Dernier au revoir à René VDB
6h30, il fait frais et le soleil n'est pas encore levé. La nuit a été courte et une brève douche achève de me réveiller. Alors que je revêts mon costume noir mes pensées vont vers René et glissent vers ceux qui l'ont récemment précédé. Jean-Yves Le Vourch, Tamura Nobuyoshi, Abe Seïseki, Sunadomari Kanshu…
Miguel, un élève et ami, et moi-même, partons chercher la voiture que nous avons louée. L'agence ouvrira en retard, l'employé mettra une éternité, nous serons pris dans des bouchons, le GPS ne fonctionnera pas correctement et nous arriverons... à 11h30 au cimetière, loin de la maison funéraire où la cérémonie avait lieu à 10h00.
Habituellement enclin à l'impatience j'accueilli pourtant toutes ces péripéties avec un vague sourire, comme un clin d'œil du destin, ou de René.
Les rendez-vous manqués avec René…
Je n'ai jamais été un élève de René. Pourtant il a toujours été là, à l'horizon de mon parcours. A la fin de ma première semaine de pratique, quand mon premier enseignant, Jacques Bardet, m'a emmené à un stage de Tamura senseï, c'était au Havre. Le cours qui devait si fortement influencer le reste de ma vie avait été organisé par VDB.
Pièce rapportée de dernière minute, je me souviens encore d'avoir dormi sur un lit pliant pour enfant dans la chambre de deux sempaïs, Yann et José. Je me souviens du sourire lumineux de Tamura senseï lorsqu'il reçut comme cadeau de fin de stage une magnifique tsuba dont René, des années plus tard, me raconterait l'origine.
Dans l'entourage de mes débuts en Aïkido plusieurs personnes avaient un à priori négatif sur René et, bêtement, je le fis mien. Quels que soient ses actes, ils furent dès lors teintés d'un voile négatif. De son côté René me raconta la même chose. Lorsque mon nom commença à être un peu connu on lui rapporta des choses négatives qu'il prit pour argent comptant.
Les paroles de ses élèves proches comme Brahim ou Philippe adoucirent vaguement mon opinion mais sans aller bien loin, je l'avoue. Jusqu'à ce que nous passions, liés par notre amitié avec Brahim, deux jours ensembles à la suite de la disparition de Tamura senseï. Je découvris alors un homme entier qui m'offrit généreusement une amitié qui, loin de faiblir, se renforcerait avec le temps.
Après que nous nous soyons apprivoisés, René m'a proposé à plusieurs reprises que nous fassions un stage en commun. Pour de mauvaises raisons j'en ai laissé passer l'occasion. Brahim me rapportait qu'il y a peu encore, à l'hôpital, il cherchait une date pour cela la saison prochaine. Le guerrier ne baissait pas les bras.
Après la cérémonie de nombreuses personnes devaient se rendre au dojo pour boire un verre en son honneur. Je n'avais jamais été un élève de René et j'ai préféré laisser ceux qui l'avaient suivi, côtoyé et avaient su voir la beauté en lui longtemps avant moi, se retrouver entre eux. Miguel et moi, perdus dans nos pensées, nous sommes promenés dans le silence des allées du cimetière Sainte Marie.
Oui, René et moi nous étions souvent ratés. Et la larme à l'œil j'ai souri à ce dernier rendez-vous manqué…