Pourquoi je quitte la FFAB (Fédération Française d'Aïkido et de Budo)
Il existe une version abrégée de ce texte ici.
Il arrive dans la vie de tout adepte qui enseigne, un moment où il lui faut prendre la décision de la façon dont il souhaite transmettre, et de la structure qui le lui permettra. Il y a longtemps que j'avais fait ce choix et, du vivant de Tamura senseï déjà, je m'étais ouvert à mes proches de ma décision de quitter la FFAB à sa mort. Pour autant, plongé dans de multiples projets, j'ai laissé le temps passer sans agir. Les récentes actions de la fédération ont eu ceci de positif, qu'elles m'ont amené à acter mon choix. Je quitte la FFAB.
La goutte d'eau...
Depuis septembre 2012, le petit monde de l'Aïkido a été secoué par les scandales qui frappent la FFAB. Des évènements qui, miracle de l'internet, tour à tour agacent, révoltent ou font rire dans le monde entier, du fin fond de la France au Japon, en passant par l'Afrique et l'Amérique. Mais si les agissements de la FFAB ont un lien avec mon départ, ce n'est qu'à la marge, en étant la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Car pour aussi déplorables que je les estime, ils ne sont rien au regard des raisons profondes de mon choix.
… et le vase
Ma décision est motivée par deux raisons essentielles. La première est que les fédérations agréées ont accepté un système que j'estime incompatible avec la nature et la transmission de l'Aïkido. Cela s'exprime essentiellement dans le fonctionnement des passages de grades, et le contenu des diplômes d'enseignement. La seconde est que la FFAB fonctionnait essentiellement comme une école au service de maître Tamura. Un état de fait que j'acceptai volontiers de son vivant, mais qui n'a plus de raison d'être depuis sa disparition.
Une inspiration à jamais
Avant d'aller plus loin, je voudrai revenir brièvement sur les années que j'ai passées au sein de la FFAB. J'ai débuté la pratique des arts martiaux il y a trente-deux ans, à l'âge de six ans, mais c'est relativement tardivement que j'ai découvert l'Aïkido, en 1995. J'ai alors commencé à pratiquer chez Jacques Bardet, qui m'a très rapidement fait rencontrer Tamura senseï. Cet évènement allait changer ma vie.
Je me souviens encore du sentiment qui m'a envahi la première fois que je l'ai vu pratiquer. Son Aïkido incisif, élégant et précis, allait me donner une motivation toujours vivace. Les années passant j'ai rencontré d'autres maîtres. Mais qu'ils aient été meilleurs ou moins bons, je n'ai jamais revécu cette émotion. J'avais trouvé mon inspiration, et il le resterait à jamais.
Ouf, je suis à la FFAB
Je ne me souviens plus exactement quand j'ai découvert que j'étais à la FFAB. Comme tout débutant, je ne m'intéressais qu'à la pratique, et tout ça n'avait pas grande importance à mes yeux. Le temps passant, j'allais toutefois découvrir qu'il y avait "eux" et nous. Tissier et Tamura. L'arriviste et l'authentique. Les laquais de l'Aïkikaï et ceux qui pratiquaient "l'Aïkido des origines, directement reçu du disciple préféré de son fondateur". Comme trop de novices désireux de s'intégrer, j'ai fait miennes ces croyances infantiles, buvant, ressassant et exagérant les paroles de mes sempaïs et professeurs.
Heureux d'être dans la "bonne" fédération, je ne suivrai d'ailleurs que des stages de la FFAB pendant deux ans et demi, jusqu'à mon départ pour le Japon. Tous ceux de Tamura senseï, quelques uns de Suga senseï, et un de Vural senseï. D'une part j'y trouvais tout ce que je cherchais, d'autre part, les informations circulant bien moins efficacement sans internet, je n'avais jamais reçu la moindre annonce de stages autres que ceux de la FFAB.
La grenouille sort de son puits…
1998, après deux ans et demi de pratique, shodan en poche, je m'envole pour le Japon, direction Aïkikaï de Tokyo. J'avais travaillé avec les maîtres Yamada, Kanaï et Ichihashi, et découvert de nombreuses autres écoles grâce aux cassettes vidéos et à l'encyclopédie d'Aïkidojournal (Aïki News à l'époque), mais rien ne m'avait préparé à la variété de pratiques que j'allais découvrir. Au Hombu enseignaient les maîtres Tada, Arikawa, Sasaki, Watanabe, Masuda, Endo, Osawa, Miyamoto, etc… dont la plupart avaient étudié directement avec Ueshiba Moriheï. Plus encore, j'allais découvrir que l'Aïkikaï, bien qu'étant la plus répandue, n'était qu'une école parmi d'autres, Yoshinkan, Yoseïkan, Shodokan (Tomiki), Ki no Kenkyukaï, Tendokan, Manseïkan, etc… Toutes reconnues les unes par les autres, même si les relations entre elles allaient d'amicales, avec participation à des évènements communs, à glaciales.
… mais y reste fidèle ;-)
Pour autant, cette richesse de pratique ne devait en aucun cas me faire oublier le travail de Tamura senseï. Bien au contraire, mes choix étaient dès lors faits en connaissance de cause, et durant les six ans que je passais au Japon, je revenais plusieurs fois par an pour pratiquer sous sa direction.
