Notre responsabilité de Budoka
J’ai à plusieurs reprises évoqué la nécessité d’avoir des enseignants amateurs, semi-professionnels, et professionnels. Chacun, à sa façon et son niveau, est un maillon de la chaîne de transmission d’une discipline. Que l’un vienne à manquer, et le fragile équilibre qui permet la survie d’une pratique est gravement menacé.
Être professionnel est gratifiant à divers niveaux. Parce que l’on vit de sa passion, parce qu’un certain nombre de personnes vous manifeste de l’estime et de la reconnaissance pour votre habileté, vos efforts, etc. Mais être professionnel c’est surtout… des devoirs.
par Julie Glassberg, pour Yashima
« Notre responsabilité de Budoka »
Chinen Kenyu est l’un des géants d’Okinawa. Pionnier du Kobudo de l’archipel en France, il est 9ème dan de Shorin ryu Karaté, et 9ème dan de Kobudo. Voici ce qu’il considère comme le devoir d’un professionnel :
« Mais il ne faut pas d’entraînement particulier pour s’endurcir et pouvoir faire de la casse. La casse est simplement le résultat d’un corps qui a été correctement développé par la pratique et peut générer une force destructrice dans l’instant. Je brisais trois planches simultanément lors de mes démonstrations, sans avoir jamais fait de travail spécifique.
Vous n’avez jamais eu de mauvaises surprises ?
Si j’ai eu des fiascos. (Rires) Je me suis brisé des os ! Mais toujours lorsque j’étais seul. Avec un public, je n’ai jamais eu de soucis. La tension que crée une audience permet de se dépasser. Mais le pire a été à cause des kama. À l’époque j’étais très fatigué, je déménageais et j’ai fait une démonstration où je manipulais les kama attachées par une corde. Pam pam pam, tout se passe bien et je termine. Je salue et normalement à cet instant les applaudissements fusaient. Mais ce jour-là, silence total. Je me suis alors rendu compte que je me tenais au milieu d’une mare de mon sang. Lors d’un des mouvements circulaires une kama avait déchiré mon pantalon et pénétré ma cuisse sur plus de 4cm. Je suis allé à l’hôpital, et le médecin m’a dit qu’il allait me recoudre sans anesthésie. J’étais très surpris car on pouvait rentrer les doigts dans la plaie. Dans les films on fait au moins boire un verre de whisky ! Mais il m’a dit que l’on guérissait plus vite ainsi. (Rires)
Bref, après m’être fait recoudre sans anesthésie, je suis parti le lendemain à Genève pour le tournage d’un film. Ce n’était pas un bon rôle car je devais perdre. Du matin au soir j’ai enchaîné les mawashi geri pour la scène quand tout à coup tout le monde s’est figé ! Les fils s’étaient brisés et j’étais inondé de sang. Tout le monde se demandait à quel point il fallait frapper fort pour que sa propre cuisse explose ! (Rires)
C’est rocambolesque ! Avez-vous d’autres anecdotes de ce type ?
Il y a eu beaucoup d’incidents, et ils avaient tous lieu lorsque je m’entrainais moins, que je me reposais sur ma jeunesse. Mais l’essentiel pour moi a été à chaque fois de tenir chacun de mes engagements. J’avais pris la décision de vivre en tant que professionnel, et ça signifiait entre autres que l’on puisse toujours compter sur moi.
Une fois j’avais été hospitalisé pour une jambe cassé, mais j’avais une démonstration. Je suis allé directement de Paris à Lille où avait lieu l’événement, me suis excusé, et j’ai fait ce que j’ai pu. Notamment de la casse… en coup de pied. (Rires)
Un pro est rémunéré, et ne doit en aucun cas mettre les gens qui l’engagent dans l’embarras. Aujourd’hui les gens pensent souvent que si on a un souci mais qu’on annule et ne prend pas le salaire prévu, tout va bien. c’est une attitude très légère et on ne doit pas se dégager de ses responsabilités ainsi. Ce n’était pas plaisant de voyager blessé, s’excuser devant les organisateurs et le public, et réaliser une démonstration diminué. Mais j’ai fait tout ce que je pouvais pour honorer le travail fait par les organisateurs, et les attentes d’un public qui avait payé pour venir. C’est notre responsabilité de budoka. »
Ces propos sont extraits d’une interview exclusive que Chinen senseï m’a accordée, et qui a été publiée dans le magazine Yashima.
