Paroles du passé, mon avis sur l'Aïkido... hier
Ayant quelques soucis avec ma boîte mail, j'ai dû aller faire du "nettoyage" manuellement. Et je suis retombé sur certains échanges intéressants. Notamment celui-ci qui date de 2005, il y a douze ans.
"Salut Jacques,
Quelques lignes pour répondre à ta question sur l'année prochaine et ce que je compte faire.
Cet été j'irai donc à Lesneven et dès le lendemain de mon retour je partirai à Tokyo. J'y serai jusqu'au 23 août.
Durant mon séjour je pense pouvoir voir Kuroda senseï
(…)
Concernant l'Aïkido je compte passer mon 4ème dan.
Pas parce que le grade m'importe.
Mais parce que je vis en partie de l'enseignement et que malheureusement cela joue un minimum.
Je pense pouvoir faire au moins aussi bien que ce que j'ai vu hier...
Mais surtout parce que je me pose de plus en plus de questions par raport au tavail de l'Aïkido "classique", dans le sens de "plus répandu".
Pas par rapport à Tamura senseï.
Mais à presque tous les autres.
J'ai par exemple la sensation que nous pratiquons beaucoup de techniques en "contraintes".
Je trouve aussi surtout que nous sommes toujours dans l'extension, le "yang", le travail "positif" avec en réalité peu de travail sur le vide ou l'absorption...
Bref j'ai de moins en moins de certitudes et ce que je cherche ne m'aidera sûrement pas à passer le 4ème dan où l'on demande un travail standard, clair, ample et presque sportif.
C'est pourquoi j'ai finalement renoncé à aller au stage de Kuroda senseï en novembre et que jusqu'à mon passage je ne travaillerai qu'un minimum sur son enseignement.
C'est une raison pour lesquelles je voudrais passer mon grade au plus vite.
Pour pouvoir chercher et travailler librement.
(…)
Concernant pour finir la fédé et ses comités techniques, ou quoi que ce soit du genre j'en ferai partie tant que toi ou Toshiro me le demanderez.
Mais rien de tout cela ne m'intéresse.
Pour moi les arts martiaux ne font pas bon ménage avec les fédés.
L'enseignement des arts martiaux, japonais en tout cas, suit un schéma qui est diamétralement opposé aux comités, associations et fédérations en tous genres.
Je crois aussi qu'on ne peut pas faire d'enseignement de masse.
Je ne vois pas le bien que les fédés ont fait au Judo, Karaté, Taekwondo, Aïkido ou autre...
Standardisation, perte d'autonomie et le pire, des décisions prises par des gens sans compétences sous couvert de démocratie...
Quand je vois (…) ou (…) parler de technique...
Au Japon il n'y a pas de fédérations dans le sens où on l'entend ici.
Et quand il y en a il y en a une par groupe.
Et les décisions sont prises par le maître où ceux à qui il délègue.
Il n'y a ainsi pas de divergences.
Et le jour où il y en a, un nouveau groupe apparaît.
On ne perd donc pas de temps en politique stérile et jeux de couloirs...
Quand je vois les passages de grades, 1ers, 2èmes, etc et même les nominations aux 5èmes, aux postes de CEN ou autres, je ne veux rien avoir à faire là-dedans.
(…)"
Le mail est adressé à mon premier enseignant d'Aïkido, Jacques Bardet. Si nos chemins se sont aujourd'hui séparés pour diverses raisons, Jacques fut un élément essentiel dans mon cheminement à mes débuts en Aïkido, et je lui en serai toujours reconnaissant.
"Cet été j'irai donc à Lesneven et dès le lendemain de mon retour je partirai à Tokyo. J'y serai jusqu'au 23 août.
Durant mon séjour je pense pouvoir voir Kuroda senseï
(…)"
L'e-mail date de juin 2005. Dix ans après mes débuts en Aïkido. Quatre ans après mon retour de mon premier séjour de trois ans au Japon. Un an après ma rencontre avec Kuroda senseï.
Lesneven était le stage d'été du mois de juillet de Tamura senseï. Un moment fort de l'année dont je garde aujourd'hui encore des souvenirs émus.
Chaque année je retournai une ou deux fois au Japon pour pratiquer. L'été 2004 j'avais commencé à étudier avec maître Kuroda, ma seconde rencontre la plus importante de budoka après maître Tamura.
"Concernant l'Aïkido je compte passer mon 4ème dan.
Pas parce que le grade m'importe.