Grâce à ces expériences et au développement d'internet qui devait permettre le partage d'incroyables ressources consacrées à l'Aïkido, ma vision évolua considérablement. Aujourd'hui pour moi les pratiquants d'Aïkido sont des pratiquants d'Aïkido, quel que soit leur groupe d'appartenance. Christian Tissier est un adepte qui mérite le respect pour son travail considérable. Sa pratique n'est pas "Aïkikaï", l'Aïkikaï est une association qui regroupait des Aïkidos aussi différents que ceux des maîtres Yamaguchi, Nishio, Saïto, Kobayashi, Yamada ou… Tamura. Oui ce dernier était un proche d'Osenseï. Comme d'autres, avant ou après. Mais le degré de proximité n'est plus à mes yeux, ce qui légitimise ou décrédibilise un adepte. Tamura senseï était mon maître parce que sa pratique me parlait, parce que son Aïkido me convenait, point.
Un adepte de l'ouverture
Si ma loyauté à Tamura senseï n'a jamais été en question, j'ai aussi toujours été un adepte de l'ouverture. Ainsi déjà de son vivant, j'avais fait venir des experts tels que Shimizu senseï, Kuroda senseï, Hino senseï, ou Kono senseï, les premières Nuits des Arts Martiaux Traditionnels (NAMT) avaient eu lieu, et j'avais commencé les Masters Tour. Maître Tamura savait tout cela, et nous avions parlé plusieurs fois de la pratique de différents adeptes. S'il s'était particulièrement inspiré de Kuroda senseï, il avait l'esprit ouvert et était curieux de tout.
Avant la mort de Tamura senseï, il y eut bien quelques signaux avant-coureurs du mécontentement de certains, au regard de mes activités. Pour autant, sa bienveillance à mon égard suffit semble-t-il, à réfréner toute action concrète. De mon côté, et bien qu'ayant déjà évoqué mon départ futur avec mon frère ou des amis tels que Brahim Si Guesmi ou Mickaël Martin, je continuais à prendre mes licences à la FFAB. Et c'est par pure paresse que j'ai continué à la mort de maître Tamura. 17 licences à ce jour, dont 15 de dirigeant.
Poussé par ses décisions récentes, j'acte donc aujourd'hui mon départ. Mais comme je l'indiquais plus haut, mon choix avait déjà été fait bien plus tôt, essentiellement pour des raisons qui ont trait à la nature et la transmission de l'Aïkido.
Un système inadapté
La FFAB comme la FFAAA sont basées sur un système qui me semble inadapté à la pratique martiale traditionnelle japonaise. L'Aïkido n'est pas un sport. Il est pourtant régi, en France, par le ministère des Sports. Ses grades et ses diplômes d'enseignement sont soumis à une réglementation qui appauvrit son essence et le relègue au rang de lutte anachronique ou self-défense inefficace.
La notion de fédération est si étrange à la pratique martiale traditionnelle, que les premiers maîtres qui arrivèrent en France n'arrivaient pas à en comprendre le fonctionnement. J'ai moi-même fois eu beaucoup de mal à l'expliquer à des gens comme Shimizu senseï, Kato senseï ou Kuroda senseï. Des maîtres connaissant l'occident et enseignant régulièrement à l'étranger, mais peu au fait de cette… exception française.
Je n'ai d'ailleurs JAMAIS rencontré ou lu de déclaration d'un maître approuvant ce système. En revanche ceux qui le dénoncent sont légion. La pratique martiale traditionnelle japonaise a été créée, s'est développée et transmise au sein d'écoles, avec une pédagogie particulière. Modifier cela revient à modifier sa nature même, et à en faire perdre ses plus grands bénéfices.
Les grades
En France la délivrance des dan est contrôlée par l'état. En Aïkido l'autorisation de délivrer ces grades est dévolue aux fédérations agréées, FFAAA et FFAB.
Mais qu'est-ce qu'un dan? Un extrait des textes de loi nous permet de comprendre le point de vue du législateur:
"Dans les disciplines sportives relevant des arts martiaux, nul ne peut se prévaloir d’un dan ou d’un grade équivalent sanctionnant les qualités sportives et les connaissances techniques et, le cas échéant, les performances en compétition"
Un dan sanctionne donc des qualités sportives, des connaissances techniques, et des performances en compétition. Est-ce là ce qu'évaluait Osenseï lorsqu'il attribuait un grade? J'en doute fort.
Critères officiels d'évaluation des pratiquants d'Aïkido
Quel est le but de l'Aïkido? Son Fondateur semble l'avoir considéré comme un misogi, un travail de purification. Aujourd'hui la discipline est pour certains un loisir, une méthode de self-défense, ou de bien-être, ou d'auto-éducation, ou de recherche spirituelle, et bien d'autres choses encore…
Il est illusoire pour des jurys ne connaissant pas un pratiquant, de savoir ce qu'il cherche, mais plus encore ce qu'il a atteint.
Voici quelques éléments qu'il est demandé d'évaluer chez les candidats, tels qu'indiqués dans le règlement de la CSDGE (Commission en charge des grades).
