Nuit des Arts Martiaux Traditionnels, retour sur l'édition 2015
Alors que la 10ème édition de la NAMT (Nuit des Arts Martiaux Traditionnels) approche à grands pas, retour sur la neuvième édition de ce rendez-vous incontournable.
C'est la première fois que la NAMT se déroulait au prestigieux Théâtre Dejazet. Si la façade du lieu est anodine, la magie opère dès que l'on pénètre dans ce lieu chargé d'histoire. Edifié en 1770, ce Théâtre où Mozart donna un récital est classé Monument Historique. Dernier théâtre survivant du Boulevard du crime, il était l'écrin idéal pour présenter les traditions martiales.
Sonmudo, avec Frédéric Foubert et Lyudmila Litvinova
C'est dans la grâce et la douceur que débuta la soirée avec le Sonmudo, cet art à la croisée du Yoga et du Budo. L'essence de la recherche de cette voie martiale zen développée par les moines bouddhistes de Corée réside dans un esprit calme et paisible.
Goshinkaï Jujutsu, avec Simon Pujol
C'est une discipline développée par un expert français qui a suivi, le Goshinkaï Jujutsu. Créé en 1989 par Alain Guingois après plusieurs décennies d'étude d'écoles telles que le Hakko ryu, le Nitten Ichi ryu ou le Gracie Jujutsu, le Goshinkan est une méthode de self-défense contemporaine, en même temps qu'une méthode d'éducation et d'introspection.
L'école était représentée par Simon Pujol, élève direct du Fondateur. Je connais Simon depuis plusieurs années, et je le considère comme un très bon ami. Je connaissais bien entendu ses qualités martiales pour le côtoyer très régulièrement sur les tatamis, mais je ne l'avais jamais vu en démonstration. Je dois dire que je n'ai pas été déçu. Sa présentation démontra de façon sobre et élégante l'efficacité et la richesse du Goshinkaï.
Aïkido et Ryushin Shochi ryu, avec Farouk Benouali
C'est un autre ami, Farouk Benouali, qui présenta ensuite son travail. Se définissant comme adepte de Budo, il y a longtemps que Farouk s'est affranchi des frontières artificielles qu'essaient d'ériger des gardiens du temple auto-proclamés. Il démontra brillamment avec ses partenaires la notion de ri-aï, l'harmonie des logiques, cette similarité des principes d'utilisation du corps et des stratégies utilisés dans la pratique aux armes et à mains nues.
Kudo, avec Shinya Tsuchida
C'est une autre discipline japonaise qui suivit, le Kudo Daïdo Juku. Cette école créée en 1981 par Azuma Takashi inclus des techniques de frappes, projections et immobilisations. Elle trouve ses origines dans le Jissen Karaté, une branche particulière de cette discipline très axée sur le combat réel.
Si le Kudo issu du Jissen Karaté peut donc être un sport et une méthode de self-défense, son Fondateur le considère avant tout comme un Budo et met un accent particulier sur l'étiquette et le respect des traditions. Tsuchida senseï fit d'ailleurs preuve d'un véritable esprit guerrier. Gravement blessé une semaine avant la soirée, il tint à honorer son engagement et être présent. Il démontra quelques techniques fondamentales, puis fit une démonstration de combat avec son assistant Sery. Une démonstration pleine d'engagement, de vigueur et d'esprit guerrier.
Kokodo Jujutsu, avec Eric Anfrui
Le Kokodo est la méthode de Jujutsu créée par maître Irie Yasuhiro sur la base du Hakko ryu dont il fut l'instructeur en chef durant plus de vingt ans. Méthode de combat utilisant la connaissance des axes osseux et méridiens du corps, le Kokodo ne nécessite ni force physique, ni agressivité.
C'est l'un de ses plus proches disciples, Eric Anfrui, qui présenta le travail de l'école. Il démontra avec ses élèves la subtile efficacité du Kokodo face à une large palette d'attaques.
Systema, avec Benoît Hauray
C'est ensuite en Russie que nous avons voyagé grâce au Systema. Discipline de combat dont les origines remontent aux cosaques, le Systema est aujourd'hui pratiqué par les forces spéciales russes. Réputé pour ses mouvements fluides et relâchés, et ses frappes lourdes, le Systema insiste aussi énormément sur la liberté de mouvement, et la créativité des pratiquants.
Benoît Hauray, élève direct de Vladimir Vassiliev, avait choisi le travail face à deux partenaires attaquant librement avec des bâtons puis à mains nues pour présenter la discipline. Il démontra avec simplicité et élégance le relâchement et la disponibilité qui caractérisent son école.