Chinen Kenyu,
par Julie Glassberg, pour Yashima
Cruralgie, hernie inguinale, et autres accidents de parcours
J’ai, comme tout un chacun, été le sujet de divers soucis de santé. Le corps s’use, la fatigue s’accumule souvent, et les accidents arrivent parfois. Nul n’y échappe. Mais ce dont nous sommes responsables, est la façon dont nous faisons face à ces évènements.
Comme Chinen senseï, j’ai toujours considéré qu’un professionnel devait, coûte que coûte, assurer ses engagements. J’ai, il y a quelques années, été victime d’une cruralgie. Incapable de marcher, j’ai assuré plusieurs stages durant lesquels je montrais les mouvements, puis corrigeais assis voire allongé quand mon état le nécessitait. La saison dernière, j’ai été opéré d’une hernie inguinale. 12 heures plus tard je reprenais le Yoga, 24 heures plus tard je donnais cours, et 72 heures plus tard j’étais en stage.
Un stage implique une longue préparation en amont d’un ou plusieurs organisateurs (démarches administratives, location de salle, annonces, etc…). C’est aussi un événement important dans la vie d’un groupe. Enfin, des pratiquants prévoient souvent leurs déplacements en amont, réservant transports et logements. C’est pourquoi, comme maître Chinen, j’ai toujours fait l’impossible pour assurer un stage, ne m’inclinant que lorsque je risquais de contaminer un pan de population supplémentaire !
On n’est pas encore partis, qu’on est déjà pas arrivés…
Le 5 décembre prochain, un mouvement de grève perturbera la France entière. Reconductible, la SNCF a déjà anticipé son impact… en annulant les billets de nombre de voyageurs. Dont mon trajet pour Grenoble prévu le 6. Souhaitant absolument assurer le stage prévu chez Stéphane Mennessier, la seule solution viable a été de partir le 4. Sans savoir comment je rentrerai sur Paris !
Je l’avoue sans mal, si j’avais été amateur ou semi-professionnel, j’aurai annulé le stage. Mais je me targue d’être professionnel, et je me devais de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour assurer l'évènement coûte que coûte, et quels que soient les frais engagés. C’est chose faite et je donnerai même des cours supplémentaires mercredi, jeudi et vendredi.
Léo Tamaki à Grenoble, 4 au 8 décembre
Horaires
Mercredi 4, de 20h30 à 22h30 (Gières)
Jeudi 5, de 19h15 à 21h15 (Charnècles)
Vendredi 6, de 20h00 à 21h30 (Gières)
Samedi 7, de 9h30 à 12h00, et de 14h30 à 16h30 (Gières)
Dimanche 8, de 9h30 à 12h00 (Gières)
Lieu
Plaine des sports
Rue des sports
38610 Gières
260 chemin de l’Église
38140 Charnècles
Tarifs
Premier cours 20€
15€ par cours supplémentaire
Contact
Tel 06 76 94 30 15
Stage ouvert à tous les pratiquants d'arts martiaux, tous groupes, et tous niveaux.
Maître Chinen, légende du Budo
L’interview complète de maître Chinen Kenyu est disponible dans une version de 8 pages dans Yashima Classic, et 12 pages dans Yashima Exclusive. Une Édition spéciale a aussi été réalisée pour l’école Oshukaï. Ne manquez pas les leçons d’une vie de Budoka. Uniquement disponible en version papier.
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