Construction des techniques
Cette construction des techniques doit s'observer par l'enchaînement des "phases" suivantes :
- phase initiale de placement
- phase dynamique de création et conduite du déséquilibre ;
- phase terminale où le déséquilibre se transforme en amenée au sol (projection, immobilisation).
Le respect de ces trois phases ne devant pas nuire à la continuité dont l'exigence sera à moduler en fonction du grade demandé.
Cela peut sembler un détail, mais il est pour moi essentiel que les phases de placement et de création du déséquilibre soient simultanées. Lors de projections il n'y aura même souvent qu'une seule phase, en tout et pour tout.
Principe d'intégrité
La compréhension du principe général et fondamental selon lequel la technique d'aïkido doit préserver et renforcer l'intégrité (au sens le plus large du terme) physique et mentale des deux protagonistes constitue le troisième indicateur des capacités à vérifier.
Comment renforce-t-on l'intégrité de son attaquant?
Pour le deuxième dan:
Au travail du 1er Dan on ajoute rapidité et puissance en même temps que l'on démontre une plus grande détermination mentale.
Comment le jury observe-t-il une plus grande détermination mentale?
Le jury doit ressentir ce progrès en constatant une clarté de la mise en forme et de l’orientation du travail.
Comment un jury peut-il évaluer un progrès alors qu'il ne connaît pas le pratiquant?
Pour le troisième dan:
C'est le début de la compréhension du kokyu ryoku (coordination de la puissance physique et du rythme respiratoire). L'entrée dans la dimension spirituelle de l'Aïkido.
La définition du kokyu ryoku est bien différente de toutes celles que j'ai entendues de la bouche des maîtres que j'ai rencontrés. Il suffirait donc de faire la même chose que tout sportif, harmoniser sa respiration à un effort physique? Et comment un jury qui ne vous connaît pas peut-il juger que vous êtes entré dans la dimension spirituelle de l'Aïkido? Doit-on attendre le 3ème dan pour aborder cette dimension?
- la capacité d'imposer et de maintenir un rythme à l'intérieur du mouvement
J'apprends à mes élèves à travaille dans une vitesse constante, toosokudo. Un principe que Tamura senseï enseignait à la fin de sa vie.
Pour le 4ème dan:
A ce niveau techniquement avancé on commence à entrevoir les principes qui régissent les techniques.
Mieux vaut tard que jamais pour "entrevoir" les principes techniques. Sans compter qu'au dan précédent:
"Le niveau troisième dan doit permettre de manifester une maîtrise complète des techniques, la capacité à les adapter à toutes les situations"
Comment peut-on manifester une maîtrise complète des techniques, sans avoir entrevu les principes qui les régissent?
Il devient possible de conduire plus précisément les pratiquants sur la voie tracée par le fondateur.
Comment un jury qui ne connaît pas l'examiné peut en juger en ¼ d'heure de démonstration technique. Il faut d'ailleurs aussi qu'il puisse voir:
- la capacité du candidat à exprimer sa qualité de perception, son degré d'intégration
Le meilleur arrive toutefois pour les hauts grades…
Pour le 7ème dan:
L’Etre se débarrasse de ses obscurcissements et apparaît sous sa vraie nature ; il manifeste son vrai soi. Libre de tout attachement il éprouve la joie de vivre ici et maintenant.
Pour le 8ème dan:
Au-delà de la vie et de la mort l’esprit clair est ouvert, capable d’unifier les contraires, sans ennemi, il ne se bat pas. Sans combat, sans ennemi, il est le vainqueur éternel.
Sans entrave il est libre, libre dans sa liberté. O Senseï disait « En face de l’ennemi il suffit que je me tienne debout sans rien de plus ». Sa vision englobe et harmonise la totalité.
Les rédacteurs du règlement de la CSDGE ont fait de leur mieux, je n'en doute pas. Ils se sont simplement heurtés au fait que l'Aïkido est une discipline extrêmement riche, aux expressions techniques multiples.
Critères d'évaluation technique
Un des problèmes du règlement est qu'il est faussement objectif. Il ne contient à aucun moment autre chose que de vagues généralités, pour la simple raison que, même à l'intérieur des fédérations qui ne regroupent qu'un nombre limité de courants chez les décisionnaires, il y en a déjà trop pour qu'ils se mettent d'accord. Il met en outre de côté toutes les spécificités qui font généralement la richesse des écoles.
A l'heure actuelle l'Aïkido a des expressions si diverses, que ce qui est juste chez l'un, est faux chez l'autre. Le plus petit dénominateur commun ne représente donc plus rien de tangible.
La reconnaissance d'un chemin parcouru
Je considère par ailleurs le système actuel injuste et inintéressant, notamment dans la mesure où il est partiel, laissant de côté l'évolution du pratiquant en tant qu'homme.
Nous ne débutons pas la pratique égaux. Certains ont plus de temps, de disposition, sont plus jeunes, ont plus de moyens financiers, etc… En poussant le raisonnement à l'extrême, dans le même laps de temps, un jeune fortuné doué et oisif, deviendra bien plus habile qu'un vieillard maladroit, pauvre et croulant sous les responsabilités, quand bien même celui-ci fournirait bien plus d'efforts. Sans compter que sa virtuosité technique se doublera sans doute d'une vanité qui ne sera qu'encouragée par l'obtention de grades.