Aïkido, avec Pascal Guillemin
Retour à l'Aïkido ensuite, avec Pascal Guillemin. Pascal a débuté l'Aïkido à l'âge de 15 ans, et immédiatement décidé de devenir professionnel. Armé d'une volonté farouche, il a réalisé son rêve pour devenir l'un des jeunes maîtres les plus en vue de l'Aïkido.
Collaborant avec le milieu artistique, Pascal donne des cours à l'Alcazar, et a participé à des longs métrages tels que le Dernier Samouraï. Il enseigne en outre dans le milieu carcéral. Proche de Christian Tissier, il a brillamment représenté cette école dont il est l'un des fers de lance dans une démonstration virtuose et dynamique.
Toda ha Buko ryu, avec Claire Seika
C'est alors un moment très particulier que nous avons vécu. J'avais pris contact début 2015 avec Pierre Simon Iwao. Ce grand expert, détenteur des diplômes les plus élevés de plusieurs traditions martiales, avait accepté malgré sa santé défaillante de venir avec ses élèves présenter au public son travail, le résultat d'une vie de pratique. Il nous quitta malheureusement le 3 mai, lors d'un week-end de préparation de cette démonstration.
C'est son épouse, son fils et ses élèves proches qui vinrent ce soir-là nous présenter l'enseignement de deux écoles enseignées au sein de leur dojo. Leur première démonstration présenta l'école Toda Ha Buko ryu.
La tradition martiale Toda Ha Buko ryu puise ses racines dans la Toda ryu, créé par Toda Seigen pendant la période de guerres civiles appelée Sengoku jidai. C’est durant la période Edo que la branche Buko ryu, sous la direction du treizième soke, Suneya Ryosuke Takeyuki, se sépare de la tradition principale et se spécialise dans la naginata.
Claire Seika, l'épouse de Pierre Simon Iwao a suivi l'enseignement de Nitta Suzuo sensei, Soke de Toda-ha Buko ryu, de 1985 au décès de cette dernière en 2008. Shihan, elle succéda à son époux à la tête du dojo Oshinkan pour l'enseignement de cette école. Elle présenta avec ses partenaires, et notamment son fils Benjamin, les katas suivants :
Ai naginata (naginata contre naginata)
Kusarigama aiki no koto (naginata contre kusarigama)
Kagitsuki naginata Tachi awase (naginata "spéciale" contre sabre)
Kagitsuki naginata Yari awase (naginata "spéciale" contre yari)
Gembukan Tode ryu, avec Pierre Portocarrero
C'est ensuite un art aux racines multiples que nous avons pu admirer avec le Gembukan Tode ryu, une école de Karaté issue de l'enseignement du mythique maître Ogura Tsuneyoshi. Un art aux racines japonaises mais aussi chinoises et okinawaïennes caractérisé par une pratique souple et martiale, qui fut présenté par Pierre Portocarrero.
Recevoir Pierre Portocarrero était un honneur. Il avait contribué à lancer la NAMT en acceptant très généreusement de participer à sa première édition. S'étant volontairement mis à l'écart des grandes manifestations publiques pour se consacrer à son art, il accepta néanmoins exceptionnellement de venir présenter son travail à un public de passionnés. Il fut, en outre, un invité exceptionnel jusque dans les coulisses, échangeant avec chacun avec simplicité, rassurant les plus jeunes avec quelques paroles bienveillantes et un chaleureux sourire.
Hino Budo, avec Akira Hino
C'est le fondateur du Hino Budo qui présenta ensuite sa discipline avec son épouse Kazuko, et son assistant Takehiko Sakamoto.
Hino senseï est l'un des plus grands maîtres d'arts martiaux contemporains, et l'un des chefs de file du renouveau des Budos japonais. Il a développé un travail basé sur la sensibilité, la souplesse et le relâchement. Les principes qu'il a mis en lumière se déclinent dans n'importe quel domaine de la pratique martiale, que ce soit armé ou à mains nues.
C'était la seconde fois que maître Hino acceptait de venir présenter l'école qu'il a fondée. Montrant les aspects les plus variés de son travail lors de sa première venue, il avait choisi cette fois-ci de démontrer les aspects les plus subtils de son école, lecture d'intention, modification de l'utilisation et harmonisation dans des formes au sabre, au bâton et à mains nues.
