cette fois-ci une des choses qui m'a apporté le plus de joie a été la capacité de réaliser UN mouvement particulier dans un kata. Le Shinbukan est composé de cinq ryu. Chaque école possède un certain nombre de katas et on en dénombre grossièrement 200. Maître Kuroda m'en a enseigné près de 90 mais c'est un euphémisme de dire que je ne peux en aucun cas prétendre les connaître. Parmi ces katas l'un d'eux me posait particulièrement problème, le 3ème de la série au jutte. Depuis plusieurs années que je l'avais appris, je n'avais pas été capable de le faire fonctionner, ne serait-ce qu'une fois. Il n'est pas rare que des katas ou de simples exercices m'aient demandé plusieurs années de travail avant d'obtenir un début de résultat, mais pour celui-ci j'avoue que j'avais bêtement abandonné. J'en travaillais tout au plus la forme rapidement de temps à autre. Aussi lundi quand Kuroda senseï est venu vers moi et m'a demandé de le travailler je fus très dépité, et m'apprêtais à passer une demi-heure de frustration. C'est alors qu'après m'avoir vu pratiquer quelques instants il m'a donné une indication qui a éclairé le kata. Une chose à laquelle je n'avais jamais pensé et qui, après quelques essais, m'a permis de le faire fonctionner!
Komagawa Kaïshin ryu jutte
Il aurait bien sûr été de loin préférable que je découvre comment réaliser le kata seul. Seulement celui-ci était depuis si longtemps ma bête noire que j'en ai éprouvé une joie aussi infantile qu'immense.
Naginata
Dans l'école de Kenjutsu du Shinbukan, la Komagawa Kaïshin ryu, l'apprentissage débute par les formes au ken, puis au jutte, au kodachi, au naginata, aux deux sabres, etc… J'avais récemment débuté l'étude des deux sabres mais je n'avais jamais pratiqué le naginata car il manquait toujours soit un partenaire, soit le matériel. Lors de ce Masters Tour j'ai finalement pu apprendre les quatre premiers katas de cette arme et cela m'a aussi apporté beaucoup de plaisir.
Je n'avais pas eu l'occasion de voir Kuroda senseï pratiquer le naginata depuis mes débuts, mais cela m'avait particulièrement impressionné. Notamment sa capacité à l'utiliser à distante courte aussi bien que longue. Senseï m'a en outre prêté son naginata qui est dans sa famille depuis plusieurs générations et, outre l'aspect émouvant et presque historique, l'arme est d'une qualité stupéfiante.
Komagawa Kaïshin ryu kodachi
Si l'on ajoute à cela le travail du Iaïjutsu que senseï n'enseigne qu'au Japon et uniquement pendant les cours réguliers, je dois dire que je suis reparti plus qu'heureux des quelques progrès et de la quantité de matériel à travailler.