Un dan est, pour moi, la reconnaissance d'un chemin parcouru. Sur la voie de la maîtrise technique, mais aussi et surtout sur celle du développement de son humanité. Seule une personne connaissant personnellement l'élève est à même de mesurer ce cheminement.
"Le brevet d'état, c'est la mort de l'Aïkido." Tamura Nobuyoshi
Le second problème concerne les diplômes d'enseignement. J'ai été interviewé en mai dernier par Horst Schwickerath et Isabelle Belly pour Aïkidojournal. Une question portait sur ce sujet. Je me permets de reproduire un bref extrait ici avec l'accord de la rédaction:
"La pédagogie occidentale n'est pas adaptée à la transmission des arts martiaux japonais. L'idée n'est pas de chercher à faire entrer les informations dans quelqu’un, on cherche à développer ses capacités de jugement, d’adaptation, à saisir les choses. Il y a des écoles où on montre un kata tous les dix ans. On le montre une fois. Tu ne l’as pas vu ? A dans dix ans. Le combat c’est le chaos, l’attaque n’aura pas lieu trois fois. Il faut être capable de saisir instantanément, tout de suite. Ça commence par l’enseignement.
Tu peux très rapidement amener des gens à mimer ce que tu fais mais tu ne vas pas ainsi leur donner la capacité à évoluer tout seuls.
Le problème est que la façon dont les maîtres du passé ont appris n’a rien à voir avec la façon dont les cadres actuels veulent éduquer. Ils font comme si les maîtres avaient enseigné comme cela parce qu’ils n’avaient pas le choix, qu’ils ne savaient pas faire autrement ou qu’ils n’y avaient pas pensé. Je pense au contraire que c'était un choix délibéré et très important.
Aujourd’hui dans l’enseignement à la FFAB – à la 2F3A, je ne sais pas – les cadres viennent très souvent de l’Education Nationale. Parce qu’ils ont beaucoup de vacances et des salaires corrects, qui leur permettent d’aller en stage. Tant mieux pour eux, mais le problème est qu'ils ont importé une méthode pour, dans le plus court temps possible, mettre le maximum d’informations dans les têtes. Il faut donc que les choses soient claires, on aide l’élève, on le tire.
Quand Maître Tamura est arrivé en France, il avait 33 ans. Il ne connaissait que le Japon et il a délégué sans pouvoir imaginer les conséquences que cela allait avoir. Un jour il m’a dit "Le brevet d’état, c’est la mort de l’Aïkido.". Sur l'instant j'ai acquiescé sans comprendre. Maintenant les choses m'apparaissent clairement.
On apprend à enseigner au brevet d’état, à ce que les choses soient claires. C’est une très bonne méthode pour faire intégrer des informations, mais ça ne rend pas autonome, ça ne développe pas l'intuition. Tamura senseï ne voulait pas faire intégrer des informations, mais rendre les gens adultes, autonomes, intuitifs.
AJ : On est aujourd’hui dans un mode de fonctionnement, y compris dans la 2F3A, où on est dans la diffusion. Cette pédagogie dont tu parles, est-elle adaptée à la diffusion au plus grand nombre ?
Osenseï ou Takeda senseï ont eu des dizaines de milliers d’élèves, parmi lesquels se sont développés des générations de maîtres. On peut admettre que Takeda avait 30 000 élèves, que parmi ces 30 000 élèves, une trentaine sont devenus très, très bons et une dizaine sont devenus célèbres. O Senseï a peut-être eu aussi 30 000 élèves. Parmi eux, il y a près de soixante-dix uchi deshi qu’on voit sur le tableau de Stanley Pranin, qui sont devenus célèbres.
Sur les 30 000 élèves qu’a eu Maître Tamura, combien y en a-t-il que l’on pourrait mettre à ce niveau? Et je ne pense pas que cela soit de sa faute, mais de celle du système qui faisait écran entre lui et les pratiquants. Finalement en examinant les chiffres il semble que la méthode japonaise ne soit pas si mauvaise. Elle a en tout cas permis la diffusion en nombre ainsi que l'éclosion d'une élite."
Une formation adaptée aux sports, pas aux Budo
Les diplômes d'enseignement actuels regorgent d'informations très utiles pour améliorer la performance sportive. Ce sont malheureusement des choses qui sont dans le meilleur des cas inutiles, et dans le pire nocives. Le sport consiste à donner le meilleur dans les meilleures conditions, tandis que le Budo consiste à être capable du meilleur dans les pires conditions. Les qualités sur lesquelles se basent les sports sont inutiles dans le monde du Budo où l'on considère que les adversaires nous surpassent dans ces domaines. Si apprendre à les développer peut présenter un intérêt, ce n'est pas ce qui fait un enseignant d'Aïkido.
Pauvreté de la formation des enseignants
Enseigner l'Aïkido est bien plus qu'apprendre à quelqu'un comment tordre un bras. A quel moment est-il vérifié que l'examiné connaît un minimum la culture qui a donné naissance à sa discipline? On vérifie qu'il connaisse la composition de la CSDGE, qu'il soit incollable sur le fonctionnement associatif en France et qu'il connaisse la législation du travail. Mais sait-il quelles sont les différentes formes de salut? Ce qu'elles signifient, leurs origines? Que connaît-il de l'histoire de la discipline et de son Fondateur? Sait-il ce que signifie le nom des techniques? Connaît-il leur origine, leur évolution? Les examinateurs ont-ils eux-mêmes ces connaissances? J'en connais beaucoup dont ce n'est malheureusement pas le cas. Alors chacun glane ce qu'il peut sur internet, et se retrouve à expliquer le sens des plis du hakama, le fait qu'il cache le mouvement des pieds et doit être porté bleu ou noir.
