Eutonie et Aïkido, juste tension et laisser-agir
Développement de la conscience
Cela fait aujourd'hui quelques années que je considère la pratique martiale essentiellement comme un outil de développement de la conscience. Conscience vers l'extérieur, qui nous permet de percevoir le monde qui nous entoure et ceux qui le peuplent. Conscience vers l'intérieur, qui nous permet d'observer nos pensées, nos tensions et nos émotions.
Si l'Aïkido est mon instrument de prédilection pour travailler ces éléments, de nombreux autres outils viennent enrichir ma pratique et ma réflexion. Parmi eux, l'Eutonie occupe une place de choix.
Qu'est-ce que l'Eutonie ?
Méthode de développement de la conscience du corps, l'Eutonie est dans la mouvance des méthodes Feldenkrais ou Alexander. Sans manipulation extérieure, par une prise de conscience du corps, elle permet de relâcher les tensions inutiles, retrouver une posture correcte, en un mot, de faire en sorte que le corps recouvre son juste équilibre. Ancrée dans le réel, l'Eutonie donne des outils à ceux qui la pratiquent, et rend leur bien-être indépendant de manipulations extérieures.
Système ouvert, l'Eutonie, comme l'Aïkido, n'a pas été limité par sa fondatrice Gerda Alexander. Tout en gardant un cœur commun, la méthode peut ainsi recouvrir des formes variées selon les inclinaisons de ses praticiens.
Connaissances, représentations et réel
Chacun d'entre nous sait globalement comment est fait un corps humain. Quelle étrange affirmation ! Nous savons GLOBALEMENT, à peu près, comment NOUS sommes faits !!!
Bien entendu il est impossible de connaître le fonctionnement et l'architecture intérieure de chaque chose. Nous sommes obligés de faire des choix, et pour beaucoup d'éléments il est suffisant de savoir utiliser. Pour l'individu lambda, peu importe ainsi le fonctionnement détaillé d'un smartphone. Mais connaître notre corps précisément est une clé fondamentale du bien-être.
En tant que pratiquant d'arts martiaux, j'ai naturellement une vision plus précise que la moyenne des gens du corps humain. Mais les séances d'Eutonie m'ont mis face aux écarts qui existait entre ma connaissance intellectuelle, mes sensations et représentations… et le réel. Inutile de dire que j'ai bien ri.
Le bassin est un boxer, pas un slip
Lors de ma première séance d'Eutonie, le praticien a simplement posé ses doigts le long des os de mon bassin. Choc ! Je m'aperçois que je percevais comme un slip une partie du squelette qui est bien plus proche d'un boxer. Il commence haut, pas très loin des côtes, et finit bas.
D'un autre côté je le percevais aussi large dans sa partie basse, mais il ne l'est qu'en haut, se terminant en deux pointes. Oh intellectuellement c'était très clair, et j'aurai pu en faire un dessin reconnaissable. Mais je m'appuyais sur une représentation intérieure fausse ! Quelque chose qui a été corrigé de la façon la plus simple en une séance, en s'ancrant dans le réel.
Je ne suis pas un personnage de BD
Une autre prise de conscience brutale fut de constater que je me percevais… en 2D ! Sans doute la fâcheuse habitude de me regarder trop souvent sur papier glacé et autres écrans.
Je percevais donc avec justesse ma largeur, mais pas mon épaisseur. Bien entendu là aussi je savais intellectuellement que je n'étais pas plat. Mais la représentation/sensation que j'avais construite était erronée. Aujourd'hui encore, il m'arrive d'ailleurs de m'enfermer dans cette image fausse qui impacte notamment ma respiration. Est-ce que cela m'empêche de respirer ? Evidemment non. Mais j'ai tendance, quand beaucoup privilégient la hauteur, à beaucoup respirer dans la largeur. Le temps pris en Eutonie pour modifier ma représentation en s'appuyant sur la sensation du réel, m'a permis de retrouver une respiration plus libre dans ses multiples dimensions, haut/bas, avant/arrière, droite/gauche.
Ancré dans le réel
Ces deux exemples ne sont que deux des plus simples parmi tant d'autres. Pratiquant depuis deux ans maintenant, je continue cette exploration passionnante, guidé dans des niveaux de perception toujours plus fins et profonds.
Une des choses que j'apprécie particulièrement dans l'Eutonie, est l'accent qui est mis sur le réel. Pas de construction mentale et autre visualisation, mais une expérience directe. Une approche simple, qui n'en est pas pour autant facile, et qui m'évoque… le Zen.
Eutonie et Aïkido
Si l'Eutonie a éveillé la curiosité d'athlètes, musiciens ou adeptes tels que Noro Masamichi, quel est son apport DIRECT à la pratique de l'Aïkido ? Car si bien entendu ses bienfaits sur notre bien-être sont clairs, leur impact est indirect dans notre pratique quotidienne. Je donnerai ici deux exemples qui ne sont en aucun cas limitatifs.
