L'avenir de l'Aïkido
"Nul doute que des structures ferment leurs portes, et personne ne peut s'en réjouir. Mais les groupes solides survivront. Les effectifs seront-ils un peu plus resserrés ? Sans doute. Mais autour d'un noyau plus déterminé, plus clair sur son engagement et ses motivations. Les effets directs du Covid sur l'Aïkido sont indéniables, mais bien moins importants que les problèmes de fond qui minent la discipline."
Voici quelques lignes écrites en juillet 2020 pour feu Aikido Journal qui avait interrogé divers enseignants sur leur vision pour le futur de l'Aïkido. Comme beaucoup à l'époque je crois, je n'imaginais pas que nous serions dans notre situation aujourd'hui. Ceci dit, je ferai les mêmes réponses à ces questions aujourd'hui.
La reprise de la pratique sous sa forme habituelle sera-t-elle possible à la rentrée ou devra-t-elle attendre le développent et la mise en place d'un vaccin efficace contre le SARS-CoV-2 ?
À l'heure où j'écris ces lignes, fin juillet, les recherches sur un vaccin contre le Covid19 sont en bonne voie. Il est néanmoins impossible qu'il soit à la fois validé, produit et distribué d'ici deux mois. Qu'en sera-t-il alors de la pratique ?
Naturellement tout dépendra de l'évolution de la pandémie. Pour la France, si les gestes barrières sont respectés et qu'elle est sous contrôle, il est alors probable que nous puissions continuer à pratiquer avec contact, sans obligation de porter le masque durant l'entraînement.
Concernant le masque, pour un individu en bonne santé, si l'on excepte les passages à très haute intensité (très rares dans la majorité des dojos d'Aïkido), il est même possible de le porter durant tout l'entraînement. C'est une option que l'on peut sérieusement considérer si l'on est en contact régulier avec des personnes fragiles.
Dans le cas où c'est le pratiquant lui-même qui est à risque, il faut alors considérer les situations au cas par cas. Un individu de 70 ans très sportif, pourra prendre une décision différente d'un autre de 55 ans souffrant d'obésité morbide et d'asthme.
Le risque 0 n'existe pas. Nous supposons toutefois qu'en traversant au feu rouge pour la circulation, nous avons peu de chances d'être victime d'un accident de la route. Le risque change si l'on voit une voiture s'approcher. Et on décide parfois de traverser au vert si aucune voiture n'est en vue.
L'Aïkido est une méthode d'auto-éducation. Si les conseils sont bienvenus, au final c'est à chacun de prendre ses décisions en s'informant et prenant le temps de la réflexion.
À titre personnel je pratique et enseigne aujourd'hui sans masque, mais respecte les gestes-barrières, et le porte dans les espaces clos. C'est un compromis qui me semble acceptable au vu de la situation actuelle. Quand elle viendra à changer, dans une direction ou l'autre, alors je m'adapterai au mieux.
Durant la période que nous traversons, j'ai observé avec tristesse que régnait une grande confusion. Qu'on l'admette ou non, on ne peut qu'être impacté, physiquement et émotionnellement par les évènements. Mais nous nous devons en tant qu'êtres responsables et doués de raison, de nous informer, de prendre le temps de la réflexion, et de ne pas nous laisser envahir par l'émotion. Malheureusement, et même chez des enseignants ayant une certaine visibilité et un âge auquel on attend de la maturité, ce ne fut pas toujours le cas.
Il est aussi révélateur que des divers articles que j'ai écrits durant cette période, le moins lu et partagé était celui proposant des ressources fiables concernant la situation…
Dans le contexte de la diminution du nombre de pratiquants et du vieillissement de ceux-ci, l’Aïkido a-t-il encore une chance de survie après plus de trois mois d'interruption ?
Il est évident que l'Aïkido traverse une mauvaise passe. Le nombre de pratiquants est en baisse constante et importante, et la population ne se renouvelant pas, sa moyenne d'âge est de plus en plus élevée.
La pandémie actuelle changera-t-elle quelque chose ? J'en doute à moins qu'elle ne dure des années. Bien sûr elle a mis en lumière les faiblesses de certaines structures, et des dojos et clubs n'y survivront pas. C'est d'ailleurs tout le microcosme martial qui souffre comme la revue Karaté Bushido publiée depuis 1974, et le magasin Budostore qui existe depuis 1952, et qui font tous deux appel aux bonnes volontés. Mais la pandémie n'a ici fait qu'accélérer une situation qui se dégradait depuis longtemps.
Ayant repris les cours et stages, j'ai constaté que la pandémie avait éclairci les situations. Oui certains ont abandonné, se rendant compte que la pratique ne leur manquait pas, ne leur était pas essentielle. Mais dans le même temps des pratiquants parfois dilettantes sont revenus, ayant pris conscience de tout ce que l'Aïkido leur apportait.
Nul doute que des structures ferment leurs portes, et personne ne peut s'en réjouir. Mais les groupes solides survivront. Les effectifs seront-ils un peu plus resserrés ? Sans doute. Mais autour d'un noyau plus déterminé, plus clair sur son engagement et ses motivations. Les effets directs du Covid sur l'Aïkido sont indéniables, mais bien moins importants que les problèmes de fond qui minent la discipline.
Nous vivons une situation complexe, difficile. Mais il ne tient qu'à nous d'en faire une chance, de réfléchir pour mieux agir, assainir les bases, et rebondir pour redonner vigueur à l'Aïkido.
Pour prolonger la lecture :
- Chute mondiale de l'intérêt pour l'Aïkido
- Les promesses trahies de l'Aïkido
- Les Fédérations ne sont pas le problème (principal) de l'Aïkido