Le diplôme, une consécration
Un écueil du diplôme est en outre qu'il donne facilement un sentiment d'achèvement. Comme si la capacité à enseigner avait été acquise. Celle d'apprendre à mimer quelques mouvements, oui. Celle d'amener un homme à se réaliser, en aucun cas.
La pensée japonaise, véritable richesse de l'Aïkido
La transmission traditionnelle japonaise est basée sur l'intuition, l'utilisation du kata et la répétition. C'est une façon d'enseigner qui n'est ni meilleure ni moins bonne, tout simplement différente. Elle permet donc de développer des qualités différentes et, surtout, de découvrir une autre façon de penser chez ceux qui en font l'expérience. N'est-ce pas un des plus grands avantages que puisse nous offrir l'Aïkido?
Outre le système que perpétuent les fédérations, la seconde raison pour laquelle je quitte la FFAB, est qu'elle a été créée pour maître Tamura. Sans lui elle n'a plus, à mes yeux, de raison d'être. Tout du moins dans son fonctionnement actuel.
FFAB, l'école de maître Tamura
La FFAB est née il y a trente ans, autour de l'enseignement de Tamura Nobuyoshi shihan. C'est autour de lui qu'elle s'est développée, et on peut sans crainte parler d'école de maître Tamura, terme que revendiquent nombre de ses cadres.
Ainsi, du vivant de Tamura senseï, il m'apparaissait naturel d'en faire partie et, par ce moyen supplémentaire, de lui témoigner ma reconnaissance. Grâce à la FFAB, maître Tamura put bénéficier de la sécurité d'un emploi, et de la mise à disposition d'un dojo.
La FFAB était donc l' "Ecole de Tamura senseï", et lui était utile pour dispenser son enseignement. Mais peut-elle pour autant se déclarer "Ecole Tamura" ou, pire encore, seule dépositaire de son enseignement? Obéit-elle ainsi aux désirs de celui dont elle se réclame? A toutes ces questions je réponds sans hésitation, non.
Beaucoup de pratiquants dans le monde se reconnaissent de l'école Tamura. Des gens qui ont pratiqué à ses côtés durant une période plus ou moins longue, il y a plus ou moins longtemps. L'école Tamura n'avait qu'un point de ralliement, c'était maître Tamura lui-même. En effet, s'il utilisait la FFAB pour se plier aux lois française, senseï ne créa jamais d'organisation pour développer et préserver son enseignement, comme le firent tant d'autres maîtres. En revanche, il laissa avec bienveillance ses élèves avancés créer leurs propres groupes, comme le Mutokukaï de Stéphane Benedetti, ou Eurasia de Nébi Vural.
Qu'est devenue aujourd'hui l'école Tamura? Perdant son unique point de référence, et sans indications de sa part, l'école n'est plus. Ceux qui en ont fait partie peuvent tous fièrement revendiquer leur héritage mais, en ne désignant pas de successeur, Tamura senseï a interdit a quiconque d'en clamer l'exclusivité.
Maître Tamura et l'avenir de la FFAB?
Certains évoquent le fait que Tamura senseï souhaitait la disparition de la FFAB. Je crois surtout que son futur ne lui importait pas. Malcolm Tiki Shewan dans sa lettre de démission, avait parfaitement exposé la situation. Tamura senseï vivait dans le moment présent. Il faisait ce qu'il avait à faire, et, la FFAB fut un outil pour cela. Lui parti, quelle nécessité de se préoccuper de sa pérennité? A quoi sert un outil sans artisan?
Maître Tamura eut beaucoup d'élèves et, sans doute, en considéra-t-il quelques uns comme des disciples. Plusieurs, malgré leurs désaccords avec le fonctionnement de la FFAB, restèrent à ses côtés à sa demande, et reprirent leur liberté à sa mort. Je pense ici à Malcolm Tiki Shewan, Nebi Vural, Stéphane Benedetti ou René VDB. D'autres firent le choix de rester à la FFAB. Tamura senseï ne désigna, quoi qu'il en soit, personne pour lui succéder. Et ses actions parlent plus que mille mots.
Nous ne saurons jamais pourquoi maître Tamura n'a pas voulu désigner de successeur. Estimait-il qu'aucun de ses élèves n'avait atteint un niveau suffisant? Ou que malgré leur haut niveau, leur expression était différente et devait donc s'exprimer sous leur propre nom? Souhaitait-il qu'ils continuent leur route, indépendamment de l'Aïkikaï et de ses grades? Espérait-il qu'ils développeraient leurs propres outils? Voulait-il leur montrer l'inutilité des grades? Chacun est libre d'interpréter cela à l'aune de sa subjectivité. Force est toutefois de constater que, malgré les demandes et les pressions, Tamura senseï refusa d'octroyer les grades et titres que nombre de ses élèves lui demandèrent dans ses derniers jours.
