Une journée à Bercy
Une invitation inattendue
J'ai reçu en août dernier un message de madame Barissat, directrice de Karaté Bushido, m'invitant à participer au Festival des Arts Martiaux. J'ai été surpris et flatté.
C'est une invitation que je n'attendais pas du tout. Parce que je n'ai pas de fédération derrière moi pour appuyer une éventuelle candidature. Parce que j'organise la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels. Parce que Christian Tissier et ses élèves ont toujours fait un excellent travail.
Je n'ai aucune idée sur le fait que l'un ou plusieurs de ces éléments aient été discutés, et ne sais même pas qui remercier pour mon invitation. Le fait est qu'elle était là.
Cette invitation m'a flatté parce je connais le Festival des Arts Martiaux depuis mon enfance. J'y ai assisté adolescent, et je n'avais jamais imaginé que je serai un jour invité à prendre la suite de géants tels que Tamura senseï, Nocquet senseï ou Tissier senseï.
Hésitations
Je mentirai si je disais que je n'ai pas hésité. Bien entendu le Festival de Bercy est un événement prestigieux, et son audience est immense, tant par le nombre de ses spectateurs que celui des téléspectateurs et des lecteurs du magazine Karaté Bushido. Toutefois l'aspect spectacle qui prenait de plus en plus de place, année après année, ne me touchait absolument pas particulièrement, et cela faisait des années que je ne l'avais pas regardé.
Je ne suis pas totalement naïf, et je sais que les choix étaient faits en accord avec les attentes du public. Un public avide de spectaculaire qui vient se distraire et rêver, au moins autant que découvrir les différentes facettes de la pratique martiale. Jouer la carte de l'austérité et de la sobriété coulerait le Festival de Bercy en une édition. A l'heure où le moindre film d'action montre un héros se débarrassant de toujours plus d'assaillants, à l'heure où les personnages de jeux vidéos sont capables des prouesses martiales les plus extraordinaires, à l'heure où internet regorge de démonstrations plus spectaculaires les unes que les autres, la survie du Festival est bien évidemment lié à sa capacité à répondre aux attentes du public.
Je savais évidemment tout cela, mais je me demandais si mon travail pourrait trouver sa place, si je ne serai pas d'une certaine manière malhonnête en participant à un événement dont une partie du contenu ne m'intéressait plus.
J'ai pris quelques jours de réflexion, et j'ai finalement décidé de m'embarquer dans l'aventure. Notamment parce que j'ai souvent snobé bêtement des chances qui m'ont été proposées par le passé, parce que c'était participer à un événement qui m'avait fait rêver enfant, et parce que c'était un honneur d'ajouter mon nom à ceux des maîtres ayant représenté l'Aïkido et les arts martiaux jusqu'à aujourd'hui.
Durant la répétition générale
Les exigences d'une organisation professionnelle
Le Festival des Arts Martiaux de Bercy est une machine gigantesque, et sa taille oblige à une organisation millimétrée qui ne souffre pas l'amateurisme. Plus d'une trentaine de démonstrations se succèdent, impliquant des centaines de participants, devant des milliers de spectateurs durant plus de trois heures. Le temps des démonstrations est court, deux à trois minutes en moyenne, et se doit d'être scrupuleusement respecté.
Tous les participants étaient invités à se présenter au Palais Omnisport de Paris Bercy (POPB) à midi. Passé les contrôles, une répétition a lieu l'après-midi avant la soirée elle-même, qui a lieu entre 20h00 et 23h30.
Côtoyer des géants
Chaque équipe de démonstrateurs se voit allouer un vestiaire qu'elle partage avec d'autres participants. Nous partagions le nôtre avec Gérard Blaize, Jean-Pierre Réniez, Pascal Guillemin et Bruno Gonzalez. L'ambiance était agréable, Blaize senseï et Réniez senseï étaient particulièrement détendus et plaisantaient.
De mon côté je dois avouer que je n'en menais pas large. Pas tant à cause d'un trac éventuel, mais parce que la semaine de Kan geïko et ses trois à quatre heures de sommeil quotidiens m'avait laissé sur le carreau, et que je commençais à éternuer et avoir de la fièvre. J'ai donc passé plusieurs heures à dormir dans le vestiaire, ne profitant pas comme je l'aurai souhaité de la présence de ces experts pour discuter de choses et d'autres.
Dans le vestiaire
Le niveau des participants est évidemment variable, mais la passion de chacun est indéniable. S'il y avait des adeptes remarquables par le niveau, il y avait aussi des géants par le physique. Je pense notamment à Papis Konez, lutteur sénégalais de plus de 130 kilos, dont les bras étaient aussi épais que mes cuisses!
Internet et ses conséquences sur le partage martial
Toute la journée la salle Marcel Cerdan, 1200m2, était mise à disposition des participants pour répéter, se reposer, etc… Si des pratiquants de nombreuses disciplines venus du monde entier se côtoyaient, j'ai été très surpris du peu de contacts qu'il y avait entre eux.
Fatigué et malade, je n'avais évidemment pas la tête à aller taper la discussion. Mais après réflexion, je me suis dit que même en forme, je n'aurai probablement pas engagé beaucoup plus de conversations. Non pas que je n'ai pas de curiosité, bien au contraire, mais il y a internet. Aujourd'hui lorsque je cherche quelque chose sur un adepte ou une discipline, je vais sur le net. J'y trouve des vidéos, des photos, et des informations détaillées qui m'apportent tous les éléments que je recherche.
Il y a quinze ans, se retrouver avec des pratiquants de tant de disciplines variées aurait été un événement extraordinaire. Aujourd'hui cela semble ne plus avoir la même valeur. Bien entendu rien ne remplace les échanges physiques, mais ça en donne l'illusion et cela émousse probablement la curiosité.
Isseï, ne manquant jamais une occasion de démontrer sa souplesse :D
Séduire en restant fidèle à son art
En acceptant de venir à Bercy, j'acceptais implicitement de faire une démonstration à l'attention des spectateurs présents. Je connaissais leurs attentes, et je crois avoir réussi à présenter mon travail sans le caricaturer, mais d'une façon qui soit attractive pour l'audience.
Madame Barissat est en tout cas venue me faire part de sa grande satisfaction et de l'accueil positif du public. Mission accomplie donc semble-t-il. De mon côté j'ai passé une longue mais belle journée, et j'ai été heureux de vivre cette expérience.
Une démonstration n'est rien sans des uke de valeur
On peut faire la démonstration de ses capacités martiales face à n'importe qui. Mais on ne peut faire une démonstration propre de son art qu'avec des ukes de haut niveau. Je voudrais remercier ici Isseï, Julien Coup, Alexandre Grzegorczyk et Thomas Vercellino. Leur disponibilité pour la préparation, leur bonne humeur durant la journée et leur engagement durant la démonstration m'ont permis de présenter ce que je souhaitais dans les meilleures conditions. Du fond du cœur, merci.
Merci aussi à Shizuka qui a su faciliter tout le déroulement de la journée par ses discrètes et nombreuses attentions.
Merci enfin à Gilbert pour la vidéo et les photos de la démonstration ;-)