Karaté Shotokan JKA, avec Hamid Hamiche, Karim Bellakhdar, et Marc Feldis
Le Shotokan est le style de Karaté issue de l'enseignement du célèbre Gichin Funakoshi. La JKA (Japan Karate association) qui a été fondée pour développer son enseignement, a formé les maîtres légendaires de la discipline tels que Kanazawa Hirokazu ou Nishiyama Hidekata. Réputée pour sa rigueur, elle fut représentée par les experts Hamid Hamiche, 7ème dan, Karim Bellakhdar, 6ème dan, et Marc Feldis, 5ème dan qui présentèrent un Karaté puissant et dynamique caractéristique de leur école.
Tatsumi ryu, avec Claire Seika
C'est à un nouveau voyage dans le temps que nous invita le dojo Oshinkan pour sa démonstration de Tatsumi ryu, une école fondée il y a plus de 400 ans dans l'île de Shikoku. Son fondateur, Tatsumi Sankyo, était guerrier, et fils de guerrier. Insatisfait d'une simple compétence technique, il se soumettra à une ascèse spirituelle et technique qui lui permettra d'atteindre le satori, l'illumination, à la suite de laquelle il fondera son école. Un style qui continue d'être transmis dans la ville de Sakura, et a été reconnu trésor culturel intangible.
Claire Seika s'est vu décerner en 1992 les rouleaux d'enseignement de Tatsumi ryu par Kato Takashi senseï, le père de l'actuel soke. Elle démontra une partie du cursus de l'école avec ses élèves le Iaï, le Kenjutsu (kenjutsu kage et yoroi doshi), et la lance (yari) (tachi awase : yari contre tachi), avant que son fils présente le Yawara.
Hapkido, avec Jérôme Dussottier
Retour en au pays du matin calme avec Jérôme Dussottier et le Hapkido. Le Hapkido est un art martial coréen partageant les mêmes racines que l'Aïkido à travers le Daïto ryu. Les lecteurs de Spécial Aïkido le connaissent notamment grâce aux articles de David Constant. David dont Jérôme est l'enseignant, et qui présenta à ses côtés la richesse de sa discipline dans une démonstration percutante.
Aïkido, avec Jean-Marc Chamot
C'est une nouvelle démonstration d'Aïkido qui suivit ensuite, avec Jean-Marc Chamot. Père de Germain Chamot qui est l'un des contributeurs réguliers des Spécial Aïkido, Jean-Marc pratique depuis plus de quarante ans et a connu tous les pionniers de l'Aïkido en France. Encyclopédie technique de la discipline, il a conservé l'enseignement de tous les maîtres qu'il a rencontrés le long de son parcours exceptionnel.
Je connaissais Jean-Marc depuis longtemps, mais je ne l'avais jamais vu en démonstration. Il m'avait avoué qu'il n'était pas particulièrement friand de ce type de travail, et je n'attendais rien de particulier sinon une présentation claire de la discipline. C'est peu de dire que mes attentes ont été dépassées et de loin. Jean-Marc a livré une prestation splendide. Non seulement son Aïkido était limpide, fluide et puissant, mais il était sous-tendu par une présence d'une formidable intensité. Une des présentations de l'Aïkido qui m'a le plus marqué, toutes NAMTs confondues.
Hsing-I, avec Erwan Cloarec
Direction la Chine pour la démonstration suivante avec Erwan Cloarec et le Hsing-I. Le Hsing-I, la forme de l'intention est un art martial interne chinois. Système réputé pour sa simplicité et son efficacité, il privilégie la contre-attaque directe et la ligne droite pour étouffer dans l'œuf l'attaque adverse. Système réputé pour sa puissance et sa simplicité apparente, le Hsing-I est l'un des trois arts martiaux internes majeurs avec le Taijiquan et le Bagua que pratique aussi Erwan Cloarec.
Erwan est un pratiquant éclectique qui étudie aux sources les plus diverses. Je l'ai rencontré il y a quelques années lors d'un stage d'Akuzawa senseï, et nous nous sommes régulièrement côtoyés depuis. Pratiquant brillant, sa gentillesse n'a d'égale que son humilité, et il était assez réticent à l'idée de côtoyer des experts célèbres. C'est peu dire qu'il ne démérita pas. Sa démonstration présentant des formes en solitaire puis leurs applications fut passionnante, et l'une des plus appréciées de la soirée.
Daïto ryu Takumakaï, avec Jean-Antoine Gonzalez
Le Daïto ryu, l'école de Takeda Sokaku, a eu une influence majeure sur le paysage martial contemporain. De nombreuses écoles en sont en effet issues, telles que l'Aïkido, le Hakko ryu ou le Hapkido. Réputé pour sa notion d'Aïki, et ses subtiles techniques de contrôle, le Daïto ryu comporte de nombreux courants. Parmi eux, le Takumakaï est le plus répandu, et possède le plus riche répertoire technique. Il fut présenté par Jean-Antoine Gonzalez, l'un des huit non-japonais, et le seul français autorisés à enseigner dans le monde.