La course aux grades Aïkikaï
Il y a belle lurette que les hauts grades poussent comme des champignons en France. Et il était de bon ton à la FFAB, de déclarer qu'ils avaient été décernés par Tamura senseï, quand il était simplement consulté. Il était en revanche beaucoup moins généreux que la fédération avec les grades japonais. A sa mort de nombreuses personnes se retrouvèrent donc avec des grades fédéraux souvent supérieurs de plusieurs niveaux à ceux de l'Aïkikaï. Beaucoup de justifications ont été avancées pour expliquer cet écart. Petit florilège:
- "Tamura senseï s'entendait mal avec l'Aïkikaï." Pourquoi alors décernait-ils les grades à certains et pas à d'autres?
- "C'était trop cher." Pourquoi alors à sa mort se précipiter pour en acheter, souvent plusieurs d'un coup? Y a-t-il eu des soldes?
- "Tamura senseï ne les donnait qu'à ses élèves qui enseignaient à l'étranger." Pourquoi alors décerna-t-il, dès 99 ou 2000 si mes souvenirs sont exacts, le 6ème dan à Jean-Yves Le Vourch, qui enseignait peu à l'étranger, et pas à certains qui y allaient régulièrement?
Mais on peut aussi supposer que, maître Tamura étant seul à décider en ce qui concerne les grades Aïkikaï, ceux-ci reflétaient le niveau auquel il estimait ses élèves.
Quoi qu'il en soit, le corps de Tamura senseï n'était pas encore froid que la FFAB fit des pieds et des mains pour obtenir titres et grades. Par l'intermédiaire de Yamada senseï, directement avec le Hombu, et par je ne sais quel autre canal.
Liste des grades "décernés" par l'Aïkikaï en 2010
Les relations avec l'Aïkikaï
Pour ceux qui connaissent un peu les dessous du monde de l'Aïkido, les tensions entre Tamura senseï et l'Aïkikaï sont un secret de polichinelle. Malgré l'affront de voir la FFAAA reconnue par la FIA au détriment de la FFAB, il en était toutefois resté membre. Fier, il avait su garder son indépendance et l'Aïkikaï évitait de marcher sur ses platebandes.
Aujourd'hui, privée de leader, la FFAB se cherche une légitimité et courbe l'échine devant l'Aïkikaï. Quelle tristesse et quel symbole de voir Jean-Paul Avy et Claude Pellerin s'incliner devant Ueshiba Mitsuteru, l'arrière petit-fils d'Osenseï, pour un 7ème dan. On déroule maintenant le tapis rouge à celui qui était moqué pour son niveau il y a quatre ans. Comme tout le monde se gaussait à Lesneven de la frustration de son père, le Doshu qui voyait ses cours se vider. Comme il a dû rire en recevant les milliers d'euros pour l'achat des grades…
Les titres et les grades ne se payant apparemment pas qu'en monnaie sonnante et trébuchante, la FFAB va, semble-t-il, développer encore plus ses relations avec l'Aïkikaï. Comment conjuguer cela à la transmission de la pratique de Tamura senseï, mystère? Aucun des experts actuels du Hombu dojo ne fut son élève, et pour avoir discuté du sujet à plusieurs reprises avec lui, je peux affirmer que s'il en trouvait certains sympathiques, il n'en conseillait aucun pour la pratique, et estimait qu'ils se trompaient sur des points essentiels. Qu'importe, la FFAB n'est plus à un grand écart près.
Le refus de l'union
La FFAB était donc une école. Sans leader naturel, il m'aurait semblé naturel qu'elle devienne une véritable fédération, ouverte à toutes les pratiques, sans en privilégier aucune. Au contraire, le choix a été fait de ne communiquer que sur le fait que la structure préservait l'enseignement de maître Tamura. C'est effectivement la condition sine qua none pour empêcher une unification des fédérations d'Aïkido.
Il y eut pourtant un projet très avancé d'union. Un projet qui fut bloqué pour une seule et unique raison, la nationalité de Tamura senseï. En effet, la loi française stipule qu'un directeur technique de fédération française doit être de nationalité française. Hors Tamura senseï ne renonça jamais à la nationalité japonaise.
Maître Tamura disparu, je ne vois pas quels obstacles valables se dressent contre l'unification. Mon sentiment est que cette séparation ne sert que des intérêts personnels. Et si je m'inclinais avec plaisir devant ceux de Tamura senseï, il est hors de question que je le fasse pour d'autres qui n'ont pour seule qualité à mes yeux, que d'avoir été aussi ses élèves.
Nous sommes aujourd'hui, peu ou prou autant de pratiquants dans chaque fédération. Une union signifierait bien entendu la mise à l'écart d'un certains nombre de personnes, tant au niveau technique qu'administratif. Croyant que les gens compétents n'ont rien à craindre, je trouve que les choix actuels trahissent un grand manque de confiance.
Stages réservés aux adhérents FFAB
Depuis peu les stages de la FFAB ne sont plus ouverts aux personnes n'étant pas membre de la fédération. Cette décision, outre le fait qu'elle m'apparaît mesquine et clivante, aura par ailleurs pour conséquence un manque à gagner qui devra être supporté par les participants et licenciés. L'image de marque s'en trouve encore plus ternie, et les membres de la FFAB isolés. Aurait-on voulu les couper du reste des pratiquants que l'on n'aurait pas agi autrement.