Tout d'abord comme je l'ai souligné plus haut, l'Eutonie apprend à travailler dans le réel. Je n'ai naturellement rien contre les visualisations diverses qui peuvent nous permettre de réaliser certains mouvements, mais elles doivent être utilisées sciemment. L'Eutonie permet de prendre conscience des représentations que nous avons de nous-mêmes, et de leur écart avec la réalité. Si cela peut être perturbant au départ, au point de baisser notre niveau d'exécution technique, c'est une étape temporaire qu'il faut savoir accepter pour pouvoir évoluer plus profondément. A titre personnel, lorsque j'ai pris conscience de mon épaisseur, j'ai eu beaucoup de mal à réaliser les irimi nage incisifs et profonds dont j'avais l'habitude. Je me disais qu'il n'y avait pas assez de place, que je ne passerai jamais. Naturellement je n'étais pas plus épais, simplement la conscience juste de mon volume remplaçait l'image en 2D que j'avais de moi-même. Image que je peux aujourd'hui utiliser volontairement pour réaliser un mouvement, mais que je ne subis plus sans en être conscient.
Le second lien direct est évident à faire sentir, mais délicat à expliquer par écrit. Il s'agit du parallèle entre le tonus juste de l'Eutonie (eu = juste et tonos = tonus), et le "laisser-agir" (makaseru) de l'Aïkido. Voici l'explication de Sunadomari Kanshu, élève direct de Ueshiba Moriheï qui lui décerna le 9ème dan à l'âge de 38 ans.
"Dans la pratique nous avons trois possibilités distinctes. Mettre la force. Enlever la force. Laisser agir. C'est à partir de là que tout naît. Lorsque vous me saisissez si je mets de la force nous rentrons en compétition, c'est de l'opposition. Si vous me relâchez mon bras restera en l'air, tendu. Si au contraire j'enlève la force je subirais votre geste. Lorsque vous me relâcherez mon bras tombera inerte. Maintenant il existe une troisième voie qui est celle de l'Aïkido, le laisser-agir. Lorsque vous me saisissez je ne fais rien. Si vous me relâchez mon bras descendra mais c'est très différent de ce qui se passe lorsqu'on enlève la force. C'est un principe essentiel de l'Aïkido à partir duquel tout naît."
Sunadomari Kanshu
Si je m'appuie sur cette notion de tonus juste avec une relative facilité dans ma pratique, l'Eutonie m'a fait prendre conscience qu'elle était bien imparfaite dans ma vie quotidienne où j'oscille trop souvent entre tension et relâchement extrêmes.
Une voie vers l'autonomie
"Il est important en traitant, de ne pas donner plus que nécessaire, afin que l'autre puisse s'appuyer sur lui-même. Je ne suis pas le grand maître qui vous aide, mais vous introduit à mon travail pour votre propre découverte de vous-même."
Gerda Alexander
En Aïkido comme dans de nombreuses voie, martiale ou pas, la tentation est forte pour le praticien/maître de faire preuve de toute-puissance, et l'élève/patient, de tout remettre entre ses mains. J'ai à cœur dans mon enseignement de rendre les élèves autonomes le plus rapidement possible, et l'Eutonie se base sur un modèle similaire qui libère ceux qui pratiquent.
Se faire face
Prendre conscience de ses os, sa peau et ses muscles peut paraître extravagant. Ce travail simple mais ô combien difficile est pourtant le plus grand apport dans mon évolution personnelle de ces dernières années. Un apport qui a naturellement eu un impact dans ma pratique de l'Aïkido, mais aussi et surtout dans ma vie au sens large.
Le temps passant, en allant dans la profondeur, on est naturellement amené à découvrir nos tensions, les mécanismes de compensations que nous mettons en place, et cela peut à certains moments s'avérer difficile. Mais se découvrir, ce défi qui me semble similaire à celui que nous propose l'Aïkido par d'autres voies, vaut la peine d'être relevé. (Oui je vois tout comme un défi et je suis en lutte permanente !)
Eutonie et Aïkido
J'ai toujours à cœur de partager les méthodes et enseignements qui me font grandir, et c'est tout naturellement que j'ai souhaité faire connaître plus largement l'Eutonie aux pratiquants. J'ai donc organisé un stage commun Aïkido/Eutonie du 14 au 19 août à Valencia.
Jacline Perrod, qui fut pratiquante de Kinomichi, dirigera les séances d'Eutonie, tandis que je dirigerai les cours d'Aïkido. Le stage est ouvert à tous, pratiquant ou pas d'arts martiaux, indépendamment de la discipline et du niveau.
Horaires
Mardi 14 au dimanche 19 (pas cours après-midi le 19)
7h00 à 9h00 Aïkido
9h30 à 11h30 Eutonie
17h00 à 18h30 Léo Tamaki
18h30 à 20h30 Eutonie
Lieu
Gimnasio Esportiu Valencia
C/ Ernesto Anastasio n°4-6
46011 Valencia
Tarifs
Préinscriptions (jusqu'au 10 juin)
Stage complet (Aïkido et Eutonie) 315€
Aïkido complet 170€
Eutonie complet 170€
Sur place
Stage complet (Aïkido et Eutonie) 390€
Aïkido complet 220€
Eutonie complet 220€
1 cours (Aïkido ou Eutonie) 20€
Contact
Pour les préinscriptions, paiement par chèque à l'ordre de Shinbudokaï avant le 10/06, ou contacter tamaki.leo@gmail.com
Merci d'indiquer vos noms, prénoms et adresse e-mail.
Envoyer à :
Léo Tamaki
55 rue des Moines
75017 Paris
Merci
Merci à Thibaut Chatry, kinésithérapeute et aïkidoka brillant, qui m'a ouvert les portes de l'Eutonie.
Merci à Marie Froidevaux qui me guide avec patience et bienveillance en Eutonie.