Apprivoiser le tigre, la voie martiale
Prisé par les seigneurs de guerre du Japon, le tigre orne aussi les temples de l'archipel. Symbolisant la puissance à travers les cultures et le temps, quel est le sens de sa présence dans un lieu dédié au Bouddhisme ?
Physiquement, le tigre incarne à mes yeux le relâchement et l'énergie. Mentalement il m'évoque la sérénité que procure la confiance dans ses capacités. Mais le tigre personnifie aussi la sauvagerie…
Le tigre n'est-il pas ainsi la férocité qui sommeille en chacun de nous ? Niée, réprimée par les règles sociales contemporaines, cette énergie de vie peut être réveillée, puis entretenue et canalisée par la pratique martiale. Cette conscience primale reconnue, disciplinée, permet alors de vivre paisiblement le quotidien, et rugir quand il faut devenir protecteur, d'autrui ou soi-même. N'est-ce pas ce qu'évoquent les tigres à l'entrée des temples ou dans les peintures qui les ornent ?
La martialité comme étape
Le Kishinkaï est aujourd'hui connu pour l'accent mis sur la martialité. C'est un honneur car c'est un élément qui m'a toujours paru essentiel. Pour autant il ne faut pas se méprendre. Si je considère que la martialité essentielle et n'est ignorée qu'aux dépens des pratiquants, elle n'est qu'une étape nécessaire et non un objectif final. En faire l'alpha et l'oméga revient à s'arrêter à la première marche de l'escalier.
Pourquoi la martialité ?
Parce que la nécessité de présenter des résultats dans un contexte non-coopératif et instable nous amène à développer des qualités qui s'avèreront utiles dans chaque domaine de notre vie. Attention toutefois à ne pas caricaturer, prendre la martialité au sérieux est l'opposé de jouer au petit samouraï. Et un travail logique et pertinent dans un contexte de pratique clair et cohérent, n'est en aucun cas un gage d'efficacité. Dans le combat la quantité d'efforts et la détermination font bien plus de différence que les conceptualisations, aussi brillantes soient-elles.
Richard Douïeb et Shinya Tsuchida
(Photos Stéphane Remael pour Yashima)
Convictions et partage
L'accent que je mets sur la martialité est connu. Pour autant je crois que l'on me reconnait aussi l'ouverture et la tolérance. Dans Spécial Aïkido dont s'occupe aujourd'hui Germain Chamot, comme dans Yashima ou à la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels, j'ai toujours eu à cœur de présenter toutes les disciplines, et tous les courants rencontrés qui me paraissaient sérieux. J'ai eu ainsi autant de plaisir et d'intérêt à interviewer Christian Tissier que Tiki Shewan, Richard Douïeb que Shinya Tsuchida.
Malcolm Tiki Shewan et Christian Tissier
(Photos Stéphane Remael pour Yashima)
J'écrivais récemment :
"J'agis ainsi depuis des années pour diffuser l'Aïkido en accord avec ces convictions. Dans le même temps, certains courants souhaitent promouvoir d'autres aspects de la discipline. Nous ne nous accorderons sans doute pas non plus sur les causes de la situation actuelle, et partant les remèdes à y apporter. Pour autant je suis optimiste, car de tous bord les mains se tendent pour trouver des consensus et mener des actions concertées. Parce que chacun a compris que plutôt que critiquer les choix de quiconque, ce seront nos actions positives qui permettront à l'Aïkido de renaître."
L'Aïkido est une grande famille. Comme dans une famille, si nous vivons au quotidien avec nos proches autour d'un fonctionnement qui nous est propre, les grandes occasions nous voient nous retrouver autour de valeurs communes comme lors des fêtes de fin d'année. C'est une fête de la famille de l'Aïkido que seront les AïkiDays les 8 et 9 janvier, et je suis heureux de débuter 2022 par ce stage où j'enseignerai aux côtés de Brahim Si Guesmi et Olivier Eberhardt.
Belle et Heureuse Année du Tigre
à tous les hommes de bonne volonté !