L'argent des licences
Les licences augmenteront de 2€ la saison prochaine. Mais où vont donc les centaines de milliers d'euros qui sont récoltés annuellement? Actuellement la part consacrée à l'assurance serait de 1,25€ sur 33. Une licence qui, contrairement à celle de la FFAAA, n'assurerait que dans le cadre de la pratique d'évènements de la FFAB.
Là aussi, c'est avec joie que je payais cette somme du vivant de Tamura senseï. Je savais que cela lui assurait un salaire et un dojo. Mais il n'y a pas d'enseignant dont je souhaite payer le salaire aujourd'hui. Surtout compte tenu des décisions récentes. Je ne comprends pas non plus que le siège fédéral continue à être à Bras. Quant au dojo, Tamura senseï anticipait aussi sa disparition, raison pour laquelle il a décidé de ne pas y être enterré. Sans aucun doute savait-il que les gens ne se bousculeraient pas pour y pratiquer sans sa présence.
Un licencié devrait pouvoir profiter de l'investissement de l'argent de sa licence. Combien de membres de la FFAB sont allés à Bras ou comptent s'y rendre? Les stages donnés par les CEN étant payants, à quoi servent donc les 30€ restants?
Je considère qu'une fédération devrait assister ses membres dans leurs projets, promouvoir la discipline qu'ils pratiquent, et aider ceux qui le souhaitent à devenir professionnels. J'estime que ces missions ne sont pas accomplies, et que les sommes versées par l'intermédiaire des licences ne donnent pas lieu à un service qui les justifie.
Une fédération qui ne fédère pas
La fédération remplit-elle sa première mission, fédérer? Non nous disent les chiffres. La FFAB a perdu des licenciés depuis dix ans, et le nombre de femmes et de jeunes pratiquants est en baisse constante. Résultat, les pratiquants de la FFAB sont des hommes de plus en plus âgés, gradés, et de moins en moins nombreux. Au moins la composition du comité directeur est-elle représentative de la fédération.
Sans compter que les chiffres de la saison 2013/2014 seront dramatiques, en raison des démissions successives suites aux décisions récentes prises par ledit comité directeur.
Décisions récentes du comité directeur de la FFAB
Les 5 et 6 octobre, le Comité Directeur a pris, entre autres, les décisions suivantes:
-Bloquer l'attribution du 8ème dan à Christian Tissier.
Christian Tissier mérite et obtiendra le 8ème dan. Toutes les manœuvres visant à l'empêcher ou le retarder, ne grandissent pas leurs instigateurs. C'est une erreur tant morale que stratégique, et de communication.
-Retirer de la liste des juges les personnes connues appartenant à Mutokukaï et Eurasia.
Mutokukaï, l'association de Stéphane Benedetti et Tiki Shewan, et Eurasia, celle de Nebi Vural, ont droit à exister, au même titre que toute autre association. Stigmatiser leurs membres est méprisable et mesquin. Sans compter que Yamada senseï est le conseiller technique de Mutokukaï. Mais il n'est pas dupe du double jeu de la FFAB et rigole bien. Il a par exemple obtenu le titre de shihan pour Stéphane Benedetti et Michel Bécart, qui avait malheureusement été "oublié", comme Toshiro Suga, des demandes formulées par la fédération. Dans le même temps les demandes de titres pour la FFAB ont été balayées. L'Aïkikaï était prêt à en accorder trois vierges. Quelle valeur que ces titres distribués par quota et anonymement!
La majorité des experts les plus en vus, René VDB, Tiki Shewan, Stéphane Benedetti et Nebi Vural ont démissionné de leurs postes de CEN. Ils ont fidèlement œuvré au succès de la fédération pour le bien être de leur maître. A sa mort, après avoir rempli leur mission, ils ont repris leur liberté AVEC son accord. Par loyauté, par habitude, ils sont généralement restés membres de la FFAB. Ils n'en attendaient rien et leurs élèves et leurs clubs continuaient à payer leurs licences. Ils n'attendaient en retour qu'un peu de paix. Mais ils ont du succès. Et quand les calendriers de tant de CEN restent désespérément vides, cela semble être inacceptable.
-Nécessité pour les candidats aux examens de 1er et 2ème dan de faire deux stages inscrits au calendrier fédéral dirigés par des CEN
-Nécessité pour les candidats aux examens de 3ème et 4ème dan de faire deux stages inscrits au calendrier fédéral dirigés par des CEN, et un de préparation au passage de 3ème et 4ème dan donné… par un CEN!
Sans aucun doute, le CD sait mieux que les pratiquants ce qui est bon pour eux. Naturellement le taux de réussite aux examens va exploser. Si le but n'est pas de remplir les stages des CEN, pourquoi ne pas demander aux enseignants ayant présenté un certain nombre d'élèves aux examens avec un taux élevé de réussite de donner ces stages? Ne vaut-il pas mieux confier les tâches à ceux qui s'en acquittent le mieux?