Mais parce que je vis en partie de l'enseignement et que malheureusement cela joue un minimum.
Je pense pouvoir faire au moins aussi bien que ce que j'ai vu hier...
Mais surtout parce que je me pose de plus en plus de questions par raport au tavail de l'Aïkido "classique", dans le sens de "plus répandu".
Pas par rapport à Tamura senseï.
Mais à presque tous les autres."
Relire ce message a été très intéressant car il m'a permis de constater à quel point j'avais eu tôt des "doutes" quant à la pratique de l'Aïkido mainstream. A vrai dire j'en avais même avant de commencer, et c'est uniquement la rencontre avec Tamura senseï qui m'a convaincu de la valeur de la discipline. Pour le reste, plus j'étais immergé dans le monde de l'Aïkido, plus je constatais malheureusement que mes préconceptions s'avéraient fondées.
"J'ai par exemple la sensation que nous pratiquons beaucoup de techniques en "contraintes".
Je trouve aussi surtout que nous sommes toujours dans l'extension, le "yang", le travail "positif" avec en réalité peu de travail sur le vide ou l'absorption..."
Sensation que j'ai aujourd'hui encore avec la plupart de l'Aïkido que je peux observer. Et cela souvent même lorsque la forme serait adaptée à un travail en vide, relâchement.
"Bref j'ai de moins en moins de certitudes et ce que je cherche ne m'aidera sûrement pas à passer le 4ème dan où l'on demande un travail standard, clair, ample et presque sportif.
C'est pourquoi j'ai finalement renoncé à aller au stage de Kuroda senseï en novembre et que jusqu'à mon passage je ne travaillerai qu'un minimum sur son enseignement.
C'est une raison pour lesquelles je voudrais passer mon grade au plus vite.
Pour pouvoir chercher et travailler librement.
(…)"
S'il faut s'appuyer sur des hypothèses, et que l'on a de plus en plus confiance en celles-ci à mesure que le temps passe, il faut toujours se garder des certitudes. J'ai été heureux de lire que, même jeune, impertinent et stupide, je me gardais d'en avoir trop.
"Concernant pour finir la fédé et ses comités techniques, ou quoi que ce soit du genre j'en ferai partie tant que toi ou Toshiro me le demanderez.
Mais rien de tout cela ne m'intéresse.
Pour moi les arts martiaux ne font pas bon ménage avec les fédés.
L'enseignement des arts martiaux, japonais en tout cas, suit un schéma qui est diamétralement opposé aux comités, associations et fédérations en tous genres.
Je crois aussi qu'on ne peut pas faire d'enseignement de masse.
Je ne vois pas le bien que les fédés ont fait au Judo, Karaté, Taekwondo, Aïkido ou autre...
Standardisation, perte d'autonomie et le pire, des décisions prises par des gens sans compétences sous couvert de démocratie...
Quand je vois (…) ou (…) parler de technique..."
Oui j'ai été partie prenante d'une fédération, et ait participé un temps activement à son fonctionnement. Sans illusions déjà, loin avant la mort de Tamura senseï.
"Au Japon il n'y a pas de fédérations dans le sens où on l'entend ici.
Et quand il y en a il y en a une par groupe.
Et les décisions sont prises par le maître où ceux à qui il délègue.
Il n'y a ainsi pas de divergences.
Et le jour où il y en a, un nouveau groupe apparaît.
On ne perd donc pas de temps en politique stérile et jeux de couloirs...
Quand je vois les passages de grades, 1ers, 2èmes, etc et même les nominations aux 5èmes, aux postes de CEN ou autres, je ne veux rien avoir à faire là-dedans.
(…)"
Tout est loin d'être parfait au Japon. Mais certaines choses sont en effet plus simples.
Je savais que j'avais été désabusé bien avant la mort de Tamura senseï, mais je ne me souvenais pas que cela datait de si loin, et était si clair à l'époque. Entendons-nous bien, tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Les fédérations ont du bon, et beaucoup de gens que j'apprécie en sont encore partie intégrante. En revanche il est clair que je suis infiniment plus heureux aujourd'hui au sein de l'école Kishinkaï dont le fonctionnement me semble idéal pour la transmission de l'Aïkido de la façon que j'estime la plus adaptée.
J'aime vivre dans le présent, et je me penche rarement sur le passé. Mais je suis content d'avoir fait ce voyage temporel. D'avoir vu que mes convictions passaient l'épreuve du temps. De constater que le chemin parcouru. Allez, je retourne travailler ;-)