Jean-Antoine et ses élèves présentèrent des techniques caractéristiques du Daïto ryu, et montrèrent notamment simultanément le même mouvement en position assise et debout.
Méthode Lafond, avec Fabien Hamon et Olivier Coulon
Tradition martiale française ensuite, avec la méthode Lafond. Enseignant l'escrime, la savate et le bâton, la méthode Lafond est l'une des très rares traditions martiales occidentales à être parvenue jusqu'à nous. Ce sont Fabien Hamon et Olivier Coulon qui nous présentèrent avec simplicité ces pratiques aussi élégantes qu'efficaces.
Aïkibudo, avec Daniel Benshimon
Cousin de l'Aïkido, l'Aïkibudo est une discipline créée par maître Alain Floquet sur la base de l'enseignement des maîtres Mochizuki Minoru, Sugino Yoshio et Takeda Tokimune. Elle inclut l'enseignement de techniques à mains nues, et le travail des armes de l'école Katori Shinto ryu.
C'est Daniel Benshimon qui représenta le fondateur de la discipline dans une démonstration présentant la richesse de l'école avec du travail à mains nue et notamment des sutémis, ainsi qu'aux armes.
Haidong Gumdo, avec Frank Chevallereau
Le Haidong Gumdo est la voie du sabre coréen. Réputé pour ses coupes spectaculaires, l'école est dirigée en France par Jean-François Capozzi. Blessé, il fut représenté par une équipe dynamique dirigée Frank Chevallereau. Ils présentèrent des formes en solitaires puis à plusieurs au bokken, mais aussi des coupes de papier suspendu puis de flamme avec leurs sabres de bois.
Kinomichi, avec Takeharu Noro
C'est enfin le Kinomichi qui vint clôturer avec une splendide démonstration cette neuvième Nuit des Arts Martiaux Traditionnels. C'est Takeharu Noro, fidèle de la NAMT, qui présenta la discipline fondée par son père Masamichi Noro, élève direct du Fondateur de l'Aïkido. Takeharu fit honneur à la réputation d'élégance de cette école visant au développement de soi par delà le combat, et qu'il enseigne aujourd'hui avec enthousiasme à travers le monde.
Taïko, avec Tulga Yesilaltay et le Paris Taïko Ensemble
S'ils sont connus sous le nom de taïko, tambour, le nom exact des tambours japonais est wadaïko. Existant depuis l'aube du Japon, les wadaïkos ont été liés à la religion dès leur apparition. Ils ont ensuite connu un développement grâce au No et au Kabuki. Aujourd'hui ils ont dépassé les frontières de l'archipel, et leur son puissant est connu dans le monde entier.
Tulga Yesilaltay et le Paris Taïko Ensemble furent comme depuis de nombreuses années maintenant, les partenaires discrets mais indispensables de la NAMT. Ouvrant et clôturant l'événement, ils accompagnèrent aussi brillamment les démonstrations de tous les experts qui en firent la demande aux sons de leurs wadaïkos.
AïkiTaïkaï
Comme chaque année maintenant, l'AïkiTaïkaï se tint en parallèle de la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels, et de nombreux experts prolongèrent leurs démonstrations par une présentation et une initiation à leurs disciplines. Un remerciement particulier pour cette disponibilité qui permit aux pratiquants d'approfondir leur découverte.
Des partenaires indispensables
A l'heure où les traditions ne font pas recette, la NAMT est un événement difficile à réaliser. Dans cette bataille permanente pour la perpétuer, le soutien de partenaires est précieux. Merci à BudoExport, Seïdo, Destination Japon, Budostore et au magazine Dragon pour leur confiance et leur présence.
Photos
Toutes les photos de cet article ont été prises par Sébastien Chaventon. Ami de longue date et pratiquant, Sébastien est passionné de photographie. Auteur du blog Exworld, il poste chaque jour un splendide cliché sur des sujets très variés. Street art, avions, animaux, nature, architecture, prennent toujours un relief particulier sous son œil aiguisé. Je le suis avec l'agrégateur de flux Feedly, et apprécie ce clin d'œil quotidien.
La 10ème Nuit des Arts Martiaux Traditionnels et l'AïkiTaïkaï
La 10ème Nuit des Arts Martiaux Traditionnels aura lieu le 25 juin au Théâtre Dejazet. En parallèle aura lieu l'AïkiTaïkaï les 25 et 26.
Le programme complet de la NAMT2016 !