Je suis resté stupéfait par toutes ces manœuvres. A-t-on jamais eu besoin d'imposer aux candidats aux examens de participer à un stage de Tamura senseï? Les ficelles employées sont si grosses que c'en est risible.
Dans les extraits de délibération il est par ailleurs indiqué:
Identité fédérale
Le bureau technique travaille de manière approfondie sur un projet quant aux fondations qui pourrait se décliner dans l'ensemble des commissions du bureau technique.
Je suis curieux de voir les résultats de ces réflexions. La fédération qui se réclame de l'enseignement de maître Tamura doit se concerter pour pouvoir présenter les fondations du travail de maître Tamura. Que pourrait-il sortir d'autre qu'une nouvelle reprise d'un de ses ouvrages?
L'héritage de Tamura senseï
La FFAB après maître Tamura aurait pu être un organe fédérateur. Sans leader naturel elle s'est transformée en machine à exclure et diviser. Aujourd'hui la FFAB ne respecte ni le fonctionnement d'une école traditionnelle, ni celui d'une association démocratique. C'est donc sans regrets que je la quitte.
Je garde mon respect et mon amitié à beaucoup de ses membres, même si je regrette que, par leur silence, ils cautionnent des dérives qui seront probablement sans retour.
L'Aïkido de maître Tamura était d'une incroyable richesse. Nul ne l'a probablement saisi dans sa globalité, et il n'a voulu désigner ni individu ni organisation pour lui succéder. Sa pratique continuera à vivre en chacun de ses élèves et, aucun n'a plus que les autres le monopole de son héritage.
Un nouveau départ
Certaines personnes dans mon entourage s'inquiètent des conséquences de mon départ de la FFAB. A titre personnel je vis cela sereinement, comme un acte fondateur, le début d'une aventure que je suis heureux d'entreprendre avec mes amis et élèves.
Elèves
Pour les élèves d'enseignants qui, comme moi, quittent une fédération agréée, il y a plusieurs conséquences:
La première est qu'ils ne seront probablement plus les bienvenus aux stages fédéraux. Bien entendu leur accès aux stages privés ne devrait pas changer, et l'offre est si riche en France que cela ne devrait pas être une difficulté difficile à surmonter.
La seconde est qu'ils ne pourront plus se présenter aux examens de grades d'état. Cela ne les empêche en aucun cas de passer des grades d'école. Les seuls auxquels j'ai jamais attaché d'importance, sont d'ailleurs ceux que j'ai passés devant Tamura senseï.
Pour ce qui est de se réclamer d'un grade dan d'école, c'est effectivement un risque. Toutefois, les derniers procès ayant été gagnés par des groupes indépendants, les fédérations agréées ne se pressent plus pour attaquer. Par ailleurs, en Aïkido de nombreux groupes autonomes attribuent des grades depuis des années sans être inquiétés.
La troisième concerne l'enseignement rémunéré. Si ce sujet ne concerne que peu de personnes, il reste néanmoins important. Oui, il ne sera pas possible aux personnes désirant enseigner de le faire contre rémunération. En revanche, la loi les autorise à le faire bénévolement, sans qu'il y ait besoin d'aucun diplôme.
Pour les personnes qui désireraient enseigner et être rémunérées, il existe toutefois une grande zone grise dans laquelle se sont engouffrés tous les indépendants. Il y a d'une part ceux qui se déclarent formateurs, ou consultants en Aïkido, et d'autre part ceux qui enseignent bénévolement mais sont rémunérés pour les tâches administratives qu'ils effectuent. Toutes ces solutions ne sont pas idéales, mais elles fonctionnent.
Confédération
De nombreux projets sont discutés en ce moment en coulisses. Le plus avancé et qui m'intéresse le plus, est celui d'une confédération qui réunirait des écoles en leur laissant toute autonomie en ce qui concerne les grades et les autorisations d'enseigner. Des moyens de communication et éventuellement d'autres champs à définir seraient mis en commun, mais chaque école serait libre d'appartenir à des organisations nationales et internationales.
Je souhaite de tout cœur que cette confédération voit le jour, car elle me semble être l'avenir qui permettrait à l'Aïkido de se développer sans se perdre. Elle permettrait d'avoir une voix commune face aux institutions et, si un nombre critique était atteint, pourrait sans doute même faire modifier certaines dispositions légales.
Je ne m'étendrai pas plus sur le sujet pour l'instant, rien n'étant fait tout n'est que spéculation.
L'avenir
Mon départ de la FFAB et du système actuel va me permettre d'enseigner ce en quoi je crois, de la façon que j'estime la plus adaptée. Mes élèves et moi-même n'aurons plus à consacrer des dizaines de cours chaque année, à modifier leurs pratiques afin de participer aux passages de grades, et nous pourrons consacrer tout notre temps et notre énergie à ce qui nous intéresse.
J'ai posé depuis un certain temps les bases de mon école avec un certain nombre d'élèves et amis en Espagne, en Belgique et en France. Nous allons formaliser cela dans les endroits où cela n'a pas été fait, et continuer à aller de l'avant.
Il est probable que je perde un certain nombre de stages et d'élèves, mais ce sont des conséquences que je suis prêt à affronter le cœur léger. Un prix peu élevé au regard de la liberté gagnée, et de la sérénité que l'on ressent lorsqu'on agit en son